Sports de brutes au Kirghizistan : la lutte à cheval et Kok Boru...du jamais vu

17/09/2016 - Evénements
 Il faut le voir pour le croire, et franchement, de toutes les expériences "bizarroïdes" proposées aux quatre coins du monde par France Sire avec les chevaux, celle-ci est la plus époustouflante jamais vue, tant au niveau sportif que culturel : la lutte à cheval et le Kok Boru, deux sports de brutes pratiqués avec beaucoup de raffinement au plus haut niveau mondial au Kirghizistan.  

 

La veille de de la grande finale du Kok Boru, LE SPORT n°1 d'Asie Centrale, également connu en France sous le nom de Boz Kachi, entre les deux équipes vedettes du Kirghizistan et du Kazakhstan, deux petits français étaient invités à faire une démonstration de Horse Ball. Complèment hors contexte, les pauvres sont passés pour des petites lopettes avec leurs petits chevaux, leur petit ballon gonflé d'air et entouré de poignées et leur petite sangle fixant leur 2 étriers pour qu'ils tiennent à cheval lorsqu'ils se penchent sur le côté. Epuisés au bout de 2 minutes sur un sable très profond, ils ont vite laissé la place aux hommes, aux vrais du goût du public local.
 
Quand les 2 équipes de Kok Boru se présentent au public surchauffé de 10.000 personnes qui remplissent les tribunes de l'hippodrome de Cholpon Ata, avec une bande son de guerre médiévale, on ressent tout de suite la terreur que pouvait provoquer chez les soldats occidentaux l'arrivée des hordes de cavaliers venus de l'Est lointain. Pire encore, parfaitement ordonnés et torses nus sous des capes de soie rouges ou bleues, ces cavaliers exceptionnels n'ont rien de frêles mongoles à poneys : ce sont des bêtes de muscles chevauchant des destriers imposants, puissants et rapides en même temps issus de croisements judicieux entre les races locales et le pur-sang.
 
 




 
 
Bref, ce jeu du Kok Boru est, avec certaines courses d'obstacle, le sport le plus complet qu'on puisse imaginer car il associe l'effort physique, l'agressivité voire la violence et le danger, la vitesse, la puissance mais aussi un niveau de stragégie et de tactique extrêmement aboutie. Et bien sûr, un sens du jeu aigu tout comme une dextérité à cheval à nulle autre pareil. Ces joueurs sont des cascadeurs à cheval mais ceux-là portent leurs coups en vrai et ils les enchaînent !
 
Le Kok Boru suit le principe d'un jeu de ballon, sauf que ce ballon est un mouton décapité, qui pèse...35 kilos ! Et qu'il faut le soulever de terre à une seule main, en plein galop, poursuvi et percuté par des adversaires prêts à tout pour vous arracher le trophée, avant de le porter jusqu'à un but. Ici, nous sommes chez les nomades, en haute montagne. Dans les temps anciens, un chasseur se couvrait de gloire s'il parvenait à ramener sur son cheval et déposer devant la yourte du chef du village le cadavre d'un loup qu'il avait tué, seul en forêt. Mais sur le chemin, bien sûr, il fallait échapper aux jaloux qui voulaient lui arracher le triomphe. Depuis un siècle, le jeu s'est codifié. Le loup a été remplacé par un mouton (voire une chèvre), pour l'obtention duquel 2 équipes de 5 joueurs à cheval s'affrontent, avec sur le banc 10 remplaçants pour chaque équipe. En effet, ce jeu, extrêmemenet physique, exige des changements permanents au cours de 3 tiers temps de 20 minutes. Le terrain de jeu est vaste comme un grand demi-terrain de foot et le sol est composé de sable très profond, afin d'amortir les nombreuses chutes d'homme comme de chevaux. A chaque côté du terrain, un but, qui est un réceptable de 2 m de diamètre placé à 1 m du sol. Il faut y jetter le mouton. Le plus souvent, pour assurer le coup, le buteur se jette dans le but avec son mouton.
 
 




 
 
Les joueurs n'ont pas le droit se se frapper entre eux, ni de désarçonner sciemment un rival. Mais à part cela, tous les coups sont permis. Les mises en jeu sont sanguinaires avec les 10 joueurs de front qui se précipient vers le mouton au sol. Les duels sont sans merci. Vu la violence du jeu, et les chocs subis, on se demande comment il n'y a pas plus d'accidents. Dès la 1e phase de jeu, alors que les deux équipes, éternelles rivales, étaient chauffées à blanc, un malheureux joueur kazak a éé précipité à terre, piétiné et s'est cassé une jambe. Il a du attendre plus d'une heure, allongé dans la poussière en bord de piste, qu'ue civière vienne le chercher. A part ça, le sang a coulé, des dents ont été cassés, c'est à dire rien d'autre que des égratignures....
 
 Attention toutefois à la méprise, à l'instar du Rugby, ce jeu de brutes pratiqué par des gentlemen en Europe, le Kok Boru est un ballet qui exige un très haut sens tactique. On y voit de d'incessantes feintes, des jeu de jambes, des contre-pieds et un rôle essentiel du marquage. Vu le poids du ballon, les passes sont impossibles, et transmettre le mouton à un coéquipier reste très délicat. Donc, l'idéal est de protéger un attrapeur susceptible de prendre le ballon et de faire en sorte qu'il puisse aller seul au but.
 
Bref, à chacun son football. Ce sport du Kok Boru, malgré le niveau sportif qu'il exige, n'est pas professionnel. Il est pratiqué dans des pays qui figurent dans le triste palmarès des nations les plus pauvres du monde, très en retard en développement,dictatoriaux, dénués ou volés de ses ressources naturelles, voire en proie à de terribles guerres civiles et parfois, pour couronner le tout, victime des islamistes. Au Kirghizistan, pays enclavé de 5 millions d'habitants, parmi les rares Etats de cette partie du monde à vivre sous un régime démocratique, il y a à peine une équipe semi-professionnelle. Les autres pratiquants principaux sont les voisins kazakhs, médaille d'argent, la Chine (médaille de bronze, pays voisins dont les joueurs de l'extrême ouest le plus reculé du pays); L'Afghanistan est médaille en chocolat.
 
 




 
 
Note :
  • Le mouton mort qui a servi dans la finale est resté en un seul morceau jusqu'au bout, ce qui prouve l'étonnante solidité de cet animal, vu le traitement que la carcasse a subi au cours du match. Mais au cas où le ballon exploserait durant les débats, les organisateurs avaient prévu une chèvre de secrours, attachée à un arbre, et qui est repartie indemne. En tout cas, le mouton est mangé à la fin par les vainqueurs, qui ont bien mérité cela;
     
  • L'équipe gagnante a remporté la somme de 3,5 millions de sums, soit environ 46.000 €, et un bonus de 100.000 sums, soit 1300 € a été offert au meilleur joueur du match. Ce sont des sommes considérables dans un pays où le salaire moyen ne dépasse pas les 150 € par mois.
     







 
 
 
 
Mais justement, ces Jeux Nomades Mondiaux ont été faits pour donner une chance aux pays pauvres de participer à de grandes compétions internationales, comme l'explique Askahat Akibeyev, le gouverneur de la région d'Yssik Kuk, le véritable créateur des Jeux Nomades Mondiaux dont la 1e édition a eu lieu en 2014 : " L'objectif des Jeux Nomades est de pouvoir montrer au monde entier les grandes traditions des peuples nomades, qui restent très importantes au Kirghizistan. Cela répond aux besoins de nombreux peuples d'avoir une compétition de ce genre qui leur est accessible. En effet, les Jeux Olympiques ne concernent que 50 pays les plus riches du monde. Les 150 autres pays n'ont pas les moyens d'y participer. Notre but n'est pas tant les résultats sportifs que l'exposition de notre culture. Même si aujourd'hui, toute la nation kirghize est derrière son équipe pour la grande finale du Kob Boru, qui est à l'Asie Centrale ce que le Hockey est au Canada ou le football à l'Angleterre ! "
 
 
Le champion de la lutte à cheval pèse 110 kilos
 
 


 
 
Parmi les sports retenus à ces Jeux Nomades, aucun ne figure aux JO, à l'exception de la lutte au sol, une discipline très importante dans cette région du monde. Mais comme ici, tout se fait à cheval, les nomades ont adapté le principe et inventé un sport complètement hallucinant : la lutte à cheval. Les qualités requises sont les mêmes que pour le Kok Buro. Don de cavalier hors du commun, puissance d'ours, stratégie de renard, précision d'aigle, agilité de singe et endurance de loup. Tout le monde lutte, car la combativité du cheval lui-même joue un grand rôle dans le résultat. Les fiers destriers sont bien dressés. Ils poussent l'adversaires de toutes leurs forces en même tant que le cavalier lutteur, mais savent qu'ils n'ont pas le droit de frapper leur rival. Ils ont juste le droit de mordre le cheval adverse, mais ne le font pas ou presque. Sinon les combats dont le but est de faire chuter de cheval le lutteur adverse, ne pourraient pas avoir lieu sans bain de sang.
 
Quant aux lutteurs, ils n'ont pas le droit non plus de frapper l'adversaire, ni de toucher son cheval ou sa selle. Les prises aux épaules transpirantes de ces athlètes ne fonctionnent jamais aussi bien que les prises des poignets. Mais la plupart du temps, tout se joue au niveau de la ceinture de tissu solidement accrochée à la taille des lutteurs, et grâce à laquelle ils tentent de se désarçonner mutuellement. Hyper physique, ultra violent sans que le sang ne coule ou que de blessures ne puissent être déplorées (le sol est très mou pour amortir les chutes), ce sport exige un entrainement très particulier, comme l'explique le champion kasakh Birjan Kosaliev, qui s'est imposé dans la catégorie reine de plus de 90 kilos, et qui pèse lui-même 110 kilos. " Pour travailler notre puissance, notre endurance et notre équilibre, on s'entraine dans les torrents de montagnes. On accroche une grosse pierre et le cheval doit la monter en remontant le torrent. Ensuite, c'est à notre tour de monter la pierre qui est accroché derrière nous." Quand je vous disais que c'était du jamais vu...
 
Note :
  • La lutte à cheval comporte 3 catégories : les légers (moins de 70 kilos), les poids moyens (entre 70 et 90 kilos) et les lourds (plus de 90 kilos). Comme à la boxe ou au Judo, les styles sont aisement reconnaissables et les lourds sont les rois de la piste.
 
 
 
 
 




 


 
LA GRANDE FINALE


La grande finale des lourds : à gauche le favori du Kirghizistan domine l'outsider du Kazakhstan à gauche, dont le cheval est épuisé par l'enchaînement des combats.
 

Mais à la surprise générale, le Kazak trouve une parade tactique pour faire basculer son rival...
 

Triomphe de Birjan Kosaliev, qui pèse 110 kilos mais monte comme un dieu.
 

Remise des prix de la lutte à cheval. A part le drapeau chinois, il n'y a guere de chance de trouver les drapeaux kirghizes, kazakhes afghans aux Jeux Olympiques...
 

 

 

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