Melbourne Cup 2016 : deux histoires à dormir debout

La 10e mère d'Almandin, nommée Alex, née en Normandie en 1939 chez l'Aga Khan qui avait lui-même acheté sa mère à Lord d'Arbanon en Angleterre. Cette Alex, fille de Louqsor, sera "importée" Outre-Rhin en 1940, dans des conditions dont on ignore les détails et qu'on ne cherchera pas à connaître. Toujours est-il que la pouliche, alors yearling et qui n'avait rien demandé à personne, fera souche en Allemagne. Son 3e produit Alma Mater sera 2e du Prix de Diane et du Derby Allemand en 1953, dans un pays dévasté par la guerre qu'il avait lui-même déclenché, avant de produit un gagnant de Derby 1960 nommée Alarich et la 8e mère d'Almandin.

 

Tout juste 50 ans plus tard, en 2010, à l'heure où le couple franco-allemand tente d'éviter à l'Europe de se déchirer dans le sens inverse, nait dans les prés du puissant Baron Von Ullman, qui a hérité de sa mère le vaste haras de Schlenderhan près de Cologne, un poulain de Monsun, l'étalon fétiche du milliardaire, alors à l'époque de sa reconnaissance internationale. La mère est par Tiger Hill, un poulain dont Ullman est aussi très fier puisqu'il l'avait acheté yearling en Angleterre et il est devenu le 1e champion entrainé par Peter Schiergen. Depuis un demi-siècle, la famille a continué de fournir généreusement de bons chevaux, comme la mère d'Almandin, nommée Anatola, gagnante d'une listed allemande, soeur d'Amerette (Preis der Diana) mais aussi d'un certain Arras dont personne ne se rappelle qu'il a été 3e du Jockey-Club 2006 derrière Darsi et Best Name. Avant Almandin, Anatola a déjà donné Atempo, lauréat de Gr.2 à Cologne.

 

 

Almandin, en Australie à 6 ans.

 

 

 

Almandin se révéle doué mais rare. Deuxième en débutant à l'automne de ses 2 ans, il ne revient en course qu'un an plus tard, 3e du Prix Topyo à Maions-Laffitte, puis brise la glace à Krefeld. Il réapparait à 4 ans, en 2014, alors que Von Ullman a viré son entraineur particulier pour prendre le français Jean-Pierre Carvalho, qui va remettre de l'ordre dans la maison Schlenderhan. Il fait sa rentrée en terminant 2e à Longchamp du fameux Solow, le futur crack de Freddy Head encore méconnu à cette époque car au tout début de son ascension. Le 1e juin, Almandin démontre enfin ses réelles possibilités en gagnant à Baden-Baden un Gr.2 face à Protectionnist. Ce dernier gagnera 5 mois plus tard la Melbourne Cup. Almandin fera aussi bien mais après une longue traversée du tunnel.

 

 

Jean-Pierre Carvalho, l'ancien entraineur d'Almandin.

 

 

En effet, le fils de Monsun est acheté à l'amiable par un groupe de 10 associés dirigé par Lloyd Wiliams, un propriétaire qui a une chance inouïe dans la Melbourne Cup puisqu'il a gagné déjà 4 fois cette course mythique. Mais une catastrophe survient très rapidement après son arrivée : le tendon par terre ! Williams décide de le conserver et tenter de le soigner dans le propre complexe de Mont Macedon, haut lieu touristique tout près de Melbourne. La presse australienne, à travers des interviews du proprétaires, laissent entendre qu'ils ont acheté le cheval déjà claqué et que c'était un risque et qu'ils ont beaucoup de mérite et blablabla mais tout cela est évidemment faux, comme le confirme Jean-Pierre Carvhalo. " Le cheval était en parfaite santé quand il est parti, et je peux d'ailleurs vous garantir que les australiens sont particulièrement rigoureux dans leurs visites d'achat. J'ai découvert ce cheval quand il avait 4 ans. Il semblait bon mais manquait de métier. En fait, il était très "branleur". Je voulais courir le Gr.2 Baden mais il fallait engager 2 mois avant. Alors j'ai décidé de disputer 2 courses à conditions à Longchamp. La 1e fois, il est resté dans les boites et la 2e fois, il s'est arrêté alors qu'il avait course gagnée ! Ensuite, à Baden, il avait pris de la maturité et il a crée un certaine surprise."

 

 

Heartbreak City à son arrivée en Australie

 

 

 

 

En tout cas, Almandin est revenu aux courses pendant l'hiver australien, en aout 2016, par une dernière place dans un petit handicap. Mais il a retrouvé le rythme rapidement en gagnant une listed puis un Gr.3 avant de battre dans la Melbourne Cup, au terme d'une lutte épique, Heartrbreak City, préparé en Irlande par Tony Martin, un des tops entraineurs d'obstacle.

 

 

Tony Martin, l'entraineur irlandais d'Heartbreak City.

 

 

Cet Heartbreak City est un poulain français, né chez Isabelle Corbani dans le Calvados en 2010, à l'époque où son père Lando officiait au Haras d'Etreham. Il descend d'une souche Wildenstein de Madelia qui a sérieusement pris la poussière depuis 20 ans, le succès de Ming Dynasty restant une exception. D'ailleurs, la mère Moscow Nights a été vendue 6.000 € à MAB Agency à la vente de décembre 2014 Arqana, alors pleine de Zambezi Sun. Cet été, une soeur cadette nommée Memories Tsarines a été vendue à Arqana pour 2000 € à Thierry Poché. A noter que celle-ci, 6e à réclamer à Saint-Brieuc il y a 2e semaines, a été vendue la semaine dernière à quelqu'un dont on ne connait pas l'identité mais qui a fait une bonne affaire.

Hearbreack City a gagné un handicap à 3 ans à Chantilly chez Stéphane Wattel, puis a été vendu à réclamer à Deauvile pour 23.000 €. Ses résultats en Irlande ont tout d'abord été décevants, et son entourage n'a pas réussi à s'en débarasser à une vente de chevaux à l'entrainement à 15.000 € en 2015. Heureusement pour eux...Heartbreak City s'est soudainement révélé à 6 ans, enchainant les succès en haies et en plat. Il venait de gagner le très convoité Ebor Handicap, un des plus gros handicaps de l'année en Angleterre, doté de plus de 200.000 € au vainqueur, le 20 aout à York. Les irlandais aimant les challenges et les voyages, ils ont tenté un pari fou dans la Melbourne Cup. Ils sont bien faits.