Prix Jean Romanet : Ajman Princess ou le retour de l'inoubliable Dunette

22/08/2017 - Grand Destin
Ajman Princess, la fille de Teofilo gagnante de son premier Gr.1, le Prix Jean Romanet, descend d’une gagnante du Prix de Diane : Dunette, élevée par Elie de Brignac, le futur patron de l’Agence Française. Par Xavier BOUGON.
Née en 2013, Ajman Princess (en photo ci-dessus) a été élevée par Darley qui a également élevé un certain Ajman Prince, aussi né en 2013. Le mâle n'est autre que l'oncle de la femelle! ©APRH
 
 
Elie de Brignac, naisseur de l’aïeule de Ajman Princess
 
La pouliche de Cheik Mohammed Obaid Al Maktoum (cousin germain de Cheik Moh. et d’Hamdan) est une descendante, à la 4e génération, d’une certaine Dunette, élevée par l’ancien président de l’Agence Française de Vente du Pur-Sang (future Arqana) ; c’est d’actualité ! Dunette est restée dans les mémoires pour sa victoire par le plus court des nez, montée par Georges Doleuze, aux dépends de Three Troikas dans le Prix de Diane 1979.
 
Achetée par une américaine de Baltimore, Mme Harry Adair Love (née Margaret West Dennis), après l’avoir louée, Dunette changera de mains après sa carrière sur la piste. La faute au décès prématuré de sa propriétaire au printemps 1983 à 66 ans. Sa succession, son mari (décédé en 1995) et ses cinq filles (dont Eleonor, future Mme Ammermann), vendront la totalité de l’effectif y compris les poulinières et ses rejetons. C’est ainsi que certains yearlings passeront aux ventes d’août 1983 à Deauville et les poulinières en décembre, les unes à Deauville, les autres à Newmarket.
 
 

A l'arrivée du Prix de Diane 1979, Dunette vient à l'extérieur avec Georges Doleuze pour régler du plus court des nez la grande favorite Three Troikas, montée par Freddy Head.
 
 
 
Ballydoyle Stud, acheteur de Dunette
 
Dunette foulera le ring de Tattersalls et en sortira après avoir été achetée 820.000 Guinées (l’un des records européens de l’époque pour une pouliche à l’entrainement ou en sortant) par l’association Robert Sangster, Vincent O’Brien, John Magnier et Stavros Niarchos. Ce conglomérat élèvera les produits à venir sous le nom de Ballydoyle Stud. (l’ex entité de Coolmore). Dunette était pleine de la "first crop" de Golden Fleece.
 
L’un des premiers étalons de renom à entrer dans la cour sera le Derby-winner 1982, Golden Fleece (Nijinsky), l’invaincu. L’association achète des poulinières avec du papier pour celui que la B.B.A. (Ireland) avait acheté $ 775.000 yearling à Keeneland. Dunette fait partie de ses premières prétendantes…..mais le petit-fils de Northern Dancer passera l’arme à gauche après seulement deux saisons de monte. L’un de ses premiers remplaçants a pour nom, Sadler’s Wells.
 
NoteLe record européen à l’époque (1.020.000 Guinées) était détenu depuis 1981 par Tenea, fille de Reform et de la formidable Stilvi (mère déjà de Tachypous, Tromos, Tyrnavos), vendu à la même association qui avait acheté, deux ans plus tard, Dunette. Cette dernière rejoindra Tenea dans les paddocks irlandais.
 
 

Dunette après le Prix de Diane avec Georges Doleuze, Emmanuel Chevalier du Fau et la propriétaire, Mme Love.
 
 
 
 
 
Ballydoyle, Abdullah, Al Maktoum, quel trio !
 
Quel trio de propriétaires pour les rejetons de Dunette !. Son premier produit est donc un fils de Golden Fleece, Golden Isle qui a servi de leader à Entitled (fils de Mill Reef et futur demi-frère de El Prado), 3e de l’Irish Derby 1987 pour Robert Sangster.
 
Le second produit, une pouliche de Mill Reef, sera vendue en 1986 yearling chez Goffs 400.000 Guinées irlandaises (second top-price de la vente) à…..Darley Stud. Nommée Donya (morte en 2011), elle ne paraitra en course qu’à deux reprises pour une petite place, sous les couleurs de Cheik Ahmed Al Maktoum (l’un des quatre frères de la dynastie). Elle donnera naissance à 12 foals. Ses premiers produits seront élevés par lui-même puis en 1998 viendra la naissance de Jumaireyah (Fairy King, étalon de Coolmore), la grand-mère d’Ajman Princess (Teofilo).
 
 

A gauche, Cheikh Mohammed Obaid Al Maktoum après la victoire d'High-Rise dans le Derby d'Epsom, en compagnie de Luca Cumani et Olivier Peslier.
 
 
 
Sous les couleurs de Cheik Mohammed Obaid Al Maktoum (fils de Obaid, frère cadet de Rashid, le mère de Mohamed), elle enlève deux courses à 2 et 3 ans puis donne naissance à Reem Three (2003 Mark of Esteem). Placée de Listed à Newcastle à 3 ans alors qu’elle est déjà pleine, elle donnera naissance à son tour à Afsare (2007, Dubawi). Celui-ci va enlever à 6 ans, sous la responsabilité de Luca Cumani, deux groupes en Angleterre (Goodwood et Salisbury) après avoir pris la seconde place de l’Arlington Million (Gr.1) et du Premio Presidente della Repubblica (Gr.1 à Rome). Puis viendra la naissance d’Ajman Princess, seconde l’an dernier des Ribblesdale St. (Gr.2 à Royal Ascot) sous la férule de Roger Varian.
 
Après Donya, Dunette donnera naissance à son meilleur produit, French Glory (fils de la première production de Sadler’s Wells, le remplaçant de Golden Fleece) vendu yearling par Ballydoyle Stud au prince Khalid Abdullah en 1987 pour 150.000 Guinées irlandaises à Kill (ventes Goffs).
 
A l’entrainement chez André Fabre, il remporte les Rothmans International (à Woodbine) après quelques succès en France (Prix Jean de Chaudenay, Maurice de Nieuil, La Coupe). Après avoir débuté comme étalon au Japon, il est revenu en France en 1999, mais a connu de gros problèmes de fertilité. Il a un fils étalon, l'AQPS Nidor.
 
 
Dunette sera exportée en 1989 au Japon avec son foal de l’année par Lomond (une pouliche nommée Dreaming Girl). Restée vide de 1993 à 1997, elle donnera naissance à son dernier produit en 1998.
 
Note : Cheik Mohammed Obaid Al Maktoum était le propriétaire du Derby-winner 1998, High Rise, monté par Olivier Peslier. C’est aussi lui qui a débarqué Luca Cumani alors en charge de la carrière de Postponed.
 
 

Les trophées du Prix de Diane étaient remis par Mireille Mathieu.
 
 
 
Dunette, retirée des ventes, devenue rivale de Three Troikas
 
Nous sommes en 1977 et des deux côtés de la Manche les ventes de yearlings battent leur plein. En octobre à Newmarket, une fille de Lyphard, Three Troikas, élevée par Artur Pfaff, quitte le ring achetée par Alec Head, 41.000 Guinées.
 
A Deauville, Dunette (Hard To Beat) est présentée par Elie (décédé en juin 1985) et son père François de Brignac, éleveurs au Haras de la Verrerie. A son tour, elle quittera le ring dans l’indifférence générale, retirée pour 58.000 F. (700.000 F. étant le top-price de l’année). Dans un premier temps, elle sera louée à une cliente américaine de Baltimore, Mme Harry Adair Love, qui lèvera l’option d’achat au printemps de ses 3 ans.
 
Three Troikas avait débuté victorieusement dans une épreuve d’inédites le 20 novembre de ses 2 ans à Maisons-Laffitte. Après une vive lutte, le juge à l’arrivée fait afficher, courte encolure, courte tête, encolure. Pour l’anecdote, parmi les battues se trouvait une certaine Derna, la future mère de Detroit.
 
Quant à Dunette, elle débute le 2 juillet à Saint-Cloud dans un maiden. Elle domine de 4 longueurs sa première dauphine et ses autres adversaires, douze pouliches ayant déjà couru. Sous la férule d’Emmanuel Chevalier du Fau, Dunette fait l’impasse sur le meeting estival de Deauville et fait une rentrée victorieuse à Chantilly dans le Prix d’Aumale (encore Listed, promue l’année suivante). A cette occasion, elle devance Minstrel Girl (la 4e mère d’une certaine Polydream) et Cheerfully. Dunette finira ensuite pas loin du quatuor de tête du Critérium des Pouliches (future Prix Marcel Boussac) de Pitasia, Minstrel Girl, Cheerfully (pour Jean-Luc Lagardère) et de la future matrone, La Trinité.
 
 

Dans le Grand Prix de Saint-Cloud, la remise du trophée a été tirée au sort entre Mme Harry Love, la propriétaire de Dunette, qui l'emporte finalement au dépend du Prince Karim Aga Khan, dead heat au poteau !
 
 
 
Le plus court des nez pour Dunette dans le Prix de Diane
 
Three Troikas fait une rentrée victorieuse dans le Prix Vanteaux et reste donc invaincue en dominant (de 3 longueurs) une autre rentrante Dunette,. En l’absence de Dunette, la fille de Lyphard s’adjuge également la Poule d’Essai. Le Prix Saint-Alary donne l’occasion à Three Troikas de beau doublé. Dunette fait partie de la fête mais elle mène à si grande allure que Sealy, le leader de la favorite,ne peut pas prendre le commandant. Dunette doit rendre les armes, était-ce délibéré ou une tactique suicidaire ? Ce nouveau triomphe de Three Troikas ne pouvait que conforter sa place de favorite dans le Prix de Diane
 
Le 10 juin 1979, accompagnée de sa fidèle leader, ce devait être le jour du sacre de la protégée d’Alec Head qui a course gagnée à 50 mètres du but. Montée par Georges Doleuze avec la corde 11 (sur 12 partantes), Dunette voyage en dehors et cette fois en retrait. Venant de loin, elle prendra un nez (le plus court des nez) sur le poteau à la favorite.
 
Three Troikas prendra sa revanche en enlevant le Prix Vermeille, d’une courte tête, laissant Dunette aux pieds du podium. La pouliche de la famille Head remportera ensuite le Prix de l’Arc de Triomphe, alors que Dunette met fin à saison après le Prix Vermeille, victime de la toux.
 
Seul le nez de Dunette empêchera Three Troikas de rester invaincue à 2 et 3 ans après sept sorties. Malgré tout, elle sera élue meilleure pouliche de sa génération.
 
A 4 ans, Dunette remporte le Grand Prix de Saint-Cloud (qu’elle partage avec le 3 ans Shakapour), le Prix Prince d’Orange (devant Three Troikas), se classe 3e du Grand Prix d’Evry et 4e des King George VI and Queen Elizabeth St. (d’Ela Mana Mou). En octobre, après avoir mené le peloton du Prix de l’Arc de Triomphe, Dunette baisse de pied à l’entrée de la ligne droite au bout de laquelle Detroit passe le poteau en tête. Three Troikas termine au pied du podium.
 
Notes ;
 
  • Mme Harry Adair Love était déjà propriétaire-éleveur en 1977 de Praise, autre fille de Hard To Beat, 3e Critérium des Pouliches et du Prix des Réservoirs et de son propre frère, Hard To Sing,lequel est vendu yearling à Deauville en 1977 puis vainqueur du Grand Prix d’Evry et du Prix Jean Prat.
     
  • Après le décès au printemps 1983 de Margaret West Dennis, épouse d’Harry Love, quatre yearlings sont présentés au mois d’août et neuf lots en décembre à Deauville dont :
  1. Praise, pleine de Persepolis, vendue à Horse France pour 2.800.000 F.
  2. La Girouette (Nearctic) (3e Critérium de Saint-Cloud), pleine de Vayrann (380.000 F. à Fréderic Sauque), suitée de sa fille par Akarad (265.000 F. à Gérard Larrieu).
  3. Lady of Camelot (Bolkonski), pleine de Top Ville, achetée 420.000 à l’Agence FIPS.
  4. Yankee Lu (1982 Luthier), yearling vendue à Jean-François Lescop, 240.000 F.
  5. Princess Gwynn (Roberto), pleine de Vitiges, acheté 200.000 F. par Mme Eleonor Love-Amermann, sa fille.
  6. Jolie Niece (1980 Pharly) à l’entrainement, vendue à la BBA Ireland 85.000 F.
  7. Last Trumpet (Pharly), yearling, vendue 120.000 F. au Haras de la Verrerie
  8. All In White (Carwhite) une 2 ans, achetée 540.000 F. par Mme A. Love Hall, sa fille.
 
  • Dunette avait vengé sa sœur, Paddle (Jim French) qui, l’année précédente, avait terminé au pied du podium du Prix de Diane (celui de Reine de Saba, entrainée par Alec Head). Vendue yearling à Herbert Bryant, elle fera une bonne poulinière.
     
  • Dunette est née de son père Hard To Beat, stationné trois ans au Haras de la Verrerie, vainqueur du Prix du Jockey Club pour son propriétaire japonais qui l’exportera ensuite au Japon, avant même le succès de sa fille.
     
  •  La grand-mère de Dunette, Gourabe avait été élevée par Henry Ternynck puis avait été achetée par S.A. Aga Khan après ses victoires dans le Prix de la Nonette et sa seconde place dans le Prix Vermeille. Le Prince l’envoie en Irlande en 1956 puis la revend en 1963 à Newmarket, pleine de Sheshoon. Son acheteur n’est autre qu’Elie de Brignac qui l’a payé 4.200 Guinées.
     
  • La famille maternelle est française depuis l’importation de Captain’s Fancy en décembre 1932 par le baron Edouard de Rothschild

 

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