Doha Dream : le successeur d'une famille qui a marqué l'obstacle européen

Doha Dream, un profil singulier pour l'obstacle à redécouvrir au Haras du Hoguenet en 2022

 Le défunt Khalid Abdullah, qui a monté un empire de l'élevage mondial avec Juddmonte Farms, a eu quelques poulinières miracles. On pense bien sûr à Hasili, mais son destin hippique a également été transformé en septembre 1986 à Tattersalls lorsqu'il a acheté pour 310 000 Gns une certaine Bahamian. Elle était une fille du top étalon Mill Reef, et sa mère Sorbus avait été une placée des Guinées Irlandaises et du St Leger. Elle s'était aussi rendu tristement célèbre pour avoir été disqualifiée de sa victoire dans les Oaks 1978, après avoir bousculé la future lauréate sur tapis vert Fair Salinia. Cette Bahamian, dôtée d'une tenue à toute épreuve, a gagné sa listed, et a été elle aussi distancée d'une victoire de prestige, celle du Prix Chaudenay (Gr.2)...

Bahamian, l'une des juments de base de l'élevage Abdullah, ici montée par Pat Eddery 

 
Un peu plus de 30 ans plus tard, son arrière petit-fils Doha Dream lui a rendu la monnaie de sa pièce en s'imposant dans ce même Prix Chaudenay (Gr.2), étant sacré à l'occasion meilleur stayer de 3 ans en France. Celui-ci est aujourd'hui étalon en France, au Haras du Hoguenet, où il a entamé sa carrière de reproducteur en 2019 sous la bannière d'Al Shaqab Racing. Il faisait alors figure de première, puisque l'une des entités de plat les plus célèbres au monde se penche rarement sur le créneau de l'obstacle, à l'exception de Coolmore. Mais Doha Dream, outre sa carrière de course sur la distance, a bien des atouts pour réussir dans la discipline d'emblée, sans même passer par la case du plat. 

Doha Dream vient dominer le bon Moonshiner dans le prix Chaudenay, sous les couleurs d'Al Shaqab Racing (aprh)

 
Il a déjà un modèle qui le prédestine pour la chose. Puissant bai de 1m67 sans une trace de blanc, son physique ne laisse pas indifférent, tout comme ce tempérament très calme, qui est souvent l'apanage du bon sauteur par excellence, qui doit garder le plus d'énergie possible pour sprinter après la dernière difficulté. Sprinter, Doha Dream a souvent été capable de le faire pour remporter ses titres de gloire. Tardif, il a tout de même montré de la qualité à 2 ans en se classant 2e de Qemah dans un maiden. Rallongé à 3 ans par André Fabre, il a gagné son maiden sur 2200m, puis une course à conditions sur la distance classique. Il a ensuite fait le circuit des grands "derbys" de province, remportant le Derby de L'Ouest (listed) et le prix Frédéric de Lagrange (listed). Assez mature pour revenir parmi l'élite, il a ensuite conclu proche 3e du Prix Niel (Gr.2) à une demi-longueur du champion japonais Makahiki, avant de gagner le Chaudenay (Gr.2) sur 3000m dans un dernier rush final étourdissant. Il a ensuite poursuivi une remarquable carrière sur la distance à 4 et 5 ans, se plaçant 2e de trois courses de groupe dont le Grand Prix de Deauville (Gr.2), à une tête de Tiberian. 

 
Ce fameux Prix Chaudenay a déjà révélé de grands étalons d'obstacle, comme Turgeon, qui l'avait remporté en 1989. Doha Dream, s'il a vengé sa 3e mère Bahamian en le gagnant, est aussi devenu le 3e de sa famille à renverser ce destin après ses oncles Reefscape et Coastal Path. La matrone Bahamian a en effet tracé une lignée exceptionnelle, remplie d'étalons de plan. Des croisements vers la vitesse ont révélé Oasis Dream et Kingman, qui sont 2 références européennes voire mondiales. En restant plus dans la tenue, la proche famille a aussi sorti New Bay, et Beat Hollow. Pilier de Ballylinch Stud, il a été un sire de haut niveau tant en plat qu'en obstacle. Mais les oncles de Doha Dream, à savoir Coastal Path, Reefscape, et bien sûr Martaline, ont fait de cette souche une valeur sûre pour l'obstacle. Les 3 sont pères de gagnants de Gr.1 en obstacle, ce qui est d'autant plus remarquable pour Reefscape qu'il n'a eu qu'un seul produit : l'Unique ! Martaline s'est imposé comme le meilleur père de sauteurs de son temps, et continue de truster le haut des classements avec ses dernières générations. Quant à Coastal Path, il a aussi connu les succès sportifs et commerciaux qui lui étaient destinés, et ce malgré une retraite prématurée. 

Martaline, oncle de Doha Dream, a été le meilleur étalon d'obstacle de son époque, et continue de truster les plus hautes places des classements à titre posthume 

 
Comme ses illustres oncles, Doha Dream présente ce profil de cheval de distance classique, voire plus long, et a suivi quasiment le même programme qu'eux. Ces performeurs de plat ont été d'emblée dirigés vers une production obstacle, pour apporter leur classe de plat à une jumenterie un peu lourde, ce qui est encore plus essentiel chez un sauteur moderne. La famille elle-même a sorti des chevaux de haut niveau sur les obstacles, avec Allmankind, double gagnant de Gr.1. Doha Dream a d'ailleurs 2 frères black-type en obstacle : Ayeth, placé de listed à Auteuil, et Matfog, gagnant du Grand Steeple de Compiègne (Gr.2) en battant Ajas. Sa mère Crystal Reef, qui avait été achetée pleine de Doha Dream à Tattersalls, vient d'ailleurs d'être vendue à Sébastien Desmontils, pleine de Doctor Dino. Elle est par King's Best, lui-même un améliorateur pour la discipline... décidément ! 

Matfog, frère de Doha Dream, et gagnant du Grand Steeple de Compiègne (Gr.2) ainsi que du prix Roger Saint (listed) (aprh)

 
Et bien sûr, Doha Dream tire aussi son moteur et sa puissance naturelle de son père Shamardal, le "génie à grosse tête". Ce champion en piste a vite fait oublier sa tête busquée qu'il transmettait à sa production quand le monde a vu la vitesse à laquelle elle avançait. Père de pères remarquables, il a vraiment marqué l'élevage contemporain durablement. Doha Dream a donc tous les atouts pour réussir à l'obstacle, et a été directement dirigé vers ce registre au Haras du Hoguenet chez Anthony Baudouin, qui stationne déjà un certain Montmartre, un autre exemple de crack de plat reconverti avec succès vers une production de sauteurs. Doha Dream y a sailli de bonnes juments, et s'est illustré d'emblée aux concours de modèles et allures, notamment avec une foal gagnante de section au National du Pin en 2021. Proposé à un tarif de 2000 € en 2022, il mérite donc de rallier les faveurs des éleveurs. Il lui suffirait après tout d'imiter tous ses proches parents pour devenir un étalon qui compte dans le paysage français et européen ! 

Cousine de Milord Thomas par Doha Dream, cette pouliche a gagné sa section de foal au National du Pin 2022, alors présentée par Julie Aubligine