14 juillet : le monarque tremble sur ses bases...mais regagne le trône

15/07/2012 - Actualités
Incroyablement malheureux dans le Prix du Jockey-Club, Imperial Monarch s'est vengé dans le Grand Prix de Paris, arraché de haute lutte. Le nouveau roi de France est irlandais. Et pas de guillotine à l'horizon ?

Les grands de ce monde n'auraient-ils que si peu de mémoire, ou pas d'état d'âme. Il est en effet toujours assez rigolo de voir parader les princes, monarques, seigneurs et aristocrates de tout poil parader un 14 juillet. Car cette date mémorable a tout de même conduit au raccourcissement d'un certain nombre de leurs ancêtres français pendant la révolution et la chute du régime monarchique de Louis XVI dont la tête a fini comme celles de sa femme et de tant de compères d'impostures dans le fond d'un panier ensanglanté, séparée soudainement du corps par la lame tranchante d'une guillotine, la vindicte populaire toujours avide de morbide et la volonté des bourgeois avide de leurs châteaux et privilèges.

 

Imperial Monarch a mené de bout en bout et repousé bravement tous les assauts pour finir. Un beau nouveau roi. (photos APRH)

 

Les jeunes O'Brien redonnent vie aux ronds de présentation.

L'homme dont le pouvoir absolu sur les courses mondiales ne cesse de grandir s'appelle Aidan O'Brien. Et l'irlandais à l'éternel faciès d'étudiant, grand bosseur, archi consciencieux, construit en ce moment une dynastie. Doué de nature dès son plus jeune âge (ancien champion chez les amateurs), bien né et bien marié (sa femme Anne-Marie, fille de grand éleveur, est ancienne championne...des cavalières), il se déplace désormais en famille à chaque fois qu'il n'y a pas école, avec ses 4 enfants (2 gars 2 filles, tous très signés de la mère). Cela ramène une peu de vie dans les ronds de présentation, de plus en plus hantés par des fantômes, des tristes sires, des statues de marbre glaciales et sombres, voir des André Fabre (il a malheureusement fait des émules dans l'art de tirer une gueule de trois pieds de long).

 

Aidan O' Brien donne les ordres à son fils de 19 ans Joseph, tandis que sa femme, son autre fils et ses 2 filles sont tous près. Joseph montait à 16h20 la July Cup à Newmarket avant de foncer vers Longchamp pour monter le Grand Prix de Paris seulement 3 heures plus tard !



Ce dernier, dont la presse qu'il aime tant prévoit toujours la mort professionnelle en avril de chaque année, traverse une période de forme tellement percutante qu'il a bien failli signer une jumelé très heureux dans le Grand Prix de Paris. Il termine 2e et 3e avec Last Train, oncle de Frankel par le jeune étalon Rail Link, splendeur physique semblant bien manger à la cantine, et Saint Baudolino, dauphin de Saonois dans le Jockey-Club mais lui resté totalement inconnu. En effet, Imperial Monarch, flottant dans sa lutte, a perturbé la trajectoire de Main Sequence, un "Niarchos" anglais qui a conclu 2e de Camelot dans le Derby d'Epsom, et a du  se contenter de la 4e place. Après une très longue enquête, l'arrivée a été maintenue. Mais comme l'expliquait Woody Allen dans le film Match Point, le vie se joue toujours selon le côté où retombe la balle de tennis lorsqu'elle touche le filet.

 

Oncle de Frankel, Last Train a bien essayé à la corde d'attaquer Imperial Monarch, mais l'irlandais est reparti à chacun de ses assauts.



Pratique, Aidan O'Brien a fait de l'aîné de ses enfants un jockey. Grand fil de fer, Joseph fait peur à certains turfistes mais à 19 ans, il est déluré et eneregique sur la bête ! Très enervé sans doute d'avoir massacré son Jockey-Club avec Imperial Monarch, qu'il aurait probablement gagné sur la vraie distance de 2400 m, ou au moins avec un parcours moins calamiteux, il a décidé de prendre la tête d'emblée, et qui que personne ne pourrait lui l'arracher (trait d'humour...), ce qui a donné un très beau combat tout au long de la ligne droite. Dans la foulée de la victoire du gamin de 18 ans dans la Breeders'Cup Turf en 2011 avec St Nicholas Abbey, il avait été décidé que 2012 serait l'année de Joseph. Veinard, il est tombé sur Camelot, et maintenant voilà Imperial Monarch.

 

Toute la famille O'Brien et Mathieu Legars (représentant de Coolmore en France, juste à côté du jockey) autour d'Imperial Monarch.



Voilà donc un beau gagnant de Grand Prix de Paris, avec l'origine qui va bien : un très bon pédigrée ultra-classique. Enième champion issue de Galileo, qui doit arriver avec lui à 30 gagnants individuels de Gr.1, alors qu'il n'a que 14 ans, Imperial Monarch est une issu d'une fille Slip Anchor (Shirley Heights), gagnant du Derby d'Epsom 1985, et d'une grand-mère par le français Reliance (Tantième), lauréat du Jockey-Club 1965, et par ailleurs père de mère de Network. En remontant, on note 2 chevaux moins connus, le français Roi Dagobert (étalon assez décevant), le champion américain de sa génération Dark Star (Kentucky Derby 1953 devant Native Dancer) puis le génial Nasrullah, qui a construit en seulement 10 saisons de monte l'élevage américain après-guerre depuis sa base de Claiborne Farm où il a été importé d'Angleterre après son achat à l'Aga Khan à l'âge de 9 ans.

 

Père de mère d'Imperial Monarch, Slip Anchor avait déjà gagné de bout en bout son Derby, celui d'Epsom en 1985.



Alors que tout le monde fuit les produits de juments âgées sur les rings de vente, Coolmore n'a cure de ce principe pourtant assez fiable de l'élevage. En l'occurrence, la multinationale irlandais a acheté yearling Imperial Monarch alors que sa mère Ionian Sea avait 20 ans à sa naissance. Certes, commercialement, cela ne veut rien dire puisque les éleveurs vendeurs sont David Magnier, le fils de John Magnier (patron de Coolmore) an association avec Cobra Bloodstock, qui appartient à Tom Magnier, autre fils de King John. Mais sportivement, le Grand Prix est bel et bien revenu au fils d'une mèmère. Elevé par George Strawbridge, fille de la très bonne français Snow Day (Royaumont / Fille de l'Air), neveu de l'excellent Blue Stag (2e du Derby d'Epsom de Quest For Fame en 1990, Ionian Sea a décroché une  victoire de Listed au Lion d'Angers en 1992 dans le Prix Robert de Cholet (futur Prix Urban Sea) sous l'entrainement de Jonathan Pease et la selle de Corey Black, un américain resté un an en France. Ionan Sea a réussi un superbe score au haras. Sur ses 11 premiers produits, elle a 10 partants et...10 gagnants ! Imperial Monarch est le meilleur mais elle avait déjà donné 4 black-type :

  • The Great Gatsby (M 2000 - Sadlers'Wells) : 2e du Derby d'Epsom (Gr.1) de Kris Kin en 2003
  • Roman Empress (F 2006 Sadler's Wells) : 3e des Yorkshire Oaks (Gr.1) de Dar Re Mi en 2009
  • Magritte (F 2001 Sadler's Wells) : 3e Racing Post Trophy (Gr.1) de American Post en 2003
  • Ithaca (M 1994 Groom Dancer), son 1e produit, 2e Pix Berteux (Gr.3) de New Frontier en 1997

Ionian Sea a eu à 21 ans un nouveau produit de Galileo, une femelle vendue yearling à Tattersalls pour 400.000 € à Demi O'Byrne, l'acheteur de Coolmore, c'est à dire les vendeurs.

Le fils du roi des étalons et d'une vieille aristocrate gagne le Grand Prix de Paris, sellé par le roi des entraineurs et monté par le dauphin. Il appartient au roi des courses du monde : John Magnier (Coolmore). Le dernier roi d'Irlande, de sinistre mémoire, fut Murdach le peureux, détrôné en 1212 par le perfide anglais Jean Sans Terre. Toujours 800 ans plus tard, c'est au tour des irlandais de couper des têtes, celles des autres prétendants !

Voir aussi...