Zagrey, le cheval d'exception de Jean-Paul Challet, à l'assaut de la Dubai Sheema Classic

23/03/2023 - Actualités
Aligné ce samedi 25 mars au départ de la prestigieuse Dubai Sheema Classic (Gr.1), Zagrey entretient les espoirs de toute une nation pour succéder à Dolniya, Cirrus des Aigles et autre Polish Summer au palmarès de cette épreuve, mais surtout ceux de Jean-Paul Challet, l'animateur du Haras de Précolette, dans les Deux-Sèvres, où est né et a grandi ce fils de Zarak, dont l'histoire vous est contée ci-dessous.

Avec Zagrey, Jean-Paul Challet (sous le chapeau) et Yann Barberot (tout à droite) représenteront la France ce samedi 25 mars 2023 dans la Dubai Sheema Classic (Gr.1) (© APRH)

 

Avoir un cheval que l'on a vu naître et grandir aligné au départ d'un Gr.1, peu importe la discipline, est déja une immense fierté en soi. Mais si en plus ce même cheval dispute une épreuve de ce genre affublé de la casaque de celui qui l'a élevé, imaginez le sentiment de plaisir qui doit parcourir ce dernier. Un pur bonheur, une formidable sensation de plénitude, qui envahit depuis plusieurs jours maintenant Jean-Paul Challet, l'animateur du Haras de Précolette, dans les Deux-Sèvres, qui sera représenté dans la Dubai Sheema Classic (Gr.1) de Meydan (Émirats arabes unis), ce samedi 25 mars, en tant qu'éleveur-propriétaire de Zagrey, fils de Zarak entraîné par Yann Barberot, fin prêt à croiser le fer avec ceux d'écuries "mamooth" telles Darley, Shadwell, Juddmonte ou encore Northern Farm.

 

Jean-Paul Challet, avec la jeune garde de son Haras de Précolette, dans les Deux-Sèvres

 

Déjà sur place, et contacté par téléphone, Jean-Paul Challet, à la tête de quatres entités d'élevage (les Écuries Altima, Euroling, Fertilia et Jema, ndlr) nous a dit: "Cela m’amuse beaucoup. Avoir l’un de ses élèves aligné au départ d’un Gr.1 à l'étranger, et qui porte en plus vos propres couleurs, c’est vraiment le rêve de tout éleveur-propriétaire. C’est une double fierté, pour moi, ma famille et mon responsbale d'élevage, Franck Soulard, qui effectue au quotidien un travail remarquable depuis la création du haras, il y a maintenant 36 ans. Nous essayons de faire au mieux, avec les moyens qui nous sont donnés, avec le terroir sur lequel on se trouve. Et nous voilà récompensés". Du travail donc, beaucoup, des choix, des rencontres et, bien entendu, un brin de chance, auront donc permis à l'ancien ancien directeur général de Mutavie (une filiale épargne-assurance vie du groupe Macif) et permis d'entraîner cantilien d'avoir l'un de ses élèves et représentant, en association avec Gérard Augustin-Normand, au départ d'une épreuve de la prestigieuse réunion de la Dubai World Cup.

 

Franck Soulard, le responsable d'élevage du Haras de Précolette, aux petits soins des chevaux de Jean-Paul Challet depuis maintenant plus de 30 ans

 

La genèse de cette histoire nous ramène à la fin de l'année 2015, avec l'achat de la mère de Zagrey, Grey Anatomy, aux ventes d'ARQANA. Jean-Paul Challet se souvient: "C’est une histoire assez amusante. Grey Anatomy n’avait pas couru la moindre course et avait rejoint l’Écurie Seconde Chance de Sylvain Martin. Elle a tout d’abord été achetée par des français travaillant en Irlande, qui l’ont emmenée à Coolmore pour être saillie par Zoffany, un étalon que j’aimais beaucoup à l’époque. Elle a ensuite été présentée pleine de ce dernier par Fairway Consignement, à la vente d’élevage ARQANA de 2015. Et c’est ainsi que je l’ai achetée. Je voulais absolument une belle jument grise, bien équilibrée, pleine de Zoffany. Et il n'y en avait qu'une au catalogue : Grey Anatomy. Cela tombait bien ! (rires)".

 

Grey Anatomy, la mère de Zagrey, ici en compagnie du frère par Zoffany de ce dernier, Graignes, alors foal

 

Fille de Slickly sur une mère Nureyev, issue de la même souche que la bonne Nova Step (Criétrium de l'Ouest, L.) ainsi que des étalons Eltish (Royal Lodge St., Gr.2 et Vintage S., Gr.3) et autre Skimming (2x Pacific Classic S., Gr.1), Grey Anatomy s'est pleinement révélée en tant que poulinière durant ses quatre années au Haras de Précolette (elle a été revendue pleine de Zarak, en 2019, à la vente d'élevage ARQANA, ndlr), donnant naissance à trois vainqueurs, dont deux au niveau black type. Jean-Paul Challet nous a expliqué : "Grey Anatomy nous aura fait des poulains très différents les uns des autres. Le premier, par Zoffany donc, a été Graignes. Un beau poulain, peut être un peu léger, mais très tonique, et ce depuis tout petit. Il avait été acheté yearling 40.000€, aux ventes d’octobre ARQANA, par le regretté Sébastien Le Forban, qui en était très amoureux. Il est repassé aux ventes l’année d’après, aux Breeze-Up d’ARQANA, et avait été acquis 90.000€ par Yann Barberot et Sylain Vidal pour le compte de Gérard Augustin-Normand. À son tour, Yann Barberot est tombé sous le charme du cheval. À 2 ans, il avait réussi à s’imposer en débutant avant de terminer troisième à trois reprises consécutives au niveau Groupe (Critérium International, Gr.1 ; Critérium de Maisons-Laffitte, Gr.2 et Prix Eclipse, Gr.3 ; ndlr). Il avait aussi réalisé de belles choses à 3 ans en terminant quatrième de la Poule d’Essai des Poulains (Gr.1) et deux fois deuxième de Gr.3, notamment du Prix Djebel, où il n’a été battu que d’un "pixel" pour la victoire".

 

Graignes, l'un des meilleurs porte-étendards du Haras de Précolette, tout comme Zagrey, son frère par Zarak (© APRH)

  

Et d'ajouter : "Son frère par Intello, Inzy, n’a pas eu le même rendement, car trop fragile. Il n’a pas pu faire carrière. À l’inverse d’Anatiya, une fille de Dariyan qui s’était non seulement très bien venue aux ventes (achetée 105.000€ yearling à la vente d’octobre ARQANA par Stroud Coleman Bloodstock Ltd., ndlr), mais a aussi gagné en piste et réussi à se placer au niveau Listed (Grosser Preis der VGH Versicherungen), en Allemagne ". À cette fratrie est donc venu s'ajouter Zagrey, issu de la première production de Zarak, qui a vu le jour en 2019 et est passé lui aussi par le ring des ventes ARQANA. Jean-Paul Challet poursuit : "Depuis maintenant 36 ans que je fais de l’élevage, je fais en sorte d’essayer de vendre toute ma production. Voilà pourquoi Zagrey a été présenté yearling par le Haras de Grandcamp, à ARQANA, lors de la vente de sélection. Son pedigree n’était quand même pas anodin, au vu des performances réalisées jusque-là par son frère, Graignes. Mais le cheval n’était pas dans sa robe de mariée à ce moment-là, car faisant un peu de croissance. Et comme les premiers produits de Zarak, dont il fait partie, n’étaient encore que yearlings à l’époque… Je l’ai donc racheté pour 32.000€".

 

Zarak, le père de Zagrey, étalon vedette des Aga Khan Studs

 

Après être retourné passer l'automne et une partie de l'hiver dans les vertes prairies de Coulon, en lisière de la "Venise Verte", dans les Deux-Sèvres, là même où est situé le Haras de Précolette, Zagrey est ensuite retourné en Normandie, au sein de l'établissement de la famille Lhermite, afin d'y effectuer son apprentissage. Jean-Paul Challet nous indique : "Il est retourné au Haras de Grandcamp afin d’y être débourré et pré-entraîné. J’aime énormément leur manière de fonctionner. Gaël Lhermite a été formidable avec le cheval. Il lui a fait faire un travail de fond extraordinaire et lui a permis d’arriver à l’écurie de Yann Barberot avec de bonnes bases, et déjà un peu de force, même s’il faisait encore un peu bébé comme ça. J’ai donc pris le risque de le faire courir sous mes propres couleurs, alors que cela faisait des années qu’elles n’étaient plus sorties. J’ai voulu me faire plaisir. Et je crois que j’ai bien fait ! ».

 

Yann Barberot (à droite), un metteur au point avec lequel Jean-Paul Challet collabore avec succès depuis plusieurs années maintenant, notamment grâce aux produits de Grey Anatomy (© APRH)

 

C'est en tout cas le moins que l'on puisse dire, le cheval ayant terminé "dans l'argent" de dix de ses onze sorties, avec notamment quatre victoires à la clé, dont deux au niveau Listed, et six places, dont trois au niveau Groupe. Jean-Paul Challet nous détaille : "Tout ceci n’est que la conséquence de toute la maestria de Yann Barberot et de son équipe deauvillaise. C’est un pur bonheur que de travailler avec eux. Le cheval n’a fait que mûrir et progresser au fil de ses sorties. Nous avons d’abord joué la carte des "chemins de traverse" avec lui, en le débutant à la maison, à Deauville (sixième du Prix de Montaigu) avant d’aller successivement à Craon, Amiens et Saint-Cloud, où il a terminé à la deuxième, première et troisième place. Si l’on excepte sa rentrée, effectuée sur la fibrée de Chantilly, qui est tout sauf sa surface de prédilection, sa campagne à 3 ans aura été des plus réussies, gagnant tout d’abord à Nantes et Bordeaux au printemps, notamment dans le Derby du Midi (L.), avant de terminer excellent deuxième du Prix Eugène Adam (Gr.2), à Saint-Cloud. Seulement, le cheval était revenu de cette course avec une blessure, qui a nécessité de le garder six semaines entières enfermé au box afin d’être soigné. Son menta, et les personnes autour de lui ont fait le nécessaire. Lors de sa réapparition dans le Grand Prix du Nord (L.) au cours de l’automne, à Chantilly, Zagrey n’était qu’à 70% de ses moyens. Aussi, le voir réussir à s’imposer, "sur la main" qui plus est, nous avait beaucoup émus avec son entraîneur. C’est de là que le plan de partir à l’aventure à Meydan a été enclenché".

 

Zagrey, lors de sa victoire dans le Grand Prix du Nord (L.) à Chantilly, en octobre dernier, sous la selle du désormais retraité Grégory Benoist (© APRH)

 

Un plan qui, pour l'instant, se déroule sans accroche, Zagrey ayant successivement terminé quatrième du Al Rashidiya (Gr.2) et deuxième des Dubai Millenium Stakes (Gr.3), à chaque fois sous la selle de Christophe Soumillon, qui lui sera de nouveau associé dans le Dubai Sheema Classic (Gr.1) ce samedi. Une épreuve que le crack-pilote belge avait déjà remporté en 2015, en selle sur l'Aga Khan Dolniya, ainsi que les "FR" Cirrus des Aigles et Polish Summer, en 2012 et 2004. Jean-Paul Challet nous a indiqué : "Courir pour la première fois sur 2.400 mètres ne devrait pas le déranger. C'est un cheval très maniable, volontaire et qui va dans tous les terrains, un peu à l'image de son père. Par ailleurs, il aura une nouvelle fois sur son dos Christophe Soumillon, qui est non seulement un excellent jockey, mais surtout le pilote idéal pour Zagrey. En course, il faut vraiment un jockey capable de tempérer ses ardeurs. Car sa vraie force, c’est sa pointe de vitesse finale. Il est capable de terminer très vite les 400 derniers mètres d’un parcours, sur les bases de 65 km/h. D’ailleurs, c’est la vitesse à laquelle il a terminé l’an dernier, dans le Prix Eugène Adam, avec une pointe enregistrée à 67 km/h. Quand il a terminé quatrième du Al Rashidiya (Gr.2) mi-janvier, Christophe Soumillon nous avait dit après l’épreuve que le cheval n’avait fait que de changer de jambes durant le parcours, surpris par la vitesse à laquelle ils sont allés depuis le départ. Sa sortie suivante, dans les Dubai Millenium Stakes, était d’ailleurs beaucoup mieux, comme l’atteste sa deuxième place, et ce alors qu’il était un petit peu loin au moment du démarrage final".

 

Zagrey, répétant ses gammes sur l'hippodrome de Meydan, avec son fidèle Quentin Gervais sur le dos (© Erika Rasmussen Photography)

 

Au top de sa forme avant la grande échéance de ce week-end, Zagrey, qui a tiré le 2 dans les stalles de départ, semble donc s'être parfaitement acclimaté à la vie dubaïote, tout comme son cavalier attitré, Quentin Gervais, qui est à ses côtés depuis trois mois maintenant. Jean-Paul Challet nous a dit: "Que ce soit les hommes ou les chevaux, nous sommes extrêmement bien accueillis à Dubaï. C’est vraiment très intéressant de découvrir comment les choses se passent à l’étranger. Le cheval est arrivé à Meydan le 29 décembre dernier, avec trois autres chevaux de l’écurie Barberot (Axdaliva, Bouttemont et Fast Raaj, ndlr) qui ont couru là-bas au cours de l’hiver. Ces derniers étant rentrés en France, il est désormais seul avec son "ange gardien", Quentin Gervais, qui est pour beaucoup dans l’ascension du poulain. Ils ont une belle complicité entre eux. L’autre jour, à l’issue des Dubai Millenium Stakes (Gr.3), cela m’a fait plaisir d’apprendre qu’ils avaient reçu le premier prix du concurrent le mieux présenté dans le rond de présentation. J’espère qu’ils arriveront à en faire de même samedi (rires) !".

 

Quentin Gervais, l'une des personnes responsables de l'éclosion de Zagrey au fil du temps (© Erika Rasmussen Photography)

 

Ayant les yeux de Chimène pour son cheval, qu'il juge capable de performer sur la distance "classique" et d'entrer un jour au haras, comme étalon, Jean-Paul Challet a conclu : "Je l’ai toujours beaucoup aimé. Avec le recul des années passées comme éleveur, je le qualifierai d’exception. Tant par son physique que son équilibre mais aussi et surtout par son mental. Sur ce point, il est vraiment exceptionnel. C’est quelque chose de très important, le mental. Sans cela, on ne peut pas espérer voir un cheval performer, et bien performer, en piste. Aujourd’hui, il est en 113 de valeur. Mais il a quand même donné du fil à retordre à des chevaux en valeur suéprieure à 120, comme Junko, troisième du Prix Eugène Adam (Gr.2) l’an dernier et aligné au départ de la Dubai Turf (Gr.1) ce samedi. Donc je pense qu’il a les moyens de faire un peu mieux que la valeur qui lui est présentement attribuée (rires). Quoiqu’il en soit, notre place à l’arrivée sera celle que l’on méritera. Mon rêve est que tout se passe bien et qu'il rentre bien. Le résultat, on le prendra tel quel, de la manière la plus sportive qu’il soit. C’est déjà un exploit pour moi, tout petit éleveur-propriétaire que je suis, d’être représenté au départ d’une telle épreuve. En association avec Gérard Augustin-Normand qui plus est. Je n’ai aucun stress à être là-bas : ce n’est que du bonheur !".

 

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