De la Barbade au Derby d'Epsom avec Desert Crown : Sir Michael Stoute, viré de la BBC, devenu crack entraineur

05/06/2022 - Grand Destin
S'il est devenu un entraineur de légende en Angleterre, même anobli par le Reine, Sir Micheal Stoute n'était pas du tout prédestiné à une telle carrière. Ce vainqueur de toutes les plus grandes courses du monde, dont l'Arc de Triomphe avec Workforce en 2010, est ainsi né en 1945 à la Barbade, une ile paradisiaque des Caraïbes, qui appartenait à l'époque à la Couronne. Découvrez le reportage réalisé en 2018 à la Barbade, où la légende locale Chally Jones raconte quelques anecdotes croustillantes sur l'entraîneur vainqueur du Derby d'Epsom 2022 avec Desert Crown. 

 

Son histoire d'amour et de succès avec les courses a commencé à la Barbade. Fils de fonctionnaire de police, Sir Micheal Stoute s'est passionné depuis son plus jeune âge pour les courses locales et a rencontré en culotte courte sur l'hippodrome de Garrison Savannah un certain Challenor dit Chally Jones. Celui-ci allait plus tard dominer la scène hippique de la Barbade pendant plus de 40 ans, tout d'abord en tant que jockey, onze fois vainqueur du Barbados Derby, puis entraineur multiple tête de liste, et encore aujourd'hui en tant qu'éleveur. Rencontré sur place, dans sa ferme non loin de la capitale Georgetown, Chally Jones raconte comment son ami d'enfance s'est construit un destin à cause, et finalement grâce, à un défaut de prononciation puis à la pingrerie de son 1er employeur.

 


Chally Jones, ami d'enfance de Sir Micheal Stoute, lui aussi une légende vivante des courses...mais à la Barbade.
 


Sir Michael Stoute commence en fait comme commentateur des courses locales, dans une île qui a été pendant longtemps et encore aujourd'hui le paradis des anglais dans les Caraïbes. Les courses y ont commencé avec les marchands, qui amenaient leurs chevaux sur place et les faisaient concourir entre eux. Puis le Jockey Club local a été créé en 1905. L'hippodrome, au bord de la côte sud, s'appelle Garrison Savannah. C'est là où a lieu la fameuse Barbados Gold Cup: C'est un petit champ de courses à l'ancienne sur 1300 m de tour avec une grosse ambiance. Il y a aussi un centre d'entrainement sur place. En 1908, les courses à la Barbade révolutionnaient déjà le monde hippique, avec la première grande tribune construite de l'histoire sur un hippodrome. 

 

 

Sir Micheal Stoute y a donc connu Chally Jones, une légende locale qui a fait une grande carrière de jockey dans les Caraibes. Il est l'un des deux seuls jockeys de l'histoire à avoir gagné plus de 1000 courses dans l'archipel, avant de s'imposer comme le meilleur entraineur du pays jusqu'à sa retraite. Jones a fait gagner sa 1ère Barbados Gold Cup à la "French Connexion" en 1990 avec le "FR" Vardar, appartenant au français Jean-Louis Beuzelin, le père du jockey Louis-Philippe Beuzelin. Notons que Vardar, fils de Nice Havrais, reste le seul cheval de l'histoire à avoir gagné cette course à 3 ans

 

CChally Jones (à droite) triomphe dans la Barabados Gold Cup 1997 avec Incitatus, qu'il a élevé lui-même, et qui devient le tout 1e cheval élevé aux Caraïbes à remporter cette épreuve, avant de gagner un Gr.2 au Canada. Il était monté par le jeune Patrick Husbands, futur crack jockey en Amérique du Nord.

 

Chally Jones a légué son talent de cavalier à son fils Jonathan, dit "Jono", qui a aussi fait carrière au Canada où il a remporté plusieurs Gr.1 dont le Queen's Plate. Puis la main a été passée à son fils Slade Jones, qui a fait ses débuts sur les pistes l'an dernier. Chally Jones a aussi élevé des vainqueurs du Derby de la Barbade. Il a même donné naissance au crack local Incitatus, le tout 1er cheval dit créole, c'est à dire né et élevé dans les Caraïbes, à avoir remporté la Barbados Gold Cup, en 1997. Exporté au Canada, ce fils de Nosferatu, chef de race de l'élevage de la Barbade, fut le 1er cheval des Caraïbes à remporter un black-type en Amérique du Nord, en l'occurrence la Connaught Cup (Gr.2). 

 


 

 

Michael Stoute est lui parti à 19 ans en Angleterre. Passionné de courses depuis son plus jeune âge, il devient commentateur à la radio locale. mais alors qu'il tente sa chance à la BBC à Londres, la grande chaîne reçoit des plaintes des auditeurs qui ne le comprenait pas avec son accent. Viré ! Son père, commissaire de police à Georgetown, connaissant de nombreux entraineurs locaux ayant des amis en Angleterre, lui trouve à distance un job chez le crack entraîneur Pat Rohan, afin qu'il puisse survivre. Doué, le jeune Michael se fait embaucher ensuite comme assistant entraineur chez Doug Smith.

 


Doug Smith, ancien jockey devenu entraineur, ici avec Lester Piggott

 

Ce dernier avait 2 écuries et confie à Stoute la responsabilité d'une cour où est logée une certaine pouliche presque blanche nommée Sleeping Partner. Celle-ci remporte les Oaks d'Epsom en 1969. Mais alors qu'il s'attend à une belle récompense, Stoute ne reçoit de la part de Smith qu'une prime de... 5 pounds ! Vexé, il décide, à 24 ans, de se lancer à son compte. Stoute devient vite un entraîneur de génie, qui a gagné toutes les plus grandes courses, et notamment les classiques comme le Derby d'Epsom. Il remporte son premier titre dans la course avec le légendaire Shergar, avant de rééditer au fil des années avec les Shahrastani, Kris Kin, North Light et Workforce, qui lui permettra de gagner l'Arc en 2010. 

 

Sir Micheal Stoute et le jockey Richard Kinscote avec Desert Crown, le gagnant du Derby d'Epsom.

 

Cette année, Sir Michael Stoute a épinglé son 6e Derby grâce à Desert Crown. Gagnant de son maiden à 2 ans pour ses débuts, il a fait une rentrée très attendue dans les Dante Stakes (Gr.2), qu'il a remportés en rigolant. Le fils de Nathaniel porte la casaque de Saeed Suhail, fidèle client de Sir Michael, avec qui il a gagné le Derby grâce à Kris Kin. Desert Crown ne disputait que sa 3e course samedi, mais Sir Michael avait réalisé pareil exploit avec Workforce, qui avait conclu 2e des Dante. Il avait fait le doublé Dante/Derby avec North Light, qui avait gagné à Epsom avec seulement 3 courses au compteur... Rien n'est donc impossible pour Sir Michael Stoute, d'une tendre enfance de commentateur radio à la Barbade, jusqu'aux plus grandes gloires hippiques... et une de plus samedi à Epsom. 

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