Le phénomène André Fabre a franchi le mur du son !

27/08/2015 - Grand Destin
Ogre classique, jamais rassasié à 69 ans après bientôt 40 ans de carrière de champion entraineur d'obstacle puis de plat, André Fabre a réussi, avec Esotérique dans le Prix Jacques le Marois, l’exploit de franchir le seuil des 700 victoires de groupes et des 480 Listed, ce qui est passé inaperçu, non seulement de la part des médias anglais mais aussi français. Xavier BOUGON s'est penché sur le CAS FABRE...


André Fabre, pourtant pas célèbre pour sa familiarité, signe un autographe après sa 114e victoire de Gr.1 en France avec Esotérique dans le Prix Jacques le Marois.

 

Cet exploit est passé sous silence, pas de son pas d’image.

C’est de notoriété publique que les liens entre les journalistes et le Napoléon des pistes cantiliennes sont rompus, mais France-Sire ne pouvait passer sous silence l’exploit du «monstre sacré» qui vient de sauver (d’une victoire étrangère) le soldat Le Marois (avec Esotérique) et qui, par la même occasion, vient de franchir la barre des 700 victoires (706 plus exactement) de groupes et des 482 Listed françaises (dont 306 réservées aux 3 ans) de plat soit près de 1.190 victoires principales pour un palmarès de plus de 4.000 victoires. En un mot, il nous ferait perdre la notion des chiffres.
 
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André Fabre est l’entraineur français le plus capé en activité. Il pourrait être une formidable locomotive pour les courses mais, depuis pratiquement 32 ans (novembre 1983), il ne parle plus à la presse française, peu aux médias étrangers ni même à certains de ses confrères. Inutile d’insister, l’homme s’est abrité derrière un mur du son ou de silence. La question est de savoir depuis quand précisément et surtout pourquoi, seul l’intéressé serait le mieux placé pour répondre mais que nenni. Un média connu et reconnu avait peut-être trouvé la cause de cette bouderie qui remonterait à des déclarations (publiées) d’un de ses confrères après un jumelé Fabre à l’arrivée d’une épreuve de groupe à Auteuil.
Certains diront que Fabre a saisi ce prétexte alors qu’il avait sans doute d’autres griefs (contre qui ?) ou autres motifs de mécontentement. Depuis c’est le mutisme le plus complet, pas même les deux marches menant au podium ne le perturbent. Il est vrai qu’accéder au podium 700 fois, çà c’est du sport. Car depuis «cette affaire», c’est sur la piste qu’il nous a répondu et nous ne pouvons qu’être admiratifs !
 
 

La victoire d'Esotérique sous la selle de Pierre-Charles Boudot dans le Prix Jacques le Marois - Haras de Fresnay le Buffard 2015 qui offre sa 700e victoire de Groupe à son entraineur André Fabre.
 
 
Notes :
 
  • Le mur du son est un phénomène physique aérodynamique caractérisé par l’atteinte d’une vitesse équivalent à la vitesse du son, soit environ 1.200 kms/heure très proche du nombre de victoires de «Dédé».
     
  • Quatre des cinq groupes 1 du meeting de Deauville 2015 sont revenus à nos adversaires anglais. Seul le Prix Jacques Le Marois a donné un vainqueur entrainé en France, l’entrainement d’André Fabre. L’an passé, ce dernier avait également sauvé (d’une victoire étrangère) le soldat Rothschild avec déjà Esotérique.
Update : Odeliz, gagnante du Prix Jean Romanet, est issue de la même famille que Trêve.
 
 
Il n’a pas changé ses habitudes
 
Impassible, il regarde la Grande Course du mois d’octobre sur le petit écran de télévision, à l’entrée du vestiaire des jockeys, comme si la course ne le concernait pas. Il s’agissait tout de même du Prix de l’Arc de Triomphe et les quelques attardés qui se pressent à ses côtés, faute d’avoir eu le temps de grimper dans les tribunes, n’en croient pas leurs yeux. Aucun signe extérieur d’émotion, de tension, d’appréhension ou autres qualificatifs ne trahissent notre téléspectateur....... on se demande même s’il est concerné par l’évènement et pourtant le vainqueur est entrainé par lui-même qui vient de remporter son premier Arc avec Trempolino (il y en aura six autres).
 

André Fabre avec Paul de Moussac, Antoine Bozo et Charles-Henri de Moussac après le son 1e Arc de Triomphe, remporté par Trempolino en 1987.

 
André Fabre n’est pas démonstratif (c’est le moindre que l’on puisse dire). Il s’en voudrait de l’être, de l’être surtout avec tout le monde. Issu de la diplomatie teintée de romantisme allemand et de culture prussienne quand il était écolier sur les bancs du lycée français de Berlin où son père était en poste, André en a manifestement gardé des attitudes plus anglo-saxones que latines (malgré être né à San-Sebastian, il y a bientôt 70 ans).
 
Deux, presque trois, décennies, plus tard, il n’a pas changé son rituel ni même ses habitudes.
 
Notes :
 
En 2010, j’ai vécu la même scène à Chantilly lors d’un Jockey Club où son pensionnaire avait hérité du 20 à la corde.....vous aurez devinez de qui il s’agissait. Il a même sussuré calmement «voyez, il n’y avait pas de quoi faire tout ce ramdam à propos de nombre de partants ». Il venait de s’imposer avec Lope de Vega.
 
Il quitte la scène de l’obstacle où il comptait déjà quelques grands succès.
 
La saison 1983 débute sans le regretté François Mathet (décédé en janvier, quelques semaines après le succès d’Akiyda dans l’Arc) et la scène hippique ne tarde pas à lui trouver un successeur avec l’arrivée d’André Fabre, désigné « Homme de l’année 1983 » par Galop-Informations.
 
Après s’être classé trois années consécutives à la seconde place du classement des entraineurs d’obstacles et avoir cumulé la même année (1983) le premier accessit en obstacles (derrière Jack-Hubert Barbe) et en plat (derrière François Boutin), André Fabre quitte la scène de ses premiers amours et le centre de Maisons-Laffitte.
 
André Fabre avait déjà fait confluer vers lui les effectifs Rothschild, Dabaghi et autres Volterra, aux côtés de ses demi-sang d’Auteuil (dont Jasmin II) et on annonçait l’arrivée imminente des Fustok qui lui donnera deux groupes 1 en 1984. Pour sa part, Moufid Dabaghi sera son «client», vainqueur de son premier Gr.1 avec Al Nasr (Ispahan 1982, monté par Alain Lequeux) suivi en 1983 par une victoire outre-atlantique (Santa-Anita) avec Zalataia (montée par Freddy Head) pour le compte d’Edith de Gil dans l’Oak Tree Invitational aux dépens d’un certain John Henry.
Depuis, de nouvelles casaques frappent chaque hiver à la porte de l’écurie qui crée un perpétuel roulement. Avant-hier les Maktoum, les Abdullah et autres princes saoudiens, hier les Moussac, les Wildenstein, les Wertheimer, les Lagardère, aujourd’hui (c’est une expression) les australiens, les sud-africains, les allemands (von Ullmann, Saint Pair et Ammerland), les irlandais de Coolmore.
 
Au lendemain de sa première victoire nord-américaine, André rapporte à un journaliste de Week-End : J’ai constaté que les chevaux américains ne sont sûrement pas meilleurs que les nôtres, mais qu’ils sont surtout habitués à des compétitions beaucoup plus sévères. Ainsi, dès le départ, les chevaux sont «dans le coup » et il leur faut aller comme cela jusqu’au bout. Le résultat est que le cheval qui sort d’un système de sélection est beaucoup plus dur, même s’il n’a pas plus de classe qu’un cheval européen. Il faut que les chevaux français apprennent à souffrir. (extrait d’un Siècle de Galop de Guy Thibault)
 
Notes :
 
  • En 1981, le 24 mai plus précisément, André Fabre selle son premier partant dans une course de groupe en plat. Coup d’essai, coup de maître, première victoire dans le Prix La Force avec Al Nasr, monté par Alfred Gibert. Ce fils de Lyphard venait de confirmer son succès du Prix de Suresnes, la première Listed d’André.
     
  • C’est en 1984 (soit 3 mois après la genèse de la bouderie) qu’André décide d’abandonner l’entrainement des chevaux d’obstacle après 237 succès dont le Grand Steeple-Chase de Paris à 4 reprises et le Prix du Président de la République dès sa première année (1978), succédant à son maître d’apprentissage, André Adèle, décédé en février 1978.
     
  • A la suite de sa victoire américaine, Zalataia (Dictus), élevée par Carlos Lombard, sera vendue à Allen Paulson qui la confiera à Ronald McAnally. Après une seconde place dans la Hollywood Turf Cup (de John Henry), elle rejoint le haras où elle donnera naissance à, entre autres, Fraise (Strawberry Road), vainqueur de la Breeders’Cup Turf 1992.
     
  •  Depuis 1987, André Fabre n’a laissé à personne le soin d’occuper la tête du classement des entraineurs de plat (selon les gains). Seuls Alain de Royer-Dupré et Jean-Claude Rouget, viendront le « contrarier » (c’est un grand mot) en 2008 et 2009, lui «chipant» la pôle (c’était les années de Zarkava et de Stacelita). Au total, il compte 26 trophées.....qu’il n’est pas venu chercher et pour cause, il n’y a pas de récompense ! 
  • Pour l’anecdote, le gentleman-rider André Fabre a débuté chez Léon Gaumondy puis rejoint rapidement André Adèle. Il remporte sa première course en obstacles en mai 1970 à Argentan en selle sur Pickle appartenant à un permis d’entrainer (qui aura ensuite des chevaux chez l’entraineur André Fabre), Guy Ribard. Quelques années plus tard, ce dernier deviendra le beau-père de Sylvain Vidal (La Cauvinière). Trois ans plus tard (21 octobre 1973), il est remporte un dernier succès en tant que gentleman-rider à Nantes pour André Adèle. Le lendemain, toujours à Nantes, il gagne pour Gustave-Gabriel Foucher mais est distancé pour erreur de parcours.

 


Al Nasr lui a offert sa 1e victoire de Gr.1 en plat dans le Prix d'Ispahan 1982

 

Peu de gazon pour ses pensionnaires.
 
Extrait d’une interview de Gérard de Chevigny (un ancien confrère de Fabre dans les rangs des gentlemen-riders) publiée en janvier 1984 dans Galop-Informations à la veille de son retrait de l’obstacle.
 
Question : Ne regrettez-vous pas de quitter l’obstacle ?
 
 " Pas du tout. Si je reconnais que cette discipline, lorsque j’étais jockey, a définitivement contribué à m’imprégner du goût de la compétition, de la combativité et de l’insensibilité aux coups, je dois en revanche constater qu’en qualité d’entraineur, les satisfactions que j’y ai connues ne m’ont pas comblé totalement, professionnellement parlant....un vainqueur du Grand Steeple, cela ne m’a pas exalté.....si ce n’est le résultat d’un travail bien fait, avec un « matériel » limité, à la portée de tous. Car au fond, la qualité qui prévaut dans la formule du succès en obstacle n’est pas la classe pure."
 
 "J’ai beaucoup appris chez André Adèle. En matière d’entrainement il a été un novateur et la plupart de ceux qui ont voulu s’inspirer de sa formule et l’imiter ont réussi (...). Je crois que ma façon d’entrainer n’a rien de sophistiqué. Beaucoup de décontraction et d’entretien (notamment de longs galops de chasse en période de transitions, quelques bouts-vite, très peu de gazon, si ce n’est pour...en montrer la couleur).
Il me parait essentiel de suivre mes lots à cheval, autant pour juger l’application du personnel que pour observer le comportement de mes chevaux et toutes leurs réactions au travail que je leur impose. Je fais peu appel aux jockeys extérieurs pour monter les galops, préférant souvent laisser ce soin à mes « garçons », le plus souvent sur le sable : il n’y a rien de tel pour mettre en condition et pour extérioriser tous les signes qui trahissent les réactions d’un cheval à l’effort." 

 
 
 
Avec l’aide précieuse de son épouse
 
" Ma femme (Elizabeth) a un sens inné du cheval, de son soin, de sa santé. Je m’en remets totalement à son jugement et à ses observations « cliniques » quand elle examine et cherche à comprendre les imperceptibles phases qui font la différence entre forme et méforme chez un cheval. La santé de mes chevaux, c’est elle. Entre eux et elle, existe un rapport très particulier."
 
 

Elisabeth et André Fabre en 2011 sur les Aigles.
 
 
Un perpétuel insatisfait
 
François Hallopé a essayé de cerner la personnalité d’André Fabre lors d’une interview à la veille de l’Arc de Triomphe 1993 :
 
Avares de paroles : certainement, depuis qu’il estime avoir été piégé par des journalistes, mais capable de parler pendant des heures de ses passions, si possible en tout petit comité.
 
Coléreux : certainement, mais pas rancunier....
 
Orgueilleux : Assurément, dans le sens où l’homme est fier de son parcours, de sa réussite car il est parti de « rien » et qu’il est le principal artisan de ses succès.
 
Perfectionniste : surtout perpétuel insatisfait, « chaque victoire n’étant qu’un soulagement et surtout pas une fin en soi »...il ne fait rien non plus pour être aimé et adulé. C’est probablement pourquoi il est à la fois respecté et tant critiqué. N’est ce pas le propre d’une star ?

 

Gr.1 gagnés en France par André Fabre de 1982 à 1985.


 

Gr.1 gagnés en France par André Fabre de 1986 à 1995.


Gr.1 gagnés en France par André Fabre de 1996 à 2005.



Gr.1 gagnés en France par André Fabre de 2006 à 2015.
(au 20/08/2015)

Voir aussi...