Xavier Bougon: "À Pau, les noms de prix ont aussi une histoire", volume 2

10/12/2020 - Grand Destin
En attendant le troisième volume de sa rubrique intitulée "À Pau, les noms de prix ont aussi une histoire", Xavier Bougon vous invite à plonger dans ce deuxième volume, dans lequel est expliqué comment et pourquoi tel ou tel nom a été accordé à l'une des différentes épreuves disputées chaque hiver au Pont-Long, au pied des Pyrénées.  

Découvrez le volume 2 des histoires des noms de prix de Pau, raconté par Xavier Bougon

 

 La palette des plaisirs de l’armada anglaise ne serait pas complète sans les courses hippiques

Le Béarn peut être considéré comme le berceau des courses en France. Au Xème siècle déjà, les prémices d’une activité hippique débutent le jour de la Toussaint à Morlaas, alors capitale du Béarn (en lieu et place de Lescar, détruit au IXème) et résidence des vicomtes de Béarn. Pau deviendra la capitale de la province historique du Béarn grâce à un certain Gaston Febus, comte de Foix, plus connu sous le nom de Gaston Phoebus (programmé le 7 février, aujourd’hui épreuve considérée comme une consolante du Grand Prix de Pau).
 
 

Gaston III de Foix-Béarn, dit Fébus (© Wikipedia)
 
 
 
 
Les premières courses officielles dans la région sont organisées en 1807 à Tarbes. Elles renaîtront à Pau en 1841, sous l’impulsion de la population anglaise grandissante, à 4 kms de Pau dans une lande immense, une plaine marécageuse des plus pittoresques, appelée Pont Long. Peu fertile, elle fournit de maigres pâturages aux Ossalois (les occupants de la vallée d’Ossau). Pour l’anecdote, l’hippodrome devait être construit sur les terrains qu’occupe actuellement le golf de Billière, mais la mairie s’y est opposée. C’est la raison pour laquelle le début des courses a été retardé. Elles finissent par s’installer donc sur la lande du Pont Long. Les 23, 25 et 27 août 1843 ont lieu trois réunions, soit 12 jours avant celles de l’année passé. La présence de S.A. R. Mgr le  duc de Montpensier (la maison d’Orléans) qui venait assister à l’inauguration de la statue d’Henri IV, les avait fait avancer pour l’inauguration officielle de l’hippodrome et son baptême devant 35 ou 36.000 spectateurs. L’hippodrome du Duc de Montpensier, c’est ainsi qu’il s’est appelé à l’origine, sera rebaptisé cinq ans plus tard, hippodrome de Pau.
 
 
La société à but non lucratif (loi de 1901) fête ses 181 ans
 
La Société d’Encouragement des Basses-Pyrénées pour l’Elevage du Cheval aurait été fondée en 1839 sous la présidence du comte Pierre de Saint-Cricq (ministre et président du conseil général des Basses-Pyrénées) (honoré le 5 décembre) assisté de son vice-président, le vicomte Napoléon Duchatel, préfet des Basses-Pyrénées (de 1837 à 1842). Les commissaires de l’époque avaient pour noms : le comte Amédée de Beaumont (officier de Saint-Cyr qui prendra le poste de président en 1850), Ch. de Bray, les barons d’Ariste, Bernadotte et Pierre de Laussat, le magistrat Adolphe d’Artigaux ou Dartigaux, (l’époux de Caroline de Saint-Cricq qui avait eu Franz Liszt, le compositeur, comme amour de jeunesse).
 
 
 
Le comte Pierre de Saint-Cricq (© Wikipedia)
 
 
La société consacre ses réunions aux courses plates (sur une piste de 2.000 m.) puis en 1852, l’obstacle apparaît sur les programmes avec steeple-chases à partir de 1856 (un tracé créé sur un modèle anglais par Henri Manescau). La Poule d’Essai (de Pau), un des plus anciens classiques de plat du sud-ouest, est créée en 1860 et le Grand Prix (de Pau), un steeple-chase sous forme de handicap, officiellement en janvier 1879, deux jours après la Grande Course de Haies. Des tribunes en bois sont construites en 1863 sur le modèle de Chantilly, reconstruites en pierre en 1876, trois ans avant le premier Grand Prix.
 
 
Le premier vainqueur du Grand Prix s’appelait Cupidon. Monté par un vieux cavalier anglais, Alfred Purr (qui n’avait de courage pour se mettre en selle que l’eau de vie aidant), le hongre de 7 ans appartenait à un béarnais, voiturier de la ville, Pierre Ranguedat qui l’entrainait d’une façon bien particulière. A la tête de la régie du service régional des diligences, il faisait effectuer à son brave coursier attelé, deux fois par semaine, le trajet Pau-Laruns afin d’y emmener et de ramener les curistes d’Eaux Bonnes (soit 75 kms). Il volait ensuite sur les obstacles du Pont Long. Pour l’anecdote, il avait été élevé dans le Limousin par un certain Psalmet de Vanteaux.
 
Juste après la 1ère guerre, des épreuves d’obstacles sont organisées sur l’hippodrome de Sers par le Trotting Club béarnais, fondé en 1891, future Société béarnaise du demi-sang, dont les derniers présidents ont été le vicomte Henri de Vaufreland (8 janvier) et le comte Hubert de Navailles (5 décembre). En 1921 est fondée la Société des Courses de Nay, à 500 mètres de la localité. Le Président d’honneur n’est autre que le père d’Hubert, Gaston.
 
Voilà en quelques lignes les débuts des activités hippiques en région paloise.
 
 
Notes
 
-Le département des Basses-Pyrénées, créé juste après la révolution, prendra sa nouvelle appellation en octobre 1969, Pyrénées-Atlantiques.
 
-Pierre, Laurent, Barthélémy, comte de Saint-Cricq est né à Orthez en août 1772 et décédé à Pau en février 1854. En plus de ses fonctions de Ministre (de janvier 1828 à août 1829), il avait été député de Seine et Marne (août 1815 à août 1822) puis des Basses-Pyrénées (de mars 1824 à janvier 1833).
 
 
 
L’origine du Domaine de Sers
 
A la fin du XIXème siècle, il existait une piste d’entrainement autour de l’hippodrome d’environ 2.400 mètres. Au fil des années et compte-tenu de l’augmentation du nombre de chevaux, la piste devient insuffisante pour accueillir les utilisateurs et la création d’un véritable centre d’entrainement commence à se faire sentir. Dans le même temps, Louis-Alexandre Sers (29 janvier), un conseiller municipal lègue son domaine «La Véga» à la ville de Pau. A charge pour elle de créer des installations durables et d'utilité publique.
 
 
 
Le domaine de Sers, à Pau, un cadre idyllique pour y entraîner des chevaux de courses (© Robert Polin)
 
 
 
Aux commandes de la Société, quinze présidents se succèdent
 
Après les comtes de Saint-Cricq et de Beaumont, Ernest du Pont (ancien directeur du haras de Pau puis inspecteur général des haras) prendra les commandes en 1867 suivi en 1871 du marquis Charles d’Angosse (époux de Marie-Louise La Caze), en 1873 du baron Nabos de Saint-Jammes, en 1881 de Léon Daran (24 janvier) (médecin en chef de l’Hôpital de Pau et ancien conseiller général). Il est décédé en décembre 1894.
 
L’ex Officier de Cavalerie à Saumur, l’ancien député-sénateur et maire de Navailles, le comte Joseph de Gontaut-Biron (17 janvier), est élu en 1893 pour un mandat qu’il renouvellera jusqu’en 1923, soit 30 ans de « règne ». Né dans l’Oise dans une fratrie de 15 enfants, il est décédé à Pau en 1924.
 
Viendront ensuite Camille Duboscq (de 1923 à 1948), le comte Auguste de Castelbajac (de 1949-à son décès en décembre 1962, ancien conseiller général), le comte Guillaume de Pracomtal (1963 jusqu’à son décès en mars 1973), le marquis Renaud du Vivier (1974-1980, par ailleurs Président de la Société des Steeple-Chases de 1969 à 1978), le colonel de cavalerie Jean Granel (de 1980 à son décès en 1982, par ailleurs membre et commissaire de la Société des Steeple depuis 1954). C’est sous son mandat que le meeting de printemps de plat est purement et simplement supprimé. Alain du Breil prendra la suite en 1983 (Président «des Steeple» de 1978 à 1987) suivi du marquis Max de Ginestet-Puivert en 1987. Il aura occupé ce poste pendant une vingtaine d’années avant de passer la main, en mai 2000, à Jean-Louis Foursans-Bourdette.
 
L’actuel directeur de l’hippodrome, Jean Brouqueyre, avait succédé à François Galibert, en poste de 1981 à février 2014, reconnaissable, souvenez-vous, à son nœud « pap ». Il avait pris les rênes en remplacement de Jean-Paul Hugonnet (décédé en janvier 2011 à 82 ans) qui avait été également juge à l’arrivée. Le 29 décembre, un steeple-chase lui est dédié.
 
 
 
Jean Brouqueyre, actuel Directeur de la Société des Courses de Pau (© Robert Polin)
 
 
 
La consécration de l’élevage béarnais
 
Le premier clin d’œil va à l’élevage béarnais qui est honoré le 6 janvier par le Prix Pierre Estrem-Rey, un éleveur installé au Haras de Lescar (aux portes de Pau) dans les années 60. Il est entré, par la grande porte, dans les annales de la Grande Course de Haies d’Auteuil. En effet, il restera comme étant l’éleveur des trois premiers : Ketch, Pansa et son propre frère cadet, Sapin. De surcroit, ils avaient tous les trois, le même père et le même grand-père maternel, Samaritain et Micipsa (un ancien Boussac), deux fonctionnaires en station au Haras national de Gelos-Pau au lendemain de la guerre.
 
 
Notes
 
Cette année, en plat, les trois premiers du Grand Prix de Marseille ont été élevés par un même homme, Guy Pariente tout comme Edmond Blanc et François Dupré en leur temps. A Pau, Claude Pelsy était l’éleveur des cinq premiers d’une course plate courue le 15 décembre 2007.
 
 
 
Le 134ème Grand Prix de Pau - André Labarrère (24 janvier)
 
Depuis la 120ème édition (2007), la Société des Courses honore l’ancien maire de la commune, André Labarrère, un natif de Pau. Il a occupé ce poste de 1971 jusqu’à son décès en mai 2006. L’année suivante, son premier adjoint, Yves Baradat (honoré le 14 janvier) nous quittait également. Conseiller municipal, premier-adjoint, conseiller général, il a été nommé vice-président de la Société des Courses. On lui doit en partie le jumelage de la ville avec Cheltenham, la piste tout temps (inauguré en 2000) avec la complicité du président Max de Ginestet. Grand sportif (champion de France d’athlétisme, recordman du 110 m. haies), il avait été élu à la présidence de la Section Paloise.
 
 
 
André Labarrère, maire de Pau pendant 35 années (© Maxppp - Christian Ribager)
 
 
 
Avant l’arrivée d’André Labarrère aux commandes de la ville, son prédécesseur, Louis Sallenave a œuvré de 1947 à 1971, soit quatre mandats. La société a tenu à l’honorer d’un nom de prix (le 20 décembre).
 
L’édition 1950 du Grand Prix de Pau a été enlevée par un élève de Willy Adèle, Garde Toi, appartenant au marquis Alfonso de Portago, monté par lui-même. Frère de la marquise de Moratalla, c’était un cavalier intrépide qui avait un peu touché à toutes les disciplines sportives telles que la course automobile. La fatalité voulut qu’il soit victime d’un accident mortel au volant d’une Ferrari lors des Milles Mille (Mille Miglia) de Brescia en mai 1957. Gentleman-rider de 1947 à 1953, il avait enlevé, entres autres le Prix des Lions, le Prix de France et avait monté à deux reprises le Grand National (il est honoré le 24 décembre)
 
En 1938, un même propriétaire, en l’occurrence Jean Etchepare, avait placé ses trois élèves aux trois premières places (Beau Luron, entrainé par René Pelat suivi de Frelon, Pesaro). Pour l’anecdote, les trois suivants étaient la propriété d’Emile Marchand.
 
 
Le Grand Steeple et la Grande Course de Haies des 4 ans
 
A Cagnes, ces épreuves ont pour nom, Christian de l’Hermite et André Masséna. A Pau, elles ont pour nom, Antoine de Palaminy (7 février) et Camille Duboscq (5 février).
 
Antoine de Palaminy (décédé en 1943) a été commissaire et vice-président de la Société d’Encouragement des Basses-Pyrénées sous l’ère de Camille Duboscq, aux commandes de 1923 à 1948. Le Prix de Palaminy a pour préparatoire le Prix Jean Bernadotte (Maréchal de France, roi de Suède) (honoré le 17 janvier).
 
 
 
Jean Bernadotte, dit Charles XIV Jean ou Prince Charles Jean de Suède (© Wikipedia)
 
 
De son nom patronymique, Antoine Eimar de Palaminy, marquis de Laloubère, a eu pour gendre Guillaume de Ginestet-Puivert, le père de Max de Ginestet-Puivert.
 
Camille Duboscq était le père de Paul, propriétaire de La Sorellina et de son frère Silnet, qui avaient formé le jumelé gagnant du Prix de l’Arc de Triomphe 1953.
 
 
La Grande Course de Haies de Pau (7 février)
 
Cette Listed rend hommage depuis 2013 à Max de Ginestet, décédé en avril 2012. Charles de Ginestet-Puivert de Palaminy n’est autre que son frère (décédé en 1992) qui a occupé les fonctions de commissaire. Au palmarès de cette épreuve figure un certain El Triunfo (le 24 décembre) (acheté yearling, mort en juin 2014, il a son prix à Pau) vainqueur huit jours plus tard du Grand Prix de Pau et l’année suivante du Grand Steeple-Chase de Paris.
 
 

Les partants de la Grande Course de Haies de Pau 2020
 
 
 
Le Prix Albert de Taillac (17 janvier) est une préparatoire. Son nom rend hommage à un commissaire exerçant sous l’ère de Camille Duboscq.
 
 
Les Quintés palois
 
Nous avons déjà évoqué le souvenir d’Annie Hutton (5 février), celui de Pierre Estrem-Rey (6 janvier), celui d’Auguste de Castelbajac (19 janvier).
 
- Le Prix René Cramail est également une course évènement, le 29 janvier. En plus de détenir toutes les casquettes, celle de propriétaire (casaque cerise), celle d’éleveur, celle de gentleman-rider, René Cramail fut membre du Pau Hunt et du Cercle. Il avait élevé Rhyticère, qui, après s’être sorti des réclamers à 5 ans, s’est imposé dans le Prix La Haye-Jousselin 1928 après avoir dû se contenter, en juin, de la seconde place, à une tête de Maguelonne, dans le Grand Steeple-Chase de Paris. Il sera, en 1931, le seul français à vouloir défier les anglais sur leurs terres, celles d’Aintree. Terminant au pied du podium du Grand National, il restera comme étant la meilleure performance d’un cheval français de l’entre deux-guerres.
 
 
 
The Golden Boy, dernier vainqueur du Prix René Cramail (© Robert Polin)
 
 
- Georges Pastré (également une course évènement le 15 décembre), n’avait pas 30 ans quand il déclare ses couleurs (bouton d’or, puis jaune étoiles bleues) tout comme son frère ainé, Guy (bleue, pois jaunes), vainqueur, comme propriétaire-entraineur, du Grand Prix de Pau 1960. Georges, landais d’adoption, était membre du Syndicat des éleveurs et avait occupé les fonctions de commissaire à Pau.

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