L'épopée Lestorte - Chapitre 3/4 : des arabes, des pur-sangs, des anglos

03/10/2016 - Anglo Actualités générales
Le petit paysan béarnais Emile Lestorte a conquis les courses du Sud-Ouest, il est même montée à la Grande Capitale : Paris ! Il parlait cheval dans toutes ses langues...
Parfois un terroir, des hommes de chevaux et des souches exceptionnelles se rencontrent pour donner une trace durable dans l’histoire de l’élevage. Les cultivateurs et notables de la région proche de Saint Vincent se prirent très tôt de passion pour les courses de chevaux et leurs résultats en tant qu’éleveur furent tout à fait remarquables. Dès la fin du 19e siècle l’organisation de courses « de pays » est relatée par les chroniqueurs de l’époque. Avec le pic du Midi et les toutes proches Pyrénées pour horizon, de jeunes ruraux s’affrontaient dans ces épreuves informelles. Parmi les plus remarqués de ces pilotes d’un jour le nom d’Emile Lestorte apparait.

Une grande souche Arabe :
 
Dans un rayon de 10 kilomètres autour des localités de Pontacq et Saint Vincent des élevages de galopeurs de grande qualité s’épanouirent au sortir de la guerre. Chez les Anglo-Arabes, outre la famille Lestorte, les plus célèbres furent les Buzy Cazeux (Nikita III, Nikanor  - 25 victoires en cross dont le Grand Cross de Craon - , Nedjanor, Nedjarose, Dunly, Lyflor…) et l’élevage Lafond Puyau.
 
 
Dionysos II, chef de race du stud book anglo-arabe, avait pourtant commencé sa carrière d'étalon dans les pires conditions.
 
 
Ce dernier se développa autour de l’exceptionnelle descendance de l’Arabe Damas (Norniz et Dragonne par Denouste) dont sont issus Djelfor, Dearling, Djel Bon, Dan Music, Dunamis, Djahil, Homme Fathal, Daninos (mort rapidement mais tout de même père de la célèbre Yasmine), Dare Dare II (exceptionnel père de chevaux de sport dans le Nord Pas de Calais) et le chef de race Dionysos II (petit fils de Damas).

Un panard itinérant qui débute la monte dans un camion !
 
Dionysos II (25% par Samaritain et Dalila IX par Micipsa) mérite que l’on s’attarde sur son cas de par son extraordinaire parcours de performer puis de reproducteur. Très grand pour l’époque (1m70), avec la tête et la ganache chargée de son père Samaritain, il fut dans un premier temps un extraterrestre en piste dont le palmarès était auréolé de victoires contre de très bons purs en plat. Légèrement panard, trottant du genoux et billardant un peu (compensé par des articulations larges et sèches) il fut boudé par les éleveurs malgré son pédigrée et ses performances de première classe. Ce gris débuta au purgatoire, à savoir en faisant la monte itinérante via le camion qui remplaçait les stations de Villeneuve de Marsan et d'Hagetmau. La remarquable qualité de sa production en sport comme en course inversa la tendance et le propulsa au rang de vedette si bien qu’il fut tiré au sort jusqu’à sa mort accidentelle à l’âge respectable de 21 ans.

Emile et Philippe Lestorte, éleveur d’Arabes :
 
Il se trouve que la remarquable Damas dont la descendance vient d’être évoquée était née chez… la famille Lestorte qui cultivait cette souche Arabe depuis plusieurs générations ! C’est en effet à partir de Djaranat (Arabe née en 1923 par Ghalabawi et Dinah par Aslani) que l’élevage Lestorte produisit les propres sœurs Dragée et Dragonne (par Denouste).
Outre Damas évoquée précédemment, Dragonne produira l’étalon Dragon, pierre angulaire de bien des souches du Sud Ouest. Il fut le père de mère de Manganate et de Kesberoy, ainsi que le géniteur de Nedjarine (voir la souche Buzy Cazeaux évoquée un peu plus haut).
 
 
Plouk Vergoignan, malgré son nom étrange, fut un grand compétiteur et un bon étalon.
 
 
Dragée sera quand à elle la mère de Dorée, la dernière Arabe de l’élevage Lestorte. Trois de ses descendants sont passés à la postérité : Duchesse, Dominico (50%, 23 victoires, gagnant à Auteuil,  3e du Grand Cross de Craon) et Djerba Oua. Dans la descendance de Duchesse (50% par Micipsa) on retrouve Eguzone (25% par Urtois) qui fut une véritable vedette en cross country (également gagnante en steeple chase à Auteuil), et Plouk Vergoignan (né chez Benoit Terrain dans le Gers, bon étalon à Aurillac, Gagnant du Ministère).
 
 
Dominico après une victoire à Auteuil, monté par René Couétil.
 
 

Djerba Oua, chef de race mondial :
 
Djerba Oua fit preuve d’une classe peu commune en épreuves publique (bien que ces dernières étaient alors réduites à une poignée de sorties pour les Arabes). Au haras il fut un étalon exceptionnel qui est présent dans le pedigree de la plupart des Anglo-Arabes de course Français. Chez les Arabes on le retrouve dans le papier de Dahman El Arami, Kerbella, Djouras Tu, Tidjani, Madjani… Son fils Manguier a produit Djourman lui-même père de Njewman et Tornado de Syrah.
 
 
 
Djerba Oua, un phénomène en course qui est devenu un chef de race mondial parmi les arabes.
 
 
La souche a également produit Dhemis (The Emir's Sword Gr.1 PA), Al Anood (18 victoires dont Dubai Kahayla Gr.1 PA, The Zaabeel Stakes Gr.1 PA, Malazgirt Trophy Gr.1 PA, Emir’s Sword Gr.1 PA), Danzinon (Trophée du Président des UAE Gr.1 PA, tête de liste de sa génération en France à 3 ans), Divamer (Second UK Arabian Derby Gr.1 PA)… Par ailleurs les très actuels étalons Akbar et Monsieur al Maury sont deux fils de Djelfor, lui-même descendant de Dragonne en lignée maternelle (tout comme Djarni des Forges). Chez les Anglos les éléments récents les plus remarquables de la famille sont Esprevuh et Tarandole. Ainsi chez bien des Arabes qui courent à présent à travers le monde, coule un peu (voire beaucoup pour certains !) de sang Lestorte…

 
Sous la casaque grenat et blanche d'Umm Qarn Farm, entrainée par Alban de Mieulle, Al Anood fut une grande championne arabe issue d'une souche Lestorte.
 
 
La 1e grande victoire de Jean-Claude Rouget en obstacle
 
Mais l’étendue de la réussite de cet élevage ne s’est pas cantonnée aux seuls Anglo-Arabes et Arabes. La famille Lestorte a produit de très bons purs, aussi bien en plat qu’en obstacle. Le plus célèbre d’entre eux fut sans aucun doute Jaccoud (né en 1974 par Hair Do et Janise par Majano) dont les débuts dans la vie furent particulièrement difficiles. Sa mère étant malade il fut sauvé par une jument Espagnole qu’il avait fallut aller chercher dans la montagne... Il offrira plus tard à Jean Claude Rouget (qui entrainait alors des chevaux d’obstacle !) son premier succès classique en remportant l’édition 1982 du Grand Prix de Pau.
 
Eguzonne (n°8) fut aussi à l'aise sur le cross de Pau que sur le steeple d'Auteuil.
 
 
Malgré la réussite qu’il avait connu avec les autres races et souches, Emile Lestorte décida dans les années 50 de recentrer son élevage sur la souche « T » tout en produisant de temps en temps quelques purs. Cette famille dite « T » est celle qui est communément appelée « souche Lestorte ».
                     
Adrien CUGNASSE
 
Lire aussi :
 

 

Chapitre 3 : des arabes, des pur-sang et des anglos
Chapitre 4: la souche "T" et les japonais

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