Billet : Amis anglais, merci de sauver la France

11/11/2013 - Actualités
Malgré la cruelle faiblesse de l'assemblée du dimanche 10 novembre à Auteuil, venue assister à un magnifique combat de niveau Gr.1 dans un total désintérêt populaire, il y a quand même eu des applaudissements, et pas seulement ceux de Jean d'Indy lorsque ce dernier remettait les prix aux lauréats du Prix Renaud du Vivier. Encore heureux, car le fait l'entraineur anglais Paul Nicholls et son groupe de propriétaires venus au grand complet et tout sourire, repartent avec les trophées et le chèque du gagnant grâce au 4 ans Ptit Zig né et élevé en France chez un petit éleveur du Maine-et-Loire, et acheté cher (100.000 €) à Deauville, est la plus excellente des nouvelles possibles. Etonnant non ?

Paul Nicholls, le plus grand entraineur d'obstacle en Angleterre, après sa victoire dans le Prix Renaud du Vivier (Gr.1) avec Ptit Zig, un 4 ans français. (photo APRH)

 

Rien n'est mieux qu'une telle victoire pour encourager encore et encore les bourses anglaises et irlandaises à laisser de généreux subsides aux professionnels de l'hexagone, ce qui est un moteur indispensable voire majoritaire de la survie de l'obstacle national, sinon de tous les petits éleveurs, propriétaires et même entraineurs. Lui qui avait déjà gagné le Prix La Barka au printemps (mais avec un irlandais par Galileo nommé Celestial Halo), Paul Nicholls est sans doute aujourd'hui l'entraineur qui est capable de susciter les plus fortes enchères sur les rings ou propositions à l'amiable de la part de ses propriétaires, aussi riches qu'enthousiastes, pour des chevaux fançais. Son Ptit Zig avait été le dauphin au printemps dans le Prix Alain du Breil de Diakali, un français de l'Aga Khan acheté 160.000 € à Saint-Cloud et désormais entrainé par l'irlandais Willie Mullins, lui aussi grand amateur et acheteur des "Fr". Donc il y a en a pour tout le monde et c'est formidable. Bien sûr, le fait qu'ils gagnent ce type de grand prix en France est tout de même la moindre des choses, étant donné la quantité et surtout la qualité les éléments acquis en France par ces entraineurs. Aucun professionnel français n'aurait en effet le moindre chèque d'un client compatriote pour faire acheter le cheval d'un collègue, mis à part à réclamer...De mémoire, cela n'est pas arrivé depuis First Gold et Ubu III, lorsque François Doumen agissant pour la Marquise de Moratalla, il y a des lustres.
 

Tout repose in fine sur le débouché Outre-Manche


Mais le plus important est que cela apporte de l'eau à un moulin qui abreuve tout un système. Il ne faut pas se voiler la face ni faire du chauvinisme mal placé. Bien que les allocations y soient importantes, surtout à Auteuil, tout l'obstacle français repose in fine sur le débouché Outre-Manche. Les clients anglais et irlandais, depuis bientôt 2 décennies qu'ils investissent en masse en France, ont laissé sur le territoire une somme gigantesque, inquantifiable car des centaines de transactions sont faites à l'amiable tous les ans, mais qui se calculent en dizaines sinon centaines de millions d'euros. Cela se vérifie à tous les étages et apporte des solutions financières aux rares propriétaires d'obstacle, qui ont un espoir de revente lors de l'achat, de tous les entraineurs qui sont dans la même situation lorsqu'ils prennent en location, et de tous les petits éleveurs français. Car les acheteurs anglais sont plus regardants sur les modèles que sur les origines. Cela laisse donc une chance à tous, même avec des saillies à 1500 €. En l'occurrence, Ptit Zig sort d'une origine obscure. Il a été mis en valeur par Yannick Fouin et tout le monde en profite pour finir. Sans cela, soyons clairs, tout le monde serait à la rue, ou à l'usine (ah ben en fait non parce qu'il n'y en a plus !).
 

La bombe à retardement de la TVA éclate maintenant.


En France plus encore qu'en Angleterre et en Irlande, l'obstacle reste le sport accessible aux non-millionnaires, des types normaux, des gars du coin qui ont un bout de terrain, qui aiment les courses parce qu'on y boit des coups avec les copains, qui aiment les chevaux parce que c'est beau et que ça donne des émotions. Tout simplement. Mais toute cette frange de la population est cruellement maltraitée et disparait à grande vitesse. Les programmes déstructurés qui ont retiré tous les belles réunions sur les beaux hippodromes de province le dimanche, ont déchiré le tissu des petits propriétaires auquel il a été subtilisé toute notion de plaisir et de convivialité, et qui n'ont pas envie de se serrer la main à soi-même après une victoire un mardi à 11h00 du matin dans un tribune déserte, même plus remplie par des entraineurs débordés qui doivent limiter leurs déplacements. Ils n'ont pas non plus les moyens de manquer une journée de boulot (car il y a des vrais gens qui ont des vrais métiers en France), ni de supporter l'augmentation de la TVA. En fait, 11 mois après son application, c'est maintenant qu'on ressent la terrible conséquence de cet énième mauvais coup du pouvoir, qui a une cruelle concrétisation à la vente de yearlings du Lion d'Angers, malgré les efforts d'Osarus, ou ce week-end du 11 novembre par les spectaculaires manifestations à Paris des centres hippiques aux abois.

La classe haute de proprios, sans même parler de l'élite, à les moyens de supporter une augmentation de 17% des frais d'entretien, ou a plus ou moins pu s'organiser en société pour récupérer cette foutue TVA. Notons que riche ou pas, vous êtes toujours obligé de vous battre 25 minutes pour obtenir une bouteille de bulles payée 75 € quand vous avez la chance d'avoir gagné un bon maiden un samedi à à Saint-Cloud. Mais la classe moyenne des français, lentement mais sûrement paupérisée depuis une quinzaine d'années par une série de coups durs (euro, 35h, civilisation du loisir, sarkozysme du n'importe quoi, hollandisme également bordélique), ne peut plus et veut donc plus prendre une "patte" comme c'était la cas avant dans une "bête à 5000", sans trop réfléchir, juste pour se faire plaisir, pour rigoler, tout comme emmener le gosse au club. Maintenant, on ne rigole plus, puisque la société nous incite à en faire le moins possible dans tous les domaines, à prendre ses week-end le vendredi matin, à ne plus "souffrir" au travail, et donc finalement à crever la dalle ! Ce qui n'est pas très drôle.
 

On n'a pas envie de crever la dalle.


Donc, pourvu que les anglais continuent à nous payer pour qu'on leur fournisse des chevaux d'obstacle. C'est merveilleux. Les entraineurs anglais n'aiment pas dresser les chevaux sur les obstacles, les éleveurs anglais n'aiment pas élever des chevaux d'obstacle, et les éleveurs irlandais, s'ils aiment ça, n'intègrent pas le fait qu'un élevage efficace se fonde sur des lignées maternelles solides et non des pères commerciaux. Et c'est ainsi qu'avec des bouts de ficelle mais du talent et de la volonté, les éleveurs et entraineurs français parviennent à susciter les convoitises pour leurs chevaux ou leurs poulains, y compris les foals. Certes, ça diminue le niveau sportif des hippodromes, vu la quantité de bons animaux qui s'en vont, mais aucunement l'élevage car ils ne prendre quasiment que des hongres.

Cela ne plaira aucunement aux ayatollahs bureaucrates qui pondent encore des plans quinquénaux et des rapports rangés aussitôt au placard, mais au moins cet argent va dans la poches des acteurs qui ont vraiment travaillé. Cela sans être copieusement ponctionné par l'Etat, qui se sert tellement bien de l'impôt que même des gens raisonnables en viennent actuellement à réclamer le départ global du gouvernement, du 1e ministre et même du Président de la République pour cause d'incompétence généralisée, ou par les administrations fonctionnarisées étouffants d'acquis sociaux, d'effectifs aussi pléthoriques qu'intouchables plus préoccupés par les permanentes gueguerres internes que par l'intérêt général (des cas terribles se révèlent chaque jour dans les coopératives agricoles) ou les surrretraites en béton armé payées ad vitam aeternam, qui consument plus de la moitié des 45 millions d'impayés annuels du PMU. France Galop, contraint de se regarder dans la glace par rapport à ses frais de fonctionnement, a d'ailleurs quelques difficultés à se réformer en ce moment malgré l'évidence des nécessités...Et pourtant, personne de sensé ne peut souhaiter une révolution générale, car cela envoie directement les gens en prison (vous voulez des exemples ?)

Tout est loin d'être rose Outre-Manche, enfermée dans son système de bookmaking qui ruine les allocations, mais la passion et les moyens financiers des propriétaires y sont intacts. Et on ne peut que les remercier d'ainsi sauver par leur investissement tout un pan du système des courses françaises. Alors, messieurs les anglais, revenez quand vous voulez, vous pouvez gagner des bonnes courses, boire tout notre champagne et surtout nous acheter nos chevaux. Tant que vous nous laissez nos femmes.

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