Magic Peslier, retour fracassant du patron à 45 ans

17/05/2018 - Grand Destin
Alors qu'il était passé en dessous des radars ces deux dernières années, Olivier Peslier revient aujourd'hui, à 45 ans, dans le cercle des meilleurs jockeys du monde dont il fait partie depuis maintenant 3 décennies. Depuis quelques semaines, il engrange les grandes victoires, dont bien sûr la Poule d'Essai des Pouliches 2018 avec Teppal. Un destin fabuleux commencé sur des poneys à Cossé-le-Vivien.

 

Durant l'été 1990, dans le Grand Prix du Lion d'Angers, un gosse de 17 ans stupéfait l'assemblée alors nombreuse et avisée en battant de très haute lutte, en selle sur l'outsider High Purse, l'archi favori Flanders Moss, monté par le crack jockey Cash Asmussen, la star des pilotes qui avait atterri sur l'hippodrome en hélicoptère. Ce dernier, dont la venue créait en ce temps des mouvements de foule, très surpris d'avoir été devancé dans une épreuve alors très convoitée dans l'ouest, dit à son rival juste après le poteau : " Je n'ai pas été battu par un apprenti, mais par un grand jockey." Le gosse en question revenait en fait à la maison pour gagner la 1ère Listed d'une carrière qui allait devenir exceptionnelle. Né le 12 janvier 1973 à Cossé-le-Vivien, non loin du Lion d'Angers, Olivier Peslier avait été la vedette des courses de poneys de la fin des années 80, gagnant 43 courses de ce genre !

 


Olivier Peslier en selle sur Teppal après la Poule d'Essai des Pouliches (Photo APRH)

 

Parti à Chantilly comme apprenti chez Patrick Biancone, il se retrouve ensuite chez Nicolas Clément, l'entraîneur d'High Pure, suite au départ de son 1er patron vers Hong Kong. Pour Clément, il décroche son premier Gr.1 à 20 ans dans le Prix Jean Prat 1993. Le mois suivant, il enlève son premier Gr.1 à l'étranger, et en même temps son 1er classique, dans le Derby d'Irlande avec WInged Love, pour la casaque de Cheikh Mohammed Al Maktoum et l'entraînement d'André Fabre

 

 

 Issu de la génération d'après celle des Boeuf, Mossé, Legrix et Mongil, il est le premier à adopter un style à l'américaine, très profilé avec seulement ses pointes de pied sur les étriers, comme presque tous les jeunes font aujourd'hui. Tout s'enchaîne très vite. Il devient le premier jockey de Daniel Wildenstein, Elie Lellouche et André Fabre ! Pour eux, il aligne 3 succès consécutifs dans l'Arc de Triomphe (du jamais vu), avec Hélissio, Peintre Célèbre (le meilleur cheval qu'il ait jamais monté) et Sagamix, sous la casaque Lagardère. Repéré par les anglais, il décroche le trophée suprême avec High-Rise dans le Derby d'Epsom 1998 pour Luca Cumani. S'il reste simple et abordable, Olivier, garçon doté de qualité sportive extraordinaire, invincible à la lutte et insensible à toute pression, devient Magic Peslier. Trente ans de victoires partout dans le monde plus tard (des USA au Japon en passant par Dubaï, Hong Kong et bien sûr toute l'Europe), Olivier Peslier, partenaire de Goldikova pour ses 15 Gr.1, est toujours là. Et pourtant...

 

 
Olivier Peslier, tout gamin à Cossé-le-Vivien

 

Pourtant en effet, il n'a plus atteint les 100 victoires depuis 2010. Pourtant, remplacé par Maxime Guyon chez les Wertheimer, il a été repris aussitôt par Umm Qarn Farm (Cheick Abdullah Al Thani) pour qui il a remporté 3 Gr.1 en 2014 avec Charm Spirit. Mais en 2015, 2016 et 2017, son nombre de victoires en France est descendu rapidement jusqu'au chiffre de 32 l'an dernier, le plus bas de toute sa carrière ! Peslier n'était pas "cuit" bien sûr, puisqu'il avait gagné la Poule d'Essai des Pouliches avec Précieuse, mais on le voyait indéniablement beaucoup moins, lui qui privilégiait sa vie de famille dans la région de Biarritz, avec sa femme Emilie Lafeu et leur 3 petites filles (dont 2 jumelles).

 


Olivier Peslier vit désormais avec Emilie Lafeu près de Biarritz. Ils s'occupent de chevaux convalescents, comme ici Farlow des Mottes en 2015.

 

 Cette année, la Poule d'Essai des Poulains qu'il enlève n'est pas un arbre qui cache la forêt d'une saison tranquille, mais plutôt la preuve matérielle d'un retour au premier plan fracassant. Quasiment absent au début du printemps, Olivier Peslier s'est mis à aligner les succès au meilleur niveau en moins d'un mois. Aujourd'hui, il présente la statistique incroyable de 19 victoires pour 78 montes en 2018 ! Parmi ses succès, des Listeds et des Groupes, dont le doublé du 1er mai à Saint-Cloud avec Luminate dans le Prix Vanteaux au terme d'une monte lumineuse, et le Prix du Muguet avec Recoletos, et donc la Poule d'Essai des Pouliches arrachée de haute lutte en selle sur l'anglaise Teppal.

 

 
Teppal aux balances avec Olivier Peslier et son entraîneur David Simcock. (photo APRH)

 

Notons que cette anglaise, entraînée à Newmarket par David Simcock, faisait sa rentrée après 8 mois d'absence directement dans la Poule, un Gr.1, alors qu'elle n'avait gagné jusqu'alors que 2 petits maiden à Lingfield et Kempton. Ce genre de pari est typiquement anglais, puisqu'on voit de très nombreuses rentrantes directement dans les Guinées. Il faut savoir que les anglais n'ont pas de pause estivale, et il ne faut donc pas démarrer la saison trop tôt.

 

 

 

Mais contrairement à toute apparence, et même si c'est une fille du vieux sprinter irlandais Camacho, élevée par une société suisse, Teppal est tout à fait française. Elle est née chez Thierry de la Héronnière, au Haras d'Ellon près de Bayeux en Normandie, pour le compte de Gestut Zur Kuste, qui n'est pas du tout un haras allemand, mais une société basée en suisse, où elle a été créée par Maurice Lagasse. Ce dernier, associé de longue date à feu Michel Henochberg et Marc de Chambure (d'où M3 Elevage, à l'origine d'Urban Sea), a la majorité de ses juments au Haras d'Etreham, mais aussi quelques unes à Ellon, dont Jummana, la mère de Teppal. Cette fille de Cadeaux Généreux, une référence Outre-Manche, est de la famille de We Are (Prix de l'Opera, Gr.1) et autre Dominant (Hong Kong Vase, Gr.1). Maurice Lagasse n'est autre que l'ex beau-père d'Olivier Peslier, qui a été marié avec sa fille.
 

Teppal est un pur produit des ventes Arqana. En effet, elle y a été acquise yearling pour 60.000 € par l'irlandais Con Marnane (Bansha House Stud), fameux pinhooker qui l'a repassé à 2 ans à la vente Breeze Up de mai 2017. Là, elle a suscité une enchère de 105.000 € de la part de Blandfort Bloodstock (Richard Browne), un courtier agissant pour le compte de Cheikh Mohammed Al Thani, oncle de l'Emir actuel du Qatar. Pour ce dernier, qui est le frère  CHeikh Abdullah (Umm Qarn) ayant crée l'entité Al Shahania, Olivier Peslier avait déjà gagné les Chevely Park Stakes (Gr.1) à Newmarket en 2013 en selle du Vorda.

 


Le trio gagnant de la Poule d'Essai des Pouliches provient des ventes françaises.

 

C'était donc un jour de gloire pour les ventes françaises, et notamment pour les Breeze Up qui ont bien besoin de victoires d'une telle importance. En effet, Teppal a dominé d'une tête une autre pouliche sortie du ring, Coeur de Beauté (Dabirsim), vendue elle pour 30.000 € en septembre 2016 à La Teste, à Marc-Antoine Bergracht (MAB Agency) pour le compte de la casaque Mouknass. Osarus manque ici de très peu une victoire de Gr.1 en plat, qui plus est dans un classique. Enfin, le trio gagnant a été complété par Wind Chimes, une fille de Mastercrafstman issue de la vieille souche Wertheimer de Poliglote, élevée par l'Ecurie des Monceaux et vendue en août 2016 à Deauville 130.000 € à Broadhurst Agency (Laurent Benoit) pour le compte de l'équipe de Coolmore Stud, qui avait probablement fait un foal sharing.

 


En 2012, Olivier Peslier gagne un 4ème Arc de Triomphe totalement improbable avec l'outsider Solemia qui revient sur le japonais Orfèvre pourtant parti pour la gloire. (PHOTO APRH)

 

Avec la forme qu'il tient, et vu qu'il sera en selle sur la probable favorite, Olivier Peslier pourrait bien enlever, enfin, son 1er Prix de Diane, la seule grande course française qui manque à son palmarès. Et pourquoi pas rejoindre Frankie Dettori avec une 5ème victoire dans l'Arc de Triomphe, lui qui y a remporté son 4ème et dernier succès en date en 2012 en selle sur Solémia.

 


Olivier Peslier n'a jamais réussi à remporter le cross des poneys de Cossé-le-Vivien. C'est le grand regret de sa carrière de jockey !

 

En revanche, il ne pourra plus jamais gagner la course qui le fait rêver depuis le plus longtemps...le Grand Cross de Cossé-le-Vivien. En effet, c'est le regret de sa vie, il n'a jamais pu gagner la fameuse course de poneys de son village natal, alors qu'aujourd'hui encore, il se rappelle par coeur du parcours avec chacun de ses obstacles ! Olivier reste d'ailleurs très attaché aux courses de poneys. Il a souvent apporté un soutien financier à leur fonctionnement, et est venu régulièrement encourager les jeunes qui rêvent de lui succéder lors des épreuves de poneys qui se disputent au Lion d'Angers. La boucle est bouclée.


Remarquable photographe des courses sur Facebook, Jacques Yesse est également fan d'Olivier Peslier et nous propose la liste complète des chevaux, classés de A à Z, qui lui ont permis de remporter toutes ses courses de black-type en France.
 

 

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