Patriarche de l'obstacle français, Bernard Cyprès s'est éteint à 86 ans

19/11/2018 - Grand Destin
Ce matin du lundi 19 novembre, la Nièvre, le Centre, la France et toute l'Europe de l'obstacle est endeuillée par la mort de Bernard Cyprès à 86 ans à Decize. Fils du fondateur de la race, et père de Michèle, Jacques et Thierry, l'éleveur d'immenses champions comme Nupsala et Ucello II fut l'un des figures les plus marquantes des AQPS lors de l'après-guerre.

 

Et dire qu'après son mariage, sans doute en pensant qu'il allait mener une vie sûre et tranquille, il avait abandonné les chevaux pour travailler dans l'usine de glace de son beau-père. Mais quand on a connu le personnage, même seulement une fois à la retraite comme moi-même, on imagine aisément pourquoi il a rapidement quitté les 4 murs de l'usine pour revenir à ses chers chevaux. Bernard Cyprès, c'était un homme d'action, d'extérieur, de culture et de conviction. Si on n'avait pas peur de ne pas être d'accord avec lui, il valait mieux avoir des arguments en béton pour résister à la déferlante, car il avait des idées fermes et souvent atypiques, pronant par exemple pour ses AQPS les étalons de miler plutôt que classiques, les circuits courts et l'exploitation des juments en plat. Mais également, celui que la famille surnommait affectueusement papy Bernard connaissait sur le bout des doigts ses pedigrees des AQPS et aussi des pur-sang, s'intéressant toujours de près à la discipline.

Dans sa jeunesse, le fils de Pierre Cyprès, le fondateur de la race AQPS, né le 21 janvier 1932, cachait des chevaux pendant la guerre pour éviter qu'ils ne soient réquisitionné par les allemands. Puis il s'est installé comme entraîneur à Moulins pendant quelques années, ayant sa 1ère vedette avec Illusion IV, la future 4ème mère du crack Silviniaco Conti. Après son expérience malheureuse à l'usine et enfin son installation en 1962 sur les terres d'origine de la famille Cyprès, le Domaine du Pont à Montigny-sur-Canne à quelques kilomètres de Cercy-la-Tour dans la Nièvre. Comme son père et ensuite ses enfants, Bernard Cyprès a suscité beaucoup de vocations autour de lui. Ses voisins, tous éleveurs de bovins charollais à la base, avaient de quoi s'intéresser à son activité, a priori étrange, dans les chevaux de courses, et même si le cheval de course n'est pas considéré comme un vrai animal en général dans le monde agricole...

 


Bernard Cyprès avec Ucello II après le Prix La Haye Jousselin en 1992.

 

En effet, aussitôt qu'il a commencé l'élevage, en adoptant des méthodes bien à lui, Bernard Cyprès a récolté de grands succès dans les grandes épreuves de la région parisienne. Pas timide, Bernard Cyprès savait tisser des liens avec les investisseurs, propriétaires et entraîneurs de la Capitale. A son époque, chez les parigots, beaucoup méprisaient les demi-sangs en les surnommant les bêtes à cornes. Mais il valait mieux ne pas le dire en face du grand bonhomme ! Pour résumer son palmarès aux seuls champions, Bernard Cyprès a gagné le 1er Prix Jacques de Vienne avec Tahiti, sa 1ère championne qui a fait briller pour la 1ère fois sa casaque. Il a aussi remporté le 1er Prix de Craon avec Jamaïco II et le dernier Prix du Bourbonnais disputé à Evry avec Fujiyama II. Mais bien sûr c'est à Auteuil que Bernard Cyprès a atteint les sommets, tout d'abord avec Ginetta II et Tivoli, deux lauréats du Prix Montgomery, mais aussi Fire Light, Kinea, Bilbao et bien sûr le crack Ucello II, double vainqueur du Grand Steeple-Chase de Paris sous l'entraînement de François Doumen et aussi gagnant du Prix la Haye Jousselin. Avant cela, Nupsala, l'oncle d'Ucello II déjà entraîné par François Doumen, avait marqué un choc culturel en battant les anglais sur leur terrain de Kempton dans les King George en battant la légende vivante Desert Orchid en 1987.

 


Bernard Cyprès au concours de Decize avec sa fille Michèle et son petit-fils Bertrand.

 

Notamment grâce à ce porte-drapeau, Bernard Cyprès, a décroché 3 titres de meilleur éleveur d'obstacle en France en 1993, 1994 et 1995, accomplissement de sa carrière au moment-même où il passait la main, à plus de 60 ans, à ses enfants. Il a quitté progressivement ses mandats au Syndicat de la Nièvre (dont il fut longtemps président, à l'Union des AQPS du Centre-Est, à l'Association Nationale des AQPS mais aussi à France Galop). Il a quitté le Domaine du Pont en 1994 pour le laisser à son fils cadet Thierry, et s'est installé dans une vaste maison neuve à Cercy-la-Tour, voisine de la station des Haras Nationaux et de la grande maison de sa fille aînée Michèle.

 

Bernard Cyprès aurait pu naître en août sous le signe du Lion tant il en avait les particularités. Démonstratif et généreux, il a beaucoup donné à ses 3 enfants, Michèle l'aînée, Jacques le benjamin et Thierry le cadet, et à ses 8 petits-enfants, dont 7 garçons (Laurent, Bertrand, Thibault, Nicolas, Arthur, Marius et Jules) et une seule fille, Fanny, qu'il a longtemps accueilli pour un déjeuner géant tous les ans 2 jours après Noël. Bon vivant, amateur de chti canon, de côte de boeuf (de charollais !) et de homard sur la côte Atlantique, il distribuait donc les petits pains mais aussi les bons chevaux. Ainsi, il a donné à son fils Thierry, pour l'anniversaire de ses 18 ans, la jument Queensland qui a fait sa fortune. Puis, au fur et à mesure de sa retraite, il a donné Kenna (la mère de Bipolaire) à Jacques et Thierry, Diyala III (d'où Vézelay et les autres) à Michèle, Fortanea (d'où Vroum Vroum Mag) à Jacques. Il a aussi élevé la mère de Sprinter Sacré. Mais la liste est trop longue pour être exhaustive.

Les obsèques auront lieu à 14H00 le jeudi 22 novembre à l'Eglise de Montigny-sur-Canne (58), la commune dont il s'était occupé pendant 30 ans à la mairie, y compris 2 mandats de maire.

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