Les cerclés chocolat et blanc de Gerry Oldham : la fin d'un élevage sexagénaire

09/11/2013 - Grand Destin
 Décédé en mars dernier à Genève, Gerald-Anthony Oldham, communément appelé Gerry, avait monté un élevage en Irlande dans les années 50 sous l’entité, Citadel Stud Establishment. Ectot, le gagnant du Critérium International, descend de l’une de ses premières acquisitions, une certaine Primula (appelée également Primula III).

Gerry Oldham avec sa championne Lacovia, aux côtés de François Boutin et Freddy Head après son succès dans le Prix de Diane 1986.

 

La Dispersal chez Goffs en novembre

Après avoir vendu les yearlings en octobre, Goffs propose en novembre, les poulinières et foals restants de la succession de Gerry Oldham. Parmi ces lots, présentés par Kildaragh Stud et Knocktoran Stud, figurent des femelles bien connues en France, Albisola et sa soeur Bufera, Sovana et sa fille Topeka. Comme Ectot, elles proviennent toutes les trois des achats effectués, il y a presque 60 ans.

 
Un anglais expatrié en Suisse
 
Gerry Oldham était un haut financier international résidant à Genève. Né en octobre 1925, pas très loin de Londres, il s’était marié à Carolyn Jane Hunter (17 ans plus jeune, divorcée de son premier mari, Christopher Richard Glyn, 7e baron Wolverton). Etudiant à Eton et à Cambridge, il avait servi son pays pendant 4 ans au 2e Régiment d’infanterie, les Coldstream Guards (par opposition au régiment de cavalerie, les Horses Guards). A la sortie de la guerre, Gerry se passionne pour les courses de chevaux.
 

 

 
Retour sur les premiers achats, des origines Boussac.

Dès son plus jeune âge donc, Gerry demande conseil à un tout nouveau courtier, Peter Wragg, qui, avec l’aide de son père Harry, achète ce qui deviendra la base de l’élevage de Citadel Stud (dans le Comté deLimerick). Les premières acquisitions seront des poulains yearlings :
 





 
  • Lucero (1953 Solonaway et Cuguan) donnera à son propriétaire son premier classique, les Irish 2000 Guinées suivi à 4 ans des Sussex Stakes. Il était monté par le gendre d’Harry Wragg, «Manny» Mercer.
     
  • Talgo (1953 Krakatao et Miss France), payé 1.350 Guinées irlandaises chez Goffs (déjà à l’époque).
     
  • Fidalgo (1956 Arctic Star), le frère de Talgo, acheté 3 ans plus tard sur le même ring. Ils sont issus d’une famille Boussac, celle de Zariba et de sa remarquable progéniture dont Corrida et Coaraze.
     
  • Espresso (1958 Acropolis et Babylon), vainqueur du Grosser Preis von Baden par 2 fois à 5 et 6 ans (1963 et 1964), il deviendra un étalon très utile pour l’élevage Oldham. Il est le père entre autres de Sagaro et le grand-père de Mondrian.
     
  • Miralgo (1959 Aureole et Nella) est élu meilleur 2 ans en Angleterre après sa victoire dans la première édition de ce qui deviendra le Racing Post Trophy. Il s’octroie également à 4 ans la 2e place des King George VI (de Ragusa) et des Eclipse St. et la 3e du Saint-Leger à 3 ans. Sa mère donnera naissance, quelques années après, à Parnell.
 
Entraînés par Harry Wragg, Talgo et Fidalgo s’imposeront tous les deux dans l’Irish Derby, Le premier de 6 longueurs, monté par Manny (Emmanuel) Mercer, le second associé à son frère Joe Mercer. Talgo finira l’année par une 4e place dans le St Leger (du français Cambremer) et par une seconde place dans l’Arc de Triomphe (à 100/1 !!!) à distance du 4 ans, Ribot.  Fidalgo venait de subir la loi de Parthia dans le Derby anglais et terminera l’année par une 2e place dans le St Leger de Doncaster.
 
 
Harry Wragg, ancien crack jockey, aura été l'unique entraineur de Gerry Oldham Outre-Manche, et le père de son courtier Peter Wragg. Ici, Harry Oldam après son succès dans le Grand Prix de Baden-Baden 1965 avec Esspresso, sous la selle de William Williamson.
 
 
Salvo, l'américain, dauphin de l'Arc

Quelques années après ses 3 premiers classiques, le premier achat américain intervient avec l’acquisition de Salvo (né aux USA en 1963 de Right Royal) pour $ 9.500 aux ventes de Saratoga (il était vendu dans le cadre d’une dissolution d’association entre John Galbreath et Winston Guest). Son point d’orgue sera sa seconde place dans le Prix de l’Arc de Triomphe 1967 dans lequel il termine à une encolure de Topyo. Il venait également de subir la loi de Busted dans les King George VI and Queen Elizabeth (dans lequel un certain Bon Mot terminait au pied du podium). L’année précédente, il avait dû s’incliner face au russe Anilin dans le Preis von Europa (tout en dominant Carvin). Sa grand-mère, Maenza, n’est autre que le mère de Molvedo.

 

Notes

  • Miss France, née en France en 1946 d’un étalon Boussac, Jock, avait été élevée par Roger Brethès, alors en fin de carrière de jockey (et quelle carrière !). Inédite, comme beaucoup de Boussac, elle était inbred sur Astérus (2x3) et sa mère, Nafah sur Zariba (2x3). Un vrai pedigree Boussac.
     
  • Harry Wragg (1902-1985) a débuté la carrière d’entraineur en 1947 à Abington Place à Newmarket après 27 ans de métier de jockey, l’un du top 10 du siècle dernier. Il était le père de Peter Wragg (décédé en 2004 à 76 ans, il avait été aussi le conseiller de Ballymacoll Stud Farm, Sobell, Weinstock), de Geoff (qui prendra sa suite à Newmarket) et de Susan (qui épousera le frère de Joe Mercer). Peter était courtier depuis 1949 et Gerry Oldham fut l’un de ses premiers clients.
     
  • Emmanuel (dit Manny) Mercer, le frère aîné de Joe, se tuera en course à Ascot, le 26 septembre 1959 en selle sur un cheval de son beau-père, Harry Wragg. Marié à Susan, ils avaient eu une fille, Carolyn, qui a épousé Pat Eddery.
     
  • Les couleurs de Gerry Oldham étaient connues dans le monde entier : cerclée marron (chocolat pour certains) et blanc.
     
  • Marcel Boussac n’avait acheté que 12 yearlings à Deauville entre 1919 et 1925 mais deux seront à la base de son élevage, Zariba (née en 1919) et Astérus (né en 1923), tous deux élevés par le baron Maurice de Rothschild.
     
  • Très demandé et apprécié, Roger Brethès avait été l’un des premiers jockeys à négocier des contrats de montes juteux et des pourcentages au-delà de ce qui se pratiquait habituellement. Roger Brethès avait achetée la grand-mère de Talgo et Fidalgo, Nafah, pleine de Jock, à la fin de la guerre. Le foal, qui s’appellera donc Miss France, sera vendue yearling outre-manche.

 


A l'arrivée du Prix Lupin 1970, Stintino domine Dragoon, Sassafras (à la corde), Caro et Magic Hope. (Photo Bertrand)

 
 
Les premiers achats de pouliches
 
Les premiers achats ont été des mâles, mais il n’aura pas fallu longtemps pour que son courtier lui déniche quelques femelles qui seront les « broodmares foundation ».
 
  • Cynara (née en 1958 de Grey Sovereign et de Ladycroft, élevée par Mme Lionel Corbett). Achetée yearling, elle est gagnante des Queen Mary St., des Molecomb St. et se classera seconde des Nunthorpe St. pour l’entrainement d’Harry Wragg. Elle donnera naissance en 1967 à Stintino (Sheshoon) (Prix Lupin, Critérium de St-Cloud, 2e Coronation Cup, 3e Derby St., Prix Ganay, d’Ispahan, 4e King George VI…et l’entrainement de François Boutin), en 1969 à Ormindo (Right Royal) (Ormonde St., Chester Vase) et en 1972 à Cyriana (Salvo) la future mère de Zino (2000 Guinées, Critérium de Maisons-Laffitte, 2e Prix de la Salamandre, 3e Prix Jacques Le Marois).
     
  • Plaza (née en 1958 de Persian Gulf) aurait été achetée 2.400 Guinées. Elle s’impose à deux reprises à 3 ans dont une Listed à Kempton et se classe 4e des Lancashire Oaks. Elle donnera naissance en 1966 à Intermezzo (Hornbeam) (St Leger, 2e Observer Gold Cup –Racing Post Trophy puis étalon) et en 1969 à Sardara (qui une fois vendue donnera naissance à un fils de Realm en 1979, Dara Monarch, vainqueur des Irish 2000 Guinées puis étalon).
     
  • Grischuna est née en 1959 de Ratification et de Mountain Path, élevée par A.W. McIntyre. Demi-soeur deSovereign Path, elle s’imposera dans une Listed à Newbury et se classera 3e des Princess Elizabeth St. (Gr.3). Au haras, on lui doit, Tarona, Zambara, Chicago (voir chapitre ci-après).
     
  • Romantica (née en 1959 de Never Say Die et Vertige, élevée par le Major G.L. Hastings). Sa mère est sœur de Sayani et My Babu. Romantica est gagnante des Princess Royal St., des Ormonde St., 2e Falmouth St., 3e Park Hill St. Elle est la mère, entre autres, d’Ileana (Abernant) (Falmouth St., 4e 1000 Guinées) qui donnera naissance à Antrona (Royal Palace) (Prix de Malleret, d’Aumale, de Psyché, 3e Prix Saint-Alary, 4e Prix de Diane, 1000 Guinées) et à Terreno (Vaguely Noble) (Gran Premio di Milano, Grand Prix de Vichy, La Coupe, 3e Grosser Preis von Berlin, GP di Milano, puis étalon en Nouvelle-Zélande). Quelques produits féminins d’Antrona ont été vendues et quelques unes donneront du black-type comme First Island, Caudillo, Chiron. Troisième du Prix d’Automne (L.), Stresa, l’une des filles d’Ileana, a également été vendue. Elle donnera Mill Native, Sporades, American Stress et French Stress pour l’élevage du Mézeray.
     
  • Primula (née en 1960 de Nearula et de Priceless). Sa mère est la sœur de Social Gulf qui sera, quelques années plus tard, à l’origine de la naissance de Linamix. Primula est lauréate de 6 courses en Italie dont les Premio Besnate et Federico Tesio). Acheté à l’issue de sa carrière de courses par Peter Wragg, elle deviendra la jument base de son élevage surtout par sa fille Caprera.

 

Mackla (Freddy Head), future grand-mère de Marotta, lauréate du Prix d'Aumale 1989 pour les couleurs de Madame Oldham (toque rayée blanc et marron)

 
Puis viendront ensuite quelques autres achats de pouliches :
 
  • Heavenly Form (née en 1971 de Reform, élevée par N.J.W. Barttelot) s’est imposée à 3 reprises à 2 ans et sera achetée à l’issue de sa carrière effectuée chez Peter Walwyn. Elle deviendra la mère de Suvero, son second produit par Habitat (Prix Eclipse 1979 puis étalon). Sa propre sœur, Carmelina s’imposera dans le Prix La Camargo 1984.
     
  • Delmora (née en 1972 de Sir Gaylord), achetée foal à Keeneland pour $ 32.000 à son éleveur Cragwood Stables (la succession de Charles W. Engelhard, décédé en 1971). Elle s’imposera dans les Prix de la Salamandre, du Moulin de Longchamp et terminera seconde des Cheveley Park St. (devant Rose Bowl) et 3e du Prix Jacques Le Marois. Elle deviendra la mère de Corvaro (Prix Eugène Adam, de Condé, Saint-Roman puis étalon), son seul black-type.
     
  • Lacovia (née dans le Kentucky en 1983, de Majestic Light et de Hope For All, élevée par Bedford Farm et Skymarc Farm). Nièce de Miswaki (déjà vainqueur du Prix de la Salamandre et second du Prix Morny), Lacovia est achetée yearling en juillet à Keeneland par François Boutin pour $ 225.000. Une acquisition qui lui permettra d’enlever son seul Prix de Diane, une victoire qui faisait suite à celle du Prix Saint-Alary. A l’automne, elle doit s’incliner face à une certaine Darara et à Reloy dans le Prix Vermeille. Saillie par Barathea en 1997, le yearling est présenté aux ventes de Tattersalls et trouvera preneur en la personne de John Ferguson pour 230.000 Guinées. Le produit, Tobougg, s’imposera dans la dernière édition du Prix de la Salamandre et confirmera ensuite dans les Dewhurst St. A 3 ans, il subit la loi de Galileo et de Golan dans le Derby d’Epsom. Lacovia a également donné naissance à quelques black-type comme Otavalo, Lambada, Pescia.
     

Sagaro, petit-fils de Grischuna

 

Grischuna (née en 1959) a donné naissance à son premier produit en 1964, un fils de Fidalgo (étalon maison, acheté yearling) nommé Chicago. Entrainé par Harry Wragg, il est lauréat du Premio Roma (Gr.1) du Gran Premio del Jockey Club et se classe second du Grosser Preis von Baden pour ne parler que des Gr.1. Il sera ensuite étalon en Afrique du Sud, entre autres.

 
Deux ans plus tard, naîtra Zambara (Mossborough), une des meilleures reproductrices de Citadel Stud. Son premier produit, né en 1971, n’est autre que Sagaro (par l’étalon maison Espresso, un achat également). Il figure au palmarès de la Gold Cup d’Ascot à trois reprises (monté à chaque fois par Lester Piggott), ce qui faisait de lui un recordman jusqu’à l’arrivée de Yeats. Outre la Gold Cup, il avait gagné le Grand Prix de Paris (sur 3.100 m.) et le Prix du Cadran. Il était entrainé par François Boutin.
 
 
 

Sagaro, restera jusqu'à l'éclosion de Yeats le seul triple vainqueur de la Gold Gup d'Ascot,
monté par Lester Piggott et entrainé en France par François Boutin. (photo APRH)

 
Puis viendront Scorpio (Gran Premio del Jockey Club) et surtout Mariella (Premio Roma et 3e mère de Marotta, qui, une fois vendue yearling, s’imposera dans le Prix Saint-Alary). Le dernier produit de Grischuna est une pouliche née en 1975 de Karabas nommée Tarona. Ellea été élue meilleure pouliche de sa génération à 2 ans après son succès dans le Critérium des Pouliches qui faisait suite à des débuts victorieux dans le Prix de Toutevoie. Malheureusement, elle n’a pas pu succéder à sa mère étant décédée de coliques durant l’hiver suivant.
 
 
Notes

Karabas, le père de Tarona, s’est imposé, comme son père Worden, dans le Washington D.C. 1969 après ses succès anglais et français (Prix du Conseil Municipal, La Coupe de Maisons) sous la coupe de Bernard van Cutsem. Tarona a été le meilleur produit de Karabas en Europe. Celui-ci a effectué un début de carrière d’étalon outre-manche puis a été exporté au Brésil.

 
Ectot, un descendant de Primula


Acheté à l’issue de sa carrière de courses par Peter Wragg, elle deviendra la jument base de
son élevage surtout par sa fille Caprera qui donnera naissance aux poulains Pevero et Romildo et aux pouliches Starina (d’où Perugina, Sovana et sa fille Topeka), Maresca (d’où Muroto), Mahalia (d’où Albisola, Bufera et Tonnera, la mère de Most Improved et le dernier black-type Ectot).
 
Tonnera devrait donner naissance à un produit d’Invincible Spirit au printemps prochain, donc un propre frère ou sœur du foal de cette année. Son demi-frère, Most Improved (Lawman), est attendu en Irlande pour de nouvelles aventures, celles de reproducteur.
 
Notes :
 
Gerald-Anthony Oldham, aura fait confiance, tout au long de sa vie hippique à deux entraineurs principaux : Harry Wragg en Angleterre et François Boutin en France. A la mort de ce dernier
(janvier 1995), la majorité de l’effectif a été transféré chez Mme Christiane Head et quelques uns, ces dernières années chez Robert Collet. Les juments black-type restantes (Albisola, Topeka, Bufera, Sovana) et leurs progénitures seront mises en ventes par la succession au cours de ce mois de novembre en Irlande. (Yves Lebon et Richard Gibson ont eu un ou deux chevaux à l’entraînement dont Tonnara, la mère d’Ectot)
 
Il y a une soixantaine d’années, Gerry montait un élevage qui prendra fin en cette année 2013.
 

Romildo (Cash Asmussen) a porté haut la célèbre casaque de Gerry Oldham

 

 

 

 

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