L'histoire de DNA : Ormonde, le cheval du siècle cornard

30/08/2019 - Grand Destin
 Thierry Grandsir, le créateur de DNA Pedigrée, vous conte aujourd'hui la surprenante histoire d'Ormonde, réputé comme le crack du 19e siècle, qui était devenu si cornard au fil du temps que son entraîneur a fini par dire de lui qu'il faisait autant de bruit qu'une locomotive à vapeur !

 ORMONDE(1883 - 1904), par BEND OR et LILY AGNES (MACARONI)

 
Fort nombreux sont les prétendants au titre de Cheval du Siècle. Chacun y va de son enthousiasme pour défendre tel ou tel performer d’exception,vantant ses éclairs de classe qui vous transpercent le corps et l’âme d’une douce et frissonnante euphorie. Si vous aviez vécu en Angleterre au crépuscule du XIXe siècle, Ormonde aurait été votre indiscutable favori pour le titre !
 
 
 
 
Le 18 mars de l’an de grâce 1883 à Eaton Stud, le Haras de Hugh Lupus Grosvenor (premier Duke of Westminster), un poulain était fort attendu, et pour cause : cela faisait plus d’un an que la jument Lily Agnes, une championne titulaire de 21 victoires dont la Doncaster Cup, avait été saillie par le gagnant de Derby (Gr.1) Bend Or, alors en première saison de monte. Heureusement, poulinage sans problème à 18h30, mais pour délivrer un foal des plus maladroits en raison d’appuis si brassicourts qu’il semblait impensable qu’il parvienne à se redresser un jour…
 
Il est toujours un peu angoissant pour un éleveur d’attendre un foal hors terme, mais les exemples de Champions ayant pris leur temps pour voir le jour sont légion. L’un des plus célèbres, nommé Douze Douze (Saint Cyrien) pour être né après 12 mois et 12 jours de gestation, n’en remporta pas moins le Grand Steeple-Chase des 4 ans (Gr.1) à Auteuil !
 
 
 ORMONDE, invaincu en 16 sorties, remporta le Derby en 1886 (devant The Bard)

 
Ormonde fut donc l’un de ceux là. Assez peu avenant à l’âge yearling, il finit par acquérir des aplombs acceptables, de la taille (1,65 m), une bonne ossature, une musculature d’athlète, des quartiers courts mais puissants, une tête très large, et l’encolure la plus imposante qu’un pur-sang n’ait jamais eu, aux dires de son entraîneur John Porter.Peu impressionnant au canter, il se transformait en une racing machine en course, galopant tête basse (façon Darshaan) pour déployer des foulées d’une longueur impressionnante agrémentées d’un coup de rein dévastateur.
 
Doté d’un très bon tempérament, Ormonde était particulièrement gourmand, avec un penchant pour les fleurs qu’il se faisait un malin plaisir d’arracher à la boutonnière des gentlemen qui lui rendaient visite !
 
Facile lauréat des Critérion St. (Gr.3) et de la Dewhurst Plate (Gr.1) en l’espace de trois jours en fin d’année de 2 ans, Ormonde devint le quatrième cheval de l’Histoire à s’adjuger la triple couronne britannique, à savoir les 2000 Guineas St. (Gr.1), le Derby (Gr.1) et le St Leger (Gr.1), affichant chaque fois une grande aisance. Tout allait pour le mieux si l’on excepte, en cette fin de saison classique, la manifestation d’un cornage de plus en plus prononcé. 
 
 
Le cornage est le résultat d’une paralysie du muscle dilatateur du larynx,et se traduit par un bruit rauque qui s’amplifie sous l’effort. Parfois d’origine génétique (la mère de Ormonde en était d’ailleurs atteinte), ce vice rédhibitoire s’opère bien aujourd’hui mais en 1883, on utilisait un traitement par l’electricité(chocs galvaniques) dont les résultats étaient beaucoup moins probants. Ormonde joua toutefois les prolongations à 4 ans pour s’adjuger les Rous Memorial St. (Gr.3) lors de sa rentrée, mais sa respiration devenait si bruyante que son mentors’exclama : « Je n’entraîne plus un cheval, mais une locomotive à vapeur ! ».
 
 
 
 
 
 
Il aligna quand même Ormonde le lendemain même au départ des Hardwicke St. (Gr.2), à Ascot. Victime d’une bousculade qui obligea son jockey à sortir pour la première fois sa cravache afin de garder la tête, Ormonde lutta avec un courage inoui jusqu’au poteau, qu’il atteint avec une encolure d’avance sur Minting. Son cornage était devenu si bruyant qu’un silence profond avait envahi les tribunes, chacun retenant un souffle que le cheval peinait à trouver en puisant dans ses utlimes forces pour conserver son invincibilité. Rarement un cheval fut tant ovationné à son retour aux balances.Ormonde était devenu le héros de tout un peuple, et fut même l’invité d’honneur à une garden party royale pour recevoir les caresses de la Reine Victoria, à l’occasion de son Golden Jubilee !
 
Après une ultime victoire dans l’Imperial Gold Cup (aujourd’hui la July Cup) concluant une partition sans fausse note, invaincu en 16 sorties(de 1200 à 2800 m), Ormonde entra au haras où il s’avéra malheureusement très peu prolifique : 7 foals en première saison dont le Champion Orme (6 victoires au plus haut niveau dont 2 éditions des Eclipse Stakes), et un seul en deuxième saison, durant laquelle il avait été victime d’une sorte de lèpre ayant encore diminué sa fertilité. Une raison qui, ajoutée à son cornage, décida de sa vente et de son transfert en Argentine avant une exportation aux USA où il demeura jusqu’à sa disparition, en 1904.
 
Ormonde n’aura finalement conçu que 42 foals dont 11 black type et 3 vainqueurs au plus haut niveau : Best Man, dont le fils Signorino influença considérablement l’élevage italien ; Orme, qui traça de façon remarquable via son fils Flying Fox (grand-père du Chef de Race Teddy) et via The Boss, un authentique vecteur de vitesse pure ; et Ormondale, étalon classique aux USA. Ormonde est présent à de multiples reprises dans le pedigree de Northern Dancer… Pas si mal, pour un corneur !!!

Voir aussi...