Guillaume Javoy, la vie et la mort sur un rondin de bois

18/10/2017 - Grand Destin
 Guillaume Javoy est décédé suite à une chute en course, le 18 octobre 2009, alors qu'il venait d'avoir 25 ans. Son ami d'enfance Gaëtan Loizeau lui rend hommage ci-dessous en racontant son histoire parallèle avec son fantasque champion, Royal Palois.


Guillaume Javoy. (PHOTOS APRH)

 

Guillaume n'était pas du tout du sérail, sa mère travaillait au diocèse des armées et son père à la Lyonnaise des Eaux. Je lui ai fait connaître les chevaux car il avait physique adéquat et car il avait un sacré cardio, gagnant tous les cross à l'école. Sa première expérience a eu lieu chez mon oncle Yann Loizeau, éleveur de Ice Mood, Turnium, Mood War... au Haras de la Seiglière à Baigneaux (33)

Guillaume a fait son apprentissage chez M. Jean-Pierre Perruchot, puis il a travaillé chez François-Marie Cottin, pour qui il aurait fait le tour de la terre à cloche pied... Quand on était tout jeune, je l'ai connu suite à une chute, car je l'ai fait tomber d'un toboggan en rondins de bois dans la cour de notre école. Nous habitions tout les deux dans le même bâtiment, 5 rue André Rivoire à Malakoff (92). Avec mes parents nous sommes allés le voir pour prendre des nouvelles. Tout allait bien et tout le monde a sympathisé. Une année plus tard, il devenait mon frère de pacte, nous adorions grimper aux arbres, sans savoir qu'un jour il passerait au-dessus du rail ditch and fence. Parfois nous tombions, du coup un jour nous nous sommes arraché les croûtes sur les plaies afin de faire un pacte de sang sans savoir que 20 ans plus tard sa vie s'arrêterait sur un rondin... Guillaume était extrêmement courageux. Il a subi tellement de chute et de blessures que le premier garçon de l'écurie pensait qu'il était indestructible. Mais malheureusement il s'est trompé. Guillaume est mort six jours après avoir soufflé ses 25 bougies mais en faisant ce qu'il aimait par-dessus tout.
 
Ça fera huit ans aujourd'hui, que Guillaume a perdu la vie suite à une chute sur une barre d'appel au Pin-au-Haras, le 18 octobre 2009. Guillaume était un jeune homme ultra courageux qui se donnait sans compter à sa passion. Il avait connu ses plus grands succès avec Royal Palois, un cheval très difficile qui avait mal commencé sa carrière, avant de rencontrer Guillaume.
 
Issu de l'élevage Biraben, Royal Palois est né dans les Pyrénées-Atlantiques, comme son nom l'indique, en septembre 2002. Son avenir se situe sur les obstacles, ses origines sont séduisantes, par Lute Antique et Royal Nonantaise par Garde Royale, tandis que sa grand mère est par Akarad.

Trois années plus tard, il traverse une bonne partie de la France afin d'apprendre son métier sur les pistes de Chantilly-Lamorlaye, un boxe l'attend chez François Marie Cottin. Ses copropriétaires, Jacques Liut, Jacques Villetorte et Philippe Lorain dont il porte les couleurs, le verront débuter à Cagnes-sur-Mer. Une 3e place "encourageante" malgré un style peu académique, Royal Palois fait preuve de caractère, respire mal et se jette plus qu'il ne saute. Il n'a pas encore 4 ans, Lute Antique ne fait pas des précoces au contraire...
 
Les deux courses qui suivent, toujours à Cagnes, sont de pire en pire que ce soit avec Cyrille Gombeau ou Dean Gallagher, rien ne change et assez logiquement, il se blesse sévèrement.

Pas sûr de le revoir, le temps fera le reste... Par chance sa convalescence se passe bien, un an et sept mois plus tard, Royal Palois revient à l'entrainement avant de faire ses débuts dans le temple de l'obstacle, Auteuil. Avec un style qui n'a pas changé, il finit son parcours dans le lointain.  Les deux courses suivante il en sera de même, Gallagher arrête Royal Palois dans la ligne d'en face et décide d'arrêter sa collaboration avec ce fracasseur de haies, il faut alors lui trouver un autre jockey.
F-M possède un jeune jockey au sang froid nommé Guillaume Javoy, d'origine pyrénéenne. Sans le savoir Gallagher, que Guillaume considère comme un père, vient d'offrir le plus beau cadeau que Guillaume n'ait jamais eu et n'aura jamais...
Ils feront connaissance un matin d'octobre : l'essai s'avère concluant, F-M contact Mr Lorrain, pensant que ce jockey a une main adaptée, et son propriétaire, qui fait souvent confiance aux jeunes, accepte.

Cet apprenti dresse souvent les chevaux compliqués comme Jakiloup notamment, qui vient de lui faire un clin d'oeil en s'imposant à Moulins cet après-midi même. Quelques jours plus tard, Royal Palois retrouve Auteuil dans un réclamer avec un nouveau partenaire sur le dos.

C'est encore loin d'être parfait mais il y a du mieux, son jeune jockey ne s'occupe pas de la course, il reste dernier décollé, isolé et n'entame sa progression qu'au milieu du dernier tournant. Ce nouveau duo termine 3ème devant Palk malgré des sauts très brutaux. Le début d'une histoire...
 
 

Guillaume Javoy avec Royal Palois.
 

Neuf jours plus tard, le duo est reconduit dans un handicap divisé, dernière épreuve de cette réunion d'Auteuil. Même tactique, il tire un bon coup sur les rênes dès le départ, l'isole, choisit un bon tracé, il le commande sans le commander, fait en sorte qu'il ne vienne pas trop sur le pied. Il le rapproche des autres chevaux le plus tard possible afin de lui donner du moral et profiter de sa pointe. Royal Palois saute un peu mieux une fois de plus, il accélère, transperce l'opposition et rejoint le poteau en vainqueur dans la pénombre de cette fin d'après midi d'automne, devançant de deux longueurs Esprit d'Orthe.
 
L'équipe est aux anges et le duo devient définitif.(sans oublier l'excellent travail de son cavalier d'entraînement Sébastien Vandenende). Après cette victoire ce jockey montera quasiment l'intégralité des Lorrain entrainé par F-M Cottin. S'en suivront des fortunes diverses car le cheval est caractériel, parfois passé de forme, mais il gagne sa vie avec une autre victoire sur Cagnes et quelques places. Le cheval reste moyen dans ses sauts et montre ses limites en haies. Son entraineur décide alors de changer de discipline puisqu' il montre des dispositions sur le steeple.
 
Mars 2008, Royal Palois débute sur le steeple d'Auteuil, les premiers obstacles se passent mal, il tire et commet des fautes dont une belle à la rivière. Il lui faut s'adapter à ce nouveau rythme. Le reste du parcours se passe bien le cheval est respectueux avec les obstacles proposés et termine 4e une bonne action derrière des chevaux comme Ouest Vendéen et Odeillo du Mathan. De bons débuts à confirmer.
 
 
 
 
Une vingtaine de jour plus tard, après un parcours émaillé de quelques fautes, Royal Palois est encore dernier décollé après le saut du dernier d'en face mais son jockey ne bouge pas, Ombre d'Estruval menant tambour battant, Guillaume ne veut pas mettre son cheval dans le rouge, il attend encore, jusqu'à la double barrière.

A ce moment là, Royal Palois commence sa progression et après la "der" Javoy envoie, déchainé. Ils finissent deuxième, coiffant au poteau le spécialiste des quintés Chant de lune. Les espoirs grandissent, le cheval n'a que 6 ans, un gros handicap est à portée de tir, le cheval finit vite. Qui sait, c'est peut être un futur Padisha Soy ? Le cheval tient son jockey et le jockey tient son champion.

Il sera décevant la course suivante mais remettra les pendules à l'heure dans le Pot d'Or. Royal Palois gagne son gros handicap, son compagnon aussi, en battant à la lutte Apple's Noa et le légendaire Christophe Pieux, ainsi que la regrettée Plume noire. L'apprenti réalise un rêve avec son cheval de coeur, son sourire éclatant comme jamais en dit long sur son bonheur. Cette victoire est et restera la plus belle victoire de sa carrière.

Le rêve se poursuivit avec deux superbes deuxième place dans le Violon II et le Montgomery avant de tenter La Haye Jousselin. L'histoire s'embellit de course en course après s'être placé de Gr.3, Royal Palois et Guillaume Javoy participent à leurs 1e Gr.1, qui plus est l'un des plus beaux. La distance va l'arranger mais l'opposition est excellente. Qu' à cela ne tienne, Royal Palois bon sauteur (qui l'eut cru) court du tonnerre, arrachant une 4ème place revancharde sur Odeillo du Mathan,
devançant Polar Rochelais, Top of the sky, Lord Carmont et devient en ce jour un vrai cheval de groupe.  C'est la meilleure performance de sa carrière.

S'en suivront des fortunes diverses, une 2e place dans le Beugnot ainsi que dans le Hennessy entre Isnos et Don Mirande. Comme toutes les belles histoires, il y a une fin... Royal Palois prépare une nouvelle tentative dans la Haye Jousselin et de présente au départ du Héros XII.

Alors que son cheval s'apprête à jouer les places, il se retrouve entre deux chevaux pour sauter la double barrière et tous deux tombent violemment. Guillaume perd connaissance trois ou quatre secondes, une fois revenu à lui, il se roule jusqu'à la corde pour éviter les chevaux alors qu'ils sont déjà entrain de sauter la dernière, un nouveau trauma crânien à la clef. Royal Palois s'en sort indemne, un miracle.

Comme tout le monde le sait, Guillaume retombera violemment sur une barre d'appel en bois 7 jours plus tard, il perdra connaissance une énième fois mais cette fois ci il ne reviendra pas... Royal Palois tentera tout de même la Haye Jousselin, le cheval n'est plus là et finira lointain dernier.

Six mois et 5 jockeys différents, le cheval est méconnaissable, à chacun son opinion... Malgré cela un guerrier reste un guerrier, dans le Jean Granel il vient se glisser entre Sable des Ongrais et Zaiyad. Royal Palois is back et il le confirmera dans un William Head de moyenne facture mais en gagnant avec facilité. Après une quantité d'échecs importants , Palou pour les intimes, revient sur Cagnes gagnant d'emblée après 1 an et 8 mois sans avoir gagné le moindre euro. Il fonctionne au moral. L'année suivante est plutôt moyenne, une troisième place sur les haies d'Auteuil en mai. Il revient après des vacances méritées, dans le World Citizen. Une autres victoire sur le steeple d'Auteuil du haut de ses 10 ans, il gagne d'une longueur et demi devant un peloton de jeunots. Malheureusement, une fracture à la clef...

Après tant de belles années offerte à ses copropriétaires, Royal Palois rejoindra le Haras de Grand'Cour ou une retraite méritée l'attend. Une retraite trop courte comme la carrière de son compagnon de toujours, ensemble, ils ont trouvé la lumière. Dans l'au-delà, ils se sont retrouvés dans les vertes pâtures, des pâtures interminables...Là ou le soleil fait briller les herbes, comme les âmes. Ils partirent ensemble vers l'horizon dans une galopade à 4 temps. Et dans Un claquement de sabots aussi régulier qu'infini, ils disparaissent... laissant derrière eux un écho magnifique où s'entremêlent le hennissement de ton champion associé à ton rire à la con..
 

Gaëtan Loizeau, l'auteur de ce texte, ici devant la photo de Guillaume Javoy avec la mère de ce dernier.

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