Epiphaneia, le fou nippon de Christophe Soumillon

17/04/2020 - Zoom Etalon
Champion réputé complètement fou au caractère aussi obscur que sa robe toute noire, Epiphaneia avait apporté à Christophe Soumillon une revanche éclatante dans la Japan Cup 2014. Devenu étalon, il vient de sortir dès sa 1e génération la gagnante des 1000 Guinées nipponnes, Daring Tact. 

 

 

Le dimanche 12 avril, s'est disputé le premier de tous les classiques d'un grand pays d'élevage de l'hémisphère nord, les 1000 Guinées du Japon à Hanshin, qui a vu le succès d'une pouliche invaincue nommée Daring Tact. Revenant de l'arrière-garde, cette pouliche qui ne dépend pas du tout de la constellation Yoshida, puisqu'elle a été élevée par Hasegawa Bokujo et défend la casaque de Normandy Thoroughbred Racing Co Ltd, a déposé la favorite Resistencia à 150 m du poteau pour filer vers un facile succès. Fait rare au Japon, elle ne descend pas en lignée mâle de Sunday Silence, puisque son père Epiphaneia est un fils de Symboli Kris S, lui-même issu de l'américain Kris S. Elle a même offert à son auteur un démarrage en fanfare puisqu'elle est issue de sa 1e génération de 3 ans.

 


Daring Tact remporte les 1000 Guinées à huis clos, devant des tribunes complètement vides, une image incroyable au Japon.



Son fameux père, Epiphaneia, a laissé une trace indélébile dans la mémoire du crack jockey Christophe Soumillon. En effet, ce champion réputé très difficile lui a permis de remporter la Japan Cup en 2014 dans des circonstances tout à fait improbables. En effet, à cette époque, Christophe Soumillon avait abandonné l'idée de remporter cette grande épreuve. Les commissaires l'avaient très sévèrement rétrogradé de succès en 2010 avec Buena Vista et il n'était plus vraiment en odeur de sainteté au pays du Soleil-Levant, célèbre pour un esprit de soumission qui ne convient pas vraiment à la nature rebelle du crack jockey.

 


Epiphaneia, avec Christophe Soumillon à la sortie du rond. L'ambiance était un peu crispée jusqu'à ce qu'un supporter l'encourage bruyamment, brisant le silence ambiant, et réchauffant l'atmosphère.



Mais comme il est cravache d'or en tître, il est invité de fait au championnat international des jockeys organisé par la JRA le samedi, veille de la Japan Cup, sur le même hippodrome de Tokyo. Or, si la licence provisoire de monter n'est pas facile à obtenir, même dans cette condition particulière, elle offre cependant la possibilité de participer à toutes les courses du week-end. C'est ainsi que Katsumi Sumii, l'entraineur d'Epiphaneia, mécontent de la monte du jockey habituel Yuichi Fukanaga à l'occasion du Tenno Sho dont il a conclu 6e, décide de tenter le pari Soumillon, puisqu'il est présent et disponible, dans la Japan Cup. Soumillon commence la journée par une mise à pied pour non respect du poids... Mais dans le rond de présentation, qui se déroule comme toujours dans un silence absolu, un fan crie soudain "bienvenue Soumillon" en japonais, ce qui ne manque de provoquer un grand éclat de rire dans l'assemblée pourtant tendue, y compris pour le pilote lui-même qui entre en piste en souriant.

 


Christophe Soumillon triomphe dans la Japan Cup 2014 en selle sur Epiphaneia (photo JC Briens)



Invaincu en 3 sorties à 2 ans, Epiphaneia fut l'un des meilleurs 3 ans de sa génération. Dauphin de Logotype dans la Satsuki Sho (2000 Guinées) puis encore 2e de Kizuna dans la Yushun (Derby), il a remporté aisément le Kikuka Sho (St Leger) sur 3000 m à l'automne sous la casaque classique de U Carrot Farm.

A 4 ans en 2014, le très obscur Epiphaneia n'a pas encore vraiment brillé quand il se présente au départ de la Japan Cup en tant qu'outsider, tandis que la favorite est la double tenante du titre Gentildonna qui tente une passe de 3 inédite. L'entraineur demande au jockey de partir sagement en 6 ou 7e position. Mais Epiphaniea bondit hors des stalles et Christophe Soumillon l'installe dans une position idéale derrière le leader qui mène grand train. Le reste de la course se passe comme dans un rêve. Epiphaneia galope librement et sereinement pour une fois. Soumillon a tout son temps pour déboiter, accélérer et filer au poteau qu'il rallie avec 4 longueurs d'avance. C'est un triomphe extraordinaire en ce jour de grâce, le 30 novembre 2014, devant une foule de 100 186 personnes ! Soumillon rejoint au palmarès Alain Lequeux, vainqueur de l'édition inaugurale en 1987 en selle sur Le Glorieux (Robert Collet), Olivier Peslier avec Jungle Pocket en 2001 et Zenno Rob Roy en 2004, Christophe Lemaire avec Vodka en 2009 et plus récemment Almond Eye en 2018. A noter que les chevaux japonais ont remporté toutes les éditions de la Japan Cup depuis 2006, le dernier vainqueur étranger étant l'anglais Alkaased en 2005 avec Frankie Dettori.

 

 

A 5 ans, Epiphaneia échoue dans la Dubaï World Cup, puis est victime d'un claquage au suspenseur. Il entre étalon à la station de Shadaï Farm qui rassemble les étalons des 2 frères Yoshida, Teruya et Katsumi (Northern Farm), ce dernier étant l'éleveur du cheval. Il y fait la monte aujourd'hui pour l'équivalent de 43.000 euros.

Epiphaneia est merveilleusement bien né, fils de la championne Cesario, lauréate des Japanese Oaks (Gr.1) puis des American Invitational Oaks (Gr.1) à Hollywood Park aux Etats-Unis. Descendante de Pia, lauréate des Oaks d'Epsom en 1967, elle est de la même famille que Chief Singer ou Pleasantly Perfect. Fille de Special Week, lui-même gagnant de la Japan Cup, elle a par ailleurs produit Leontes (King Kamehameha), gagnant de Gr.1 à 2 ans, et aussi Saturnalia (Lord Kanaloa), lauréat des 2000 Guinées japonaises !

 

 

Le père Symboli Kris S est un cas à part. Acheté yearling aux Etats-Unis, ce fils de Kris S fut un crack au Japon, double vainqueur entre autre de l'Arima Kinen. En revanche, il fut assez décevant au haras. Entré en grande pompe à Shadaï en 2004 après sa syndication pour 15 millions de dollars, il n'a finalement produit que 4 gagnants de Gr.1 et a du être relocalisé à la Breeders Stallion Station en 2016 avant d'être mis à la retraite en 2019, à 20 ans.

Notons que si Sunday Silence est absent de la ligne mâle de Daring tact, il est quand même présent 2 fois dans le pédigrée, en tant qu'auteur de Special Week (père de mère d'Epiphaneia) et père de la grand-mère de la jeune championne.
 

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