Critérium de St-Cloud : un rouge-gorge franco-irlandais nommé Robin Of Navan

03/11/2015 - Grand Destin
Entrainé en Angleterre, mais né en France, Robin of Navan rend hommage à son éleveur de Tourgeville, Pierre Lepeudry, mais aussi à deux familles irlandaises. Une victoire anglo-normande, pleine d’émotion. Par Xavier BOUGON.    

Robin of Navan, vainqueur du Critérium de Saint-Cloud devant un public bien fourni ©APRH
 
 
Le propriétaire du Haras de Tourgeville, Pierre Lepeudry, venait juste de rejoindre d’autres cieux quand intervient la naissance (18 avril 2013) du fils d’American Post, nommé ensuite Robin of Navan. Le fils cadet de Pierre, Antoine, vient de prendre les rênes de l’élevage et c’est tout naturellement que sa mère, Monique, de son nom de jeune-fille Grandcollot, est déclarée comme éleveur du premier produit de sa mère, Cloghran (Muhtathir). Depuis, elle a donné naissance cette année à un mâle de Lethal Force et attend un heureux évènement des suites des amours avec Rock of Gibraltar.
Cloghran (du nom d’un haras irlandais dont les propriétaires sont amis avec les Lepeudry) n’est autre que la demi-sœur de Liliside et de Lily America (deux filles d’American Post) et de Fleur des Indes (Ganges), élevées par Pierre Lepeudry. Le yearling de Fleur des Indes, un Kendargent, va passer sur le ring de Deauville aux prochaines ventes.
 
 

Immense joie de Tony Piccone qui remporte son 1er Gr.1 avec Robin of Navan
 
 
Robin of Navan, le gagnant donc du Critérium de Saint-Cloud, a rejoint l’entraînement d’Harry Dunlop à Lambourn (pas très loin de Newmarket) qui le fait débuter à Kempton Park en juin après avoir été acheté un mois plus tôt à la vente Breeze-Up Arqana pour 47.000€, un bon signé par Anthony Stroud pour le compte de quatre amis associés, conseillés par leur entraineur. Il était présenté par Bansha House Stud, entité du pinhooker irlandais Con Marnane qui l’avait acheté yearling en octobre à Deauville pour 10.000€.
 
 

Con Marnane, l'Irlandais qui a pinhooké Robin of Navan
 
 
Depuis ses débuts quelconques en Angleterre, il n’a pas remis les "pieds" sur un hippodrome d’outre-manche. Il est venu manger le pain des entraineurs installés en France en alignant un premier succès estival à Compiègne sur 1.400m, laissant une certaine Notte Bianca au pied du podium. Il doit ensuite se contenter d’une seconde place en août à Deauville derrière le JCR, George Patton (qui n’a pas reparu depuis) avant de remporter, à l’issue d’une vive lutte, le Critérium du Fonds Européen de l’Elevage, une Listed sur 1.600m., monté par Tony Piccone, le jockey de la première heure en France.
Un instant pressenti pour rejoindre Longchamp le premier dimanche d’octobre, son entourage préfère une "rentrée" sur plus long, les 1.800m. de Chantilly (le lendemain du Grand Critérium) où le fils d’American Post s’empare d’une des préparatoires (même si elle se court corde à droite) au Critérium de St-Cloud, le Prix de Condé. A cette occasion, il relègue le fils de Sea The Stars, Cloth of Stars, à plus de 3 longueurs.
 
 

Ancien pensionnaire du Haras d'Etreham, où il a conçu Robin of Navan, American Post fait désormais la monte au Haras de Tréban dans l'Allier.
 
 
Sur la piste clodoaldienne, Robin of Navan ne fera qu’une bouchée des ses adversaires menant bon train en s’imposant de bout en bout, devant à nouveau, Cloth of Stars et Notte Bianca (Kendargent), l’O’Brien de service, Idaho (fils de Galileo et d’une mère par Danehill) et même Millfield (son second du Condé).
 
Notes :
 
Le Critérium du FEE n’avait donné, à ce jour, qu’un seul vainqueur du Critérium de Saint-Cloud, Linda’s Lad en 2005. En 2013, Ectot, le lauréat deauvillais, avait préféré ensuite le Critérium International dans lequel il devançait Baby Foot et Elliptique (le gagnant du Prix de Condé).
 
  • La famille Dunlop n’avait jamais inscrit son nom au palmarès d’un Gr.1 français pour poulains de 2 ans. Harry, qui n’est officiellement entraineur que depuis 2006, remporte son premier succès à ce niveau. Il est le fils du retraité (depuis fin 2012), John-Leeper Dunlop (vainqueur à 3 reprises le Prix Marcel Boussac) et le frère cadet d’Edward-Alexander (le mentor de Snow Fairy, Red Cadeaux et de Ouija Board, entre autres).
 
  • Le premier rameau de la famille maternelle de Robin of Navan, Dilly Dally (née en 1962 chez le Duc de Norfolk en Angleterre) a été importé en Normandie en 1966 pour le compte de P.C.B. Benson. Son premier produit, Maradadi, (né de l’étalon maison, The Marshal, Prix Jacques Le Marois) deviendra la propriété de Robin (un premier clin d’œil) Higgin qui trouvera en Pierre Lepeudry, un ami et un associé. Maradadi n’est autre que la 5ème mère de Robin of Navan.
 
 
 
 ©APRH
 
 
Baptisé Robin of Navan en hommage à des amis irlandais
 
L’histoire de son nom de baptême n’est autre qu’un clin d’œil à deux familles irlandaises impliquées dans l’élevage.
La famille Lepeudry s’était liée d’amitié avec des éleveurs irlandais exerçant leur passion à Cloghran Stud (près de Dublin) et à Cleaboy Stud (près de Navan). Tous les ans, la progéniture normande passait des vacances studieuses auprès des chevaux et de certains oiseaux sympathiques, le rouge gorge (robin en anglais).
 
Cloghran Stud était la propriété du Lieutenant-Colonel John Peel Samuelson, qui avait épousé en secondes noces, Grace Eleanor Dawson, la fille du célèbre entraineur d’avant-guerre, Dick Dawson, co-propriétaire d’un certain Blandford. Le haras avait abrité le célèbre étalon et plus tard Whistler et Above Suspicion achetés par le couple Samuelson.
 
Les époux donnent naissance à deux enfants, Robin, né en 1953, et  une fille, Clare, née en 1958. Le drame arrive quand le fils décède accidentellement en Espagne, alors qu’il n’est âgé que de 23 ans. John décède en 1988 et Eleanor en 1998. Il semblerait que le haras est voué à la démolition.
 
Antoine Lepeudry (à gauche) à Deauville en compagnie de Nicolas Clément
 
 
Cleaboy Stud est un haras situé à Mullingar dans le Comté de Westmeath près de Navan. Il est la propriété de la famille Clarke après avoir été, à partir de 1914, celui du Major Lionel Brook Holliday, décédé en décembre 1965 (à 74 ans), quelques mois après la naissance d’un certain Vaguely Noble qu’il fait naître avec l’aide du manager du haras, Owen J. Ryan. Le haras, qui a compté jusqu’à 50 poulinières, donne naissance également à Hethersett (St Leger 1962), Neasham Belle (Oaks 1951), son propre frère, Narrator (Coronation Cup, Champion St.), Night Off (1000 Guinées 1965), le sprinter Galivanter, Nonce Nicer (Yorkshire Oaks), entre autres.
 
Le Major est également éleveur de Windmill Girl qu’il vendra foal (en 1961) à Arthur Maitland Budgett à l’amiable pour 1000 Guinées. Ce dernier aurait voulu la revendre yearling mais ne trouve pas preneur. Sous ses couleurs, elle est gagnante des Ribblesdale St., seconde des Oaks et 3ème des Irish Oaks, puis deviendra la mère de Blakeney (Hethersett) et de Morston, deux vainqueurs de Derby d’Epsom.
 
La famille Lepeudry est donc amie avec la famille Clarke qui, en guise de cadeau, leur offre pendant plusieurs années des couples de rouges gorges.
 
Note :
 
Brook Holliday, le fils du Major, avait acheté en 1958 au Prince Aly Khan, un haras près de Newmarket, Sandwich Stud, qui sera revendu en 1986 à la famille Thompson qui le rebaptisera Cheveley Park Stud.
 
 
Pierre Lepeudry au Haras de Tourgeville
 
 
Hommage à son éleveur
 
Pierre Lepeudry était un grand monsieur, par la taille certes, mais aussi par la gentillesse, la prestance et les services rendus à l’Institution des courses de Clairefontaine et la commune de Tourgéville. Enraciné depuis plusieurs générations dans le paysage local, il a commencé dans l’élevage de bovins puis de pur-sang et de trotteurs. Il est pour la première fois en 1959, conseiller municipal de la commune de Tourgéville. Adjoint de 1963 à 1967, puis maire, une responsabilité qu’il gardera jusqu’en 1999, deux ans avant la fin de son mandat qu’il termine comme conseiller. En 1991, à la disparition de Michel d’Ornano, il prend la présidence du District de Trouville-Deauville jusqu’en 1995 et assure avec les autres partenaires, le sauvetage des courses à Deauville. Il s’implique alors un an de plus dans les courses, et prend le 24 avril 1995 la présidence de la Société des Courses du Pays d’Auge jusqu’en décembre 2001 où il cède sa place à son neveu, François Grancollot.
 
Cet homme, très britannique d’aspect, était un homme de terrain avec sa connaissance pointue de l’élevage de chevaux, de son environnement et de ses composantes. (extrait de l’hommage fait par Yves Aublet dans le livre intitulé, Deauville, passion cheval)...
 
Pierre s’occupe du Haras de la Vente (à Silly en Gouffern) pour l’Américain Lawrence M. Gelb parallèlement à ses activités dans le Calvados où il reprend l’élevage en 1984 sur les terres familiales que son père, André, avait façonné. Il a débuté avec des poulinières réformées en provenance du Haras de Meautry.
 
Il est l’ainé d’une famille de 11 enfants et son épouse, Monique (l’éleveur de Robin of Navan), lui donnera trois enfants, Catherine, Patricia et Antoine, le cadet qui reprend le flambeau.
 
Antoine avait deux arrières-grands-pères déjà dans les lieux. Pour l’anecdote, l’un des deux, transporteur de chevaux, achemina même l’un des bras de la Statue de la Liberté à Rouen, à destination de New York (mai 1885 à bord du navire L’Isère, arrivé à bon port le 17 juin). Après l’assemblage de 350 morceaux, la statue sera inaugurée le 28 octobre 1886.
 
 
Notes :

Le Haras de la Vente aurait été vendu à Jean-Pierre de Gasté en 1998 qui le rebaptisera Haras de Gouffern. 

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