Gun Runner, l'étalon record : un atypique destin familial toujours proche des sommets
Gun Runner, une nouvelle star des étalons aux USA au destin familial extraordinaire
Être le cheval de l'année aux Etats-Unis est déjà une assurance de rentrer un peu dans l'histoire, car on retrouve son nom inscrit sur une liste des plus prestigieuses courses, avec des compétiteurs qui ont marqué leur temps. Cependant, si être un champion en piste est une chose, construire son héritage et son influence pour les années à venir est une autre paire de manches, que tout cheval de l'année n'a pas toujours réussi à faire. En cela, Gun Runner est une complète réussite. Le cheval de l'année 2017 aux Etats-Unis, que l'on a suivi de très près car il était associé au français Florent Géroux, est en train de devenir une star des étalons alors qu'il n'a eu que ses premiers 2 ans en piste en 2021... et pourtant ! L'occasion avec ce passage à la nouvelle année de se pencher sur un destin familial atypique, mais toujours proche des sommets.
Bon dès son plus jeune âge, Gun Runner a terminé 3e du Kentucky Derby (Gr.1) à 3 ans, et collectionné les places dans les plus belles courses à cet âge, avant de décrocher son 1er Gr.1 dans le Clark Handicap en novembre de cette même année. 2e de la Dubai World Cup derrière Arrogate à l'orée de son année de 4 ans, il n'a ensuite plus connu la défaite en 5 sorties, alignant 4 Gr.1 dont la Breeders' Cup Classic pour Steve Asmussen. Alors annoncé en grande pompe au Haras, il s'est retiré à Three Chimneys Farm dans le Kentucky après avoir gagné la richissimme Pegasus World Cup en janvier de ses 5 ans, concluant sa carrière avec plus de 16M $ de gains et un titre de cheval de l'année 2017.
Gun Runner et Florent Géroux devant la foule en délire
Et s'il a dû attendre un peu avant de marquer l'histoire en piste, il l'a fait immédiatement au Haras. Déjà très en vogue aux ventes, sa première génération de 2 ans s'est révélée exceptionnelle, avec 30 vainqueurs dont 6 black-types et 2 vainqueurs de Gr.1. Entraîné comme son père par Steve Asmussen, l'invaincue Echo Zulu a été le joyau de cette première fournée, en remportant 3 Gr.1 dont la Breeders' Cup Juvenile. Gun Runner a ainsi établi le record de gains pour un étalon de première production avec plus de 4M $ amassés par sa jeune garde. Sacré meilleur "first crop sire" haut la main, il est également le meilleur père de 2 ans aux Etats-Unis en 2021 devant les "vieux", et a battu le record de 2015 de Uncle Mo, qui avait lui-même détrôné le légendaire Tapit. Gun Runner est donc déjà une superstar, qui va trôner à 125 000 $ la saillie cette année, et saillir ce qui se fait de mieux, notamment la crack Beholder.
L'invaincue Echo Zulu, joyau de la première génération de Gun Runner
L'alezan poursuit ainsi un destin familial qui sort des sentiers battus, mais qui a toujours côtoyé les sommets. Son père déjà, Candy Ride, est un cas d'école. Né en Argentine, il n'avait débuté qu'à 3 ans après s'être fait un nom dans des courses de pays sur de très courtes distances à 2 ans. Invaincu à 3 ans et champion du mile argentin, il avait été acheté par des propriétaires américains pour poursuivre sa carrière là-bas. Il était resté invaincu, en remportant notamment le Pacific Classic (Gr.1) devant Medaglia d'Oro. Comme il était né en Argentine, son entourage devait débourser 800 000 $ pour participer à la Breeders' Cup Classic, et avait décidé d'attendre un an en laissant un peu de repos au cheval. Mais malheureusement, des petits pépins de santé ont fait rentrer Candy Ride directement au Haras, au tarif de 10 000 $. Si il n'était pas rare de voir des chevaux argentins réussir en piste aux Etats-Unis, c'était une autre affaire au Haras. Mais Candy Ride s'est révélé excellent, et est bien installé dans le top 5, ayant fait la monte jusqu'à 100 000 $. Gun Runner est son meilleur produit.
Candy Ride, le père de Gun Runner
La lignée maternelle est elle-même extraordinaire, mais a connu bien des voyages et péripéties. Son éleveur, Benjamin Leon est un ancien joueur de très haut niveau de Softball, devenu un richissime business-man. Passionné de chevaux, il a monté en FloridCe l'un des plus grands élevage de Paso Fino au monde, mais ne s'est intéressé aux courses qu'en 2007. Il a frappé un grand coup en 2011 aux ventes d'élevage de Keeneland, en achetant pour plus de 8M $ la gagnante de Breeders' Cup Royal Delta. Cette même année, il avait acquis pour 3M $ une fille de Giant's Causeway gagnante de Gr.2, Quiet Giant. Cette dernière était fort bien née, et avait été croisée l'année suivante à Candy Ride pour donner son premier produit l'année suivante, un mâle alezan... C'était bien sûr Gun Runner. Le cheval a été acheté ensuite yearling par Three Chimneys Farm en privé en même temps qu'un certain nombre de jeunes chevaux et de juments de Benjamin Leon. S'il devait repasser en vente à 2 ans, Gun Runner a finalement été vendu à moitié à l'amiable à Ron Winchell, dont il a porté la casaque en piste. Ces mêmes couleurs de la famille Winchell avaient été celles d'un certain Tapit, devenu lui aussi une superstar des étalons américains.
Benjamin Leon (Besilu Stables), l'éleveur de Gun Runner après avoir acheté sa mère 3M $ à Keeneland
Gun Runner avait donc été acquis tout jeune par un grand haras du Kentucky qui cherchait une future recrue comme étalon. Il faut dire que Gun Runner a un pedigree en béton armé. Sa mère avait coûté si cher car outre ses belles performances, elle était une soeur de deux gagnants de Gr.1 dont le meilleur cheval de l'année 2005, Saint Liam. Il avait remporté à 3 ans le Clark Handicap, puis le Stephen Foster Handicap, les Woodward Stakes, et la Breeders' Cup Classic à 4 ans... exactement comme Gun Runner ! Son destin au Haras a été moins glorieux, encore que... Saint Liam n'a eu qu'une seule et unique génération, conçue à Lane's End Farm. Il est malheureusement mort des suites d'une grave fracture qu'il s'est fait en glissant à la fin de la saison de sa seule année de monte en 2006... Son unique génération lui a pourtant permis de dévoiler un énorme potentiel comme étalon, puisqu'il a donné de nombreux chevaux de stakes, est devenu un excellent père de mères, et a surtout produit une grande championne, Havre de Grâce. Elle a gagné plusieurs Gr.1 dont les Woodward Stakes comme Saint Liam et Gun Runner, et a été élue elle aussi cheval de l'année aux Etats-Unis en 2011. Elle est d'ailleurs la dernière femelle a avoir été sacrée.
Saint Liam, gagnant de la Breeders' Cup Classic comme son neveu Gun Runner
La souche de Gun Runner est donc exceptionnelle, et soyons un peu chauvins, puisqu'elle provient de France ! La 9e mère de Gun Runner, La Flambée, née en 1912, était en effet une élève du célèbre Edmond Blanc, grand homme des courses qui a un Gr.3 à son nom au printemps sur le mile de Saint-Cloud. La Flambée a été importée aux Etats-Unis en 1919, année durant laquelle sa fille La Rablée avait conclu 2e des American Oaks. La souche de Gun Runner est venue d'une de ses soeurs, Flambette, qui a gagné les American Oaks pour la casaque de William Woodward... dont le nom revient dans les fameuses Woodward Stakes, gagnés par Gun Runner, Saint Liam, et Havre de Grace ! Ce Mr Woodward est une grande figure de l'histoire des courses et de l'élevage américain, qui faisait grandir ses chevaux à Belair Stud.
William Woodward Snr, légende des courses américaines ayant entretenu la famille de Gun Runner
Chairman du Jockey Club américain pendant 20 ans, il a notamment élevé le crack Gallant Fox, deuxième vainqueur de la Triple Couronne de l'histoire. Il est surtout connu pour avoir importé depuis la France un certain Sir Gallahad III, père de Gallant Fox, qui est devenu un étalon à l'influence immense. Sir Galahad avait été le premier étalon "FR" importé aux USA, dans un paquebot aménagé spécialement pour l'occasion. Il avait fait l'objet, ainsi que son fils Gallant Fox, d'un grand portrait écrit par notre regretté Xavier Bougon (relire l'article en cliquant ici).
Sir Gallahad III, un immense étalon aux Etats-Unis, importé par William Woodward entre autres, et présent dans le pedigree de Gun Runner
Ce Sir Gallahad apparaît d'ailleurs dans le pedigree de Gun Runner, puisqu'il est le père de sa 6e mère, la fameuse Gallorette. Celle-ci a aussi une course à son nom, et pour cause, puisqu'elle a accompli une extraordinaire carrière qui lui a permis d'intégrer le Hall Of Fame des courses américaines. Gagnante de plusieurs Gr.1, elle a été dans les 3 premiers de 54 de ses 72 courses, dont 21 victoires ! Une telle longévité est aujourd'hui quasiment inenvisageable pour une jument, puisque l'on privilégie généralement une carrière de poulinière rapidement, sans user trop les ressources de belle dame... Malgré cet adage selon lequel une jument qui a trop couru ne devient pas une bonne reproductrice, Gallorette a tracé une très belle lignée, pour arriver jusqu'à Gun Runner... La nouvelle star des étalons américains poursuit cette tradition d'une famille qui ne fait pas grand chose comme les autres, et qui malgré quelques embûches, évolue toujours proche des sommets.
Aujourd'hui étalon star, Gun Runner honore la mémoire de son illustre famille comme il se doit !
