Vadeni dans les Eclipse Stakes : l'Aga Khan entre Coolmore et Lagardère, avec King Rouget et Super Soumillon contre les commissaires anglais !

03/07/2022 - Actualités
Un mois après son envolée dans le Jockey-Club, le champion de l'Aga Khan Vadeni a battu ses aînés anglais sur leur terrain dans les Eclipse Stakes (Gr.1) à Sandown Park. Ce fils de Churchill, né de la plus formidable souche de Jean-Luc Lagardère, fait flotter le drapeau français en Albion grâce à Jean-Claude Rouget, un entraineur qui n'a pas froid aux yeux, et à son génial jockey Christophe Soumillon sur qui les perfides commissaires anglais se sont tout de même vengés !

 


Regardez la victoire de Vadeni dans les Eclipse Stakes et écoutez les remarquables interviews de Christophe Soumillon et Jean-Claude Rouget.




Autant les commentateurs des courses anglaises fleurissent joyeusement leurs tirades finales quand un " froggie" passe le poteau en tête, autant les commissaires rosbeefs, qui n'ont pas dû changer depuis Henry VIII, se mettent à baver de rage comme des vaches folles quand un tel affront survient. Toujours pas remis de la victoire de Gladiateur, le vengeur de Waterloo (qui était quand même entrainé Outre-Manche par Tom Jennings) dans le Derby d'Epsom 1865, ces "stewards" ont réussi à disqualifier scandaleusement Nureyev et Royal Gait, les vainqueurs des 2000 Guinées 1980 et de la Gold Cup d'Ascot 1988. S'ils ont du s'habituer au spectacle avec Frankie Dettori depuis 30 ans, l'expressivité de Christophe Soumillon ne peut pas plaire aux esprits plantés sur un balai, alors ils ont expié sa formidable victoire avec le 3 ans français Vadeni dans les Eclipse Stakes en lui infligeant 12 jours de mise à pied pour une gêne occasionnée...après le poteau !  A croire que les commissaires anglais sont aussi imaginatifs que des scénaristes de Plus Belle La Vie avec autant de mauvaise foi qu'un élu de la France Insoumise.

 

Vadeni avec Christophe Soumillon, Jean-Claude Rouget et la Princesse Zahra Aga Khan, un triomphe français en Angleterre.



Car oui, Vadeni a gagné magnifiquement. Il a battu une légende vivante, Mishriff dont le jeune partenaire David Egan a pris une leçon de la part de notre Soumillon national, sans aucun doute le meilleur jockey du monde, et un formidable Native Trail, l'élève "FR" de José Delmotte au Haras d'Haspel sous casaque Godolphin. Toujours aussi énergique à la lutte à 41 ans (un bambin face à Peslier, Dettori, Starke, Take et surtout Mossé !), Christophe Soumillon a poussé si fort qu'il en a fait reculer sa selle ! Ce Gr.1 sur 2000 m proposait un plateau de très haut vol et l'arrivée en fut magnifique avec les 6 partants encore en 2 longueurs à 200 m du poteau. Oui, Vadeni a gagné et démontré que les anglais, s'ils nous taillent des croupières quasiment tous les jours en France, rentrant dans les coffres nos allocations aussi aisément qu'un pavé dans la gueule d'un flic, sont battables chez eux pourvu que les français osent les   attaquer de front. En l'occurence, Jean-Claude Rouget, avec l'aval de l'équipe de l'Aga Khan, a mis, comme qui dirait ses attributs sur la table en faisant supplémenter le cheval en Angleterre face à ses aînés. Il a privilégié cette option chevaleresque plutôt que de courir à la maison le Prix Guillaume d'Ornano, un Gr.2 beaucoup plus accessible à Deauville comme il l'avait fait avec Almanzor dans la foulée du Jockey-Club. Le but reste le même qu'avec celui qui fut sacré meilleur 3 ans européen en 2016 : viser l'Irish Champion Stakes de Leopardstown en Irlande, qu'Almanzor avait remporté déjà avec Christophe Soumillon. Ensuite, il tentera sa chance dans l'Arc de Triomphe sur 2400 m ou suivra les traces de son aîné sur les 2000 m des Champion Stakes d'Ascot.

 


Vadeni arrache la victoire de haute lutte face à Mishriff à l'extérieur et Native Trail à la corde.



Il y a 15 ans, cette même épreuve encore disputée sur les 2000 m en ligne droite de Newmarket, fut d'ailleurs le 1er succès de Gr.1 outre-Manche de Jean-Claude Rouget qui avait alors 53 ans, grâce à Literato sous la selle de Christophe-Patrice Lemaire en 2007. Depuis, l'ancien coureur de demi-fond, encore capable il n'y a pas si longtemps de parcourir les 133 kilomètres séparant son écurie paloise du Haras des Granges dans le Gers, a brillé 2 fois à Royal Ascot dans les Coronation Stakes avec Ervedya (2015) puis Qemah (2016) et donc 2 fois avec Almanzor.

Là, il brille avec un mâle sous la plus ancienne et la plus prestigieuse des casaques classiques du monde, celle de son Altesse Aga Khan, ce qui doit être une fierté personnelle insondable pour un gars débarqué en 2 CV à Pau en 1978 avec un ou deux chevaux d'obstacle rustinés. La casaque n'avait pas gagné les Eclipse Stakes depuis Saint Crespin en 1959, appartenant au Prince Aly, le père de Karim Aga Khan. Saint-Crespin est aussi le nom du haras historique de l'Aga Khan III, celui avec ses fameuses clôtures blanches, voisin de Bonneval.

 

 



Dans une forme étincelante, l'Aga Khan IV goûte un nouveau fruit de l'achat global qu'il a réalisé de l'effectif de Jean-Luc Lagardère en 2005, mort soudainement 2 ans plus tôt après avoir dominé plusieurs fois l'élevage français. Aussitôt, l'Aga Khan avait gagné l'Ispahan (Gr.1) et les Queen Anne (Gr.1) avec Valixir, d'ailleurs un grand oncle de Vadeni. Ayant récupéré non seulement les 180 chevaux (élevage + entrainement), mais aussi les terres, l'Aga Khan a vite revendu le Haras du Val Henry, sur 60 hectares où Lagardère avait ses étalons. Il a conservé en revanche le vaste Haras d'Ouilly sur 210 hectares pour l'élevage et le Haras de Tupot sur 85 hectares qui abrite le centre de débourrage pré-entrainement. Clin d'oeil de l'histoire, Ouilly (dans le Calvados) avait été la base du grand éleveur de François Dupré jusqu'à sa mort soudaine en 1977. Six mois plus tard, l'Aga Khan avait acheté tout son effectif mais pas les terres, acquises en 1981 par un capitaine d'industrie qui reprenait aussi sa casaque grise toque rose, un certain Jean-Luc Lagardère. Trois décennies plus tard, l'Aga Khan rassemblait finalement tous les morceaux du puzzle.

 


Son Altesse l'Aga Khan avec Jean-Claude Rouget. (photo APRH)



Lagardère a mis du temps à faire décoller son élevage, car il  a eu la facheuse tendance à recruter ou faire confiance à des étalons catastrophiques comme Bikala, Always Fair, River River, Bolkonski. Puis tout a changé dans les années 90 avec l'avènement d'un génie improbable, Linamix, d'autant plus miraculeux qu'il était né du croisement de l'obscur Mendez et du désastreux Breton... Mais Linamix a d'autant mieux réussi qu'il s'est révélé complémentaire des souches purement américaines que Lagardère dénichait aux Etats-Unis grâce à son conseiller de toujours, Roland de Longevialle. Le tout 1er achat de ce genre fut une yearling acquise à Keeneland en 1980 : une certaine Vadsa. Cette fille d'Halo, élevée dans le Maryland par EP Taylor (l'homme de Northern Dancer) devenue placée de Listed en France chez François Boutin, a changé le vie de Jean-Luc Lagardère, donnant 14 foals dont 12 vainqueurs. Avant Vadeni, sa descendance regorgeait déjà de grands noms, dont Val Royal, Vahorimix, Vadlawys, Vadapolina, Vadawina, Valixir, Vazira, Vadlava, Vadamar, Valia, mais aussi The Pentagon, Vadamos, Volfango, Tornibush, et on en oublie sûrement certains. Les succès de l'Aga Khan avec les souches Lagardère sont innombrables, et comprennent aussi Siyouni, étalon de génie et véritable banque avec des saillies facturées 140.000 €. A noter que Siyouni est exempt du sang de Linamix, et d'autant plus facile à croiser.  La seule frustration légitime de cette opération a été Linamix lui-même, tombé stérile au moment du transfert alors qu'il n'avait que 18 ans.

 


Jean-Luc Lagardère et Gérald Mossé avec Linamix lors de sa victoire dans le Prix de la Rochette (Gr.3) à 2 ans en 1989. ON remarque en 2e plan à droite, l'indispensable Roland de Longevialle. (photo APRH)




Au terme de sa carrrière, Vadeni deviendra bien sûr étalon. La question est où ? Depuis bien longtemps, les meilleurs éléments de l'Aga Khan sont tous entrés en fanfare en Irlande, à Ballymany puis à Gilltown. Mais à l'exception notable de Darshaan, tous les autres comme les Shardari, Shernazar, Kahyasi, Doyoun, Sinndar, Shernazar, Ashkalani, Daylami, Dalakhani ont descendu au fil des années les marches de la notoriété, certains pour finir assez bas. La France a longtemps été considérée comme l'abri des sujets de renommée secondaire... et qui n'ont pas marqué les mémoires comme Vayrann ou Lashkari. Seul Akarad a été vraiment efficace. Lagardère l'utilisait d'ailleurs souvent. Les temps ont changé. Récemment, Siyouni lui-même, puis Zarak, ont démarré en Normandie respectivement à 7.500 € et 12.000 € car ils n'avaient pas un profil assez percutant pour se permettre d'entrer en Irlande. Résultat, le 1er est une superstar tandis que le 2e devient une superstar.

 


Churchill : dans sa jeune production, Vadeni est un arbre qui cache la forêt, ou plutôt le désert.



Après avoir longtemps privilégé ses propres étalons pour ses 250 poulinières environ, dont certains des reproducteurs de sinistre mémoire cités ci-dessus, l'Aga Khan a élargi ses perpectives dans son plan de monte, tous azimuts aux Etats-Unis et en Europe, dont bien sûr Coolmore. Ici, le Prince ismaélien rend un immense service au géant mondial de l'étalonnage, actuellement bien en peine avec tous ses jeunes chevaux fils de Galileo, dont Churchill, qui pédalent un peu dans la semoule. Phénomène des pistes, quadruple gagnant de Gr.1 à 2 et 3 ans, dont les 2000 Guinées de Newmarket et du Curragh, Churchill est déjà voué aux gémonies par les socio-professionnels anglo-irlandais qui ont été terriblement déçus par sa 1e génération de 2 ans en 2021. Son 2e meilleur cheval, selon les valeurs du Racing Post, est The Acropolis qui a couru le Jockey-Club de Vadeni, mais en a terminé dernier. Après avoir démarré à 35.000 € en 2018, Churchill continue de facturer ses services à 25.000 €.

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