Au coeur de l'Histoire: comment Claiborne Farm a révolutionné le galop mondial (1/2)

08/02/2019 - Grand Destin
 Chez France Sire, on est fan des grandes épopées qui vous font voyager dans l'histoire des courses. Le premier foal d'Arrogate, champion américain, est né récemment à Stone Farm dans le Kentucky, chez Arthur B. Hancock III. Cet éleveur à succès descend d'une longue lignée de visionnaires, qui a fondé le haras qui a révolutionné l'industrie mondiale des courses à tout jamais : Claiborne Farm. Dans cette première édition d'Au coeur de l'Histoire, nous allons vous raconter en 2 parties l'incroyable saga de la famille Hancock, qui s'étale sur plus d'un siècle. 

 

Ce beau mâle est le premier foal de l'immense Arrogate.

 

Le 25 janvier dernier, le premier foal d'Arrogate est né dans le Kentucky à Stone Farm. Le poulain est un fils de My Dear Venezuela, une placée de Gr.3 vendue 440 000 dollars en novembre 2018 à Keeneland, alors pleine de son tout nouveau fils. Arrogate, meilleur cheval mondial en 2017 et 2018, fut un champion en piste, gagnant la Breeder's Cup Classic, la Dubaï World Cup et la première édition de la Pegasus World Cup. Désormais installé à l'antenne d'élevage américaine de son propriétaire Khalid Abdullah, il est attendu comme le prochain étalon star en Amérique.

 

Arrogate, qui fut un champion en piste, est très attendu au haras.

 

Son premier foal est né à Stone Farm, haras de la ville de Paris, dans le Kentucky. Fondé en 1970 par Arthur B. Hancock, le troisième du nom. Ce haras est une terre de champions, puisqu'il a vu naître des chevaux comme Air Force Blue, un fils de War Front. Ce cheval, acheté 490 000 dollars en septembre 2014 à Keeneland, défendait les intérêts Coolmore et sera sacré champion mondial des deux ans en 2015, après trois impressionnantes victoire de Gr.1. Stone Farm a également élevé le grand Sunday Silence, gagnant de deux étapes de la fameuse Triple Couronne américaine, puis exporté au Japon à Shadai Farm, où il deviendra tête de liste des étalons entre 1995 et 2008. Il est mort en 2002, mais a laissé une empreinte indélébile au pays du Soleil Levant, où son meilleur fils, Deep Impact, suit ses prestigieuses traces. 

Sunday Silence a révolutionné l'élevage japonais.

 

Stone Farm est donc une terre de champions, et cela n'est pas du au hasard. En effet, Arthur Hancock III vient d'une famille qui a révolutionné le galop américain, si ce n'est mondial, tout au long du 20ème siècle. Cette belle histoire commence en 1910, avec le capitaine Richard Hancock, l'arrière grand-père d'Arthur Hancock III. A l'époque, l'ancien militaire élève quelques chevaux sur ses terres en Virginie. Son fils, Arthur Hancock premier du nom, est lui aussi passionné par l'élevage et va commencer son activité dans le Kentucky, sur les terres de sa compagne. L'industrie hippique traverse alors une mauvaise passe aux Etats-Unis, puisque les courses sont rejetées par l'opinion new-yorkaise, qui voit le pari d'un mauvais oeil. Arthur Hancock décide tout de même de garder quelques poulinières, et bien heureusement, les courses reprennent deux ans plus tard. C'est à la même époque que Hancock achète pour 25 000 dollars Celt, son premier étalon. Ce cheval, bien que possédant un pedigree intéressant, est un peu boudé par les éleveurs. Cependant, Arthur Hancock a du flair sur le coup, puisque le cheval sera tête de liste en 1921, et produire plus de 30 gagnants de groupes, 21 élevés par Hancock lui-même. Au début des années 1920, c'est un étalon du même style, avec du papier mais moyen en courses, que la tradition se poursuit dans la famille Hancock. Entre temps, le haras a grandi et a été renommé Claiborne Farm. Fort de son succès grandissant, Arthur Hancock commence à s'associer avec des hommes d'affaires pour investir dans des poulinières, mais aussi dans des chevaux venus d'Europe. C'est cette décision qui va transformer l'histoire de Claiborne Farm à tout jamais. 

 

Arthur Hancock Senior, le fondateur de Claiborne Farm.

 

 


Sir Galahad III, ce nom vous est peut-être inconnu, mais c'est pourtant un cheval qui va marquer un tournant dans les courses américaines. Né en 1920 en France, ce fils de l'étalon Teddy va gagner lors de son année de trois ans la Poule d'Essai des Poulains et le prix Jacques le Marois. Il commence la monte en 1925 dans un certain haras du Bois-Roussel, à Alençon. au bout d'un an, le cheval est vendu 125 000 dollars à un syndicat d'hommes d'affaires américain. Parmi eux, Arthur Hancock Senior, qui voit en ce cheval un potentiel de reproducteur peu répandu aux Etats-Unis. L'avenir va donner raison au fondateur de Claiborne Farm. Tête de liste à 4 reprises aux Etats-Unis, Sir Galahad donnera parmi sa première production américaine, le gagnant de la Triple Couronne 1930, Gallant Fox. Lui-même sera le père de Omaha, gagnant aussi des trois épreuves reines du dirt en 1935. Cet exploit  unique en son genre vous avait été raconté sur France Sire en 2014.

 

Sir Galahad, le premier étalon français de l'histoire des Etats-Unis.

 Fort du succès de Sir Galahad III, Arthur Hancock Sr. achète en 1936 un autre européen nommé Blenheim. Ce gagnant du Derby d'Epsom 1930 faisait alors la monte au Haras de Marly-la-Ville, chez le prince Aga Khan, depuis 1932. En 1936, son fils Mahmoud gagne a son tour l'épreuve reine d'Epsom, ce qui pousse Hancock à débourser 250 000 dollars pour le faire venir à Claiborne. Une fois de plus, le coup d'essai se transforme en coup de maître, puisque Whirlaway, issu de la première génération américaine de Blenheim, gagne la Triple Couronne en 1941. Claiborne Farm s'affirme alors comme une entité puissante, tête de liste des éleveurs à cinq reprises entre 1933 et 1943.

 

Whirlaway pose après sa victoire dans les Belmont Stakes. Il est un des nombreux champions isssu des étalons de Claiborne Farm.

 

 Fort de ses nombreux succès, Claiborne Farm est alors considéré comme révolutionnaire dans le monde hippique Américain. Importer des étalons européens, il fallait y penser à l'époque, et le pari d'Arthur Hancock est une franche réussite puisqu'en 30 ans, son haras sort des champions en pagaille. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes dans le Kentucky. 

Malheureusement en 1947, Arthur Hancock Sr. est victime de soucis de santé qui l'obligent à passer la main à son fils, Arthur Hancock Jr., surnommé "Bull", en raison de son caractère très affirmé. C'est cette caractéristique qui va l'amener à croire en Princequillo. Ce cheval, gagnant de Gr.1 aux Etats-Unis sur le dirt, a une histoire toute particulière, puisqu'il est né dans un contexte extraordinaire, en 1940. La guerre fait alors rage en France, où sa mère, Cosquilla coule des jours heureux. Craignant les attaques, ses éleveurs la font voyager par bateau vers l'Irlande, alors qu'elle pleine de l'étalon Prince Rose. Elle y donne naissance à Princequillo. Cependant, sous la menace des bombardements, la jeune maman et sa progéniture traverse l'Atlantique pour se réfugier aux Etats-Unis. La suite est plus heureuse, puisque Princequillo va s'affirmer comme un top étalon, tête de liste en 1957 et 1958. Il est le père de Round Table, champion sur le gazon, et montre qu'il peut apporter des aptitudes différentes à ses produits. Il est aussi le père de mère des immenses champions Mill Reef et Secretariat. 

 

Princequillo, un chef de race extradordinaire.

 

 "Bull" Hancock décèdera malheureusement en 1972. Son dernier cadeau à Claiborne Farm, et non des moindres, sera la venue en 1970 de la star Nijinski. Ce fils du grand Northern Dancer, fut un champion en piste. Il est d'ailleurs considéré comme celui qui disputait le titre de "cheval du siècle" à l'immense Sea Bird. En effet, Nijinski a gagné 6 groupes I, dont cinq à 3 ans, remportant notamment la Triple Couronne britannique (2000 guinées, Derby d'Epsom, Derby d'Irlande). Il sera également deuxième de l'Arc et des Champion Stakes. Timeform lui attribuera un rating de 138, ce qui fut un scandale à l'époque, Sea Bird ayant eu un rating de 145. Syndiqué à prix d'or, Nijinski arrive à Claiborne Farm en grande pompe, et la suite on la connaît. Père de 155 "stakes winner", il est le géniteur de chevaux comme Lamtarra, Caerlon ou encore Ferdinand, cheval de l'année au Etats-Unis en 1987. Il est également le père de Seattle Dancer, vendu yearling en 1985 pour la somme record de 13,1 millions de dollars. Son fils Caerlon, s'avèrera lui aussi comme un étalon de premier plan, tête de liste à deux reprises en Angleterre et père de compétiteurs comme Generous (Derby d'Epsom), Marienbard (Arc de Triomphe) ou encore Caerlina (prix de Diane). 

 

Nijinski remporte le Derby d'Epsom en 1970, sous la selle du légendaire Lester Piggott.

 

Homme d'affaires redoutable, "Bull" Hancock a été le digne héritier de son père, et a permis à Claiborne Farm de s'affirmer encore plus sur la scène internationale. A sa mort en 1972, c'est son fils, Seth, qui reprend le flambeau. Il ne faut pas minimiser le succès de ses prédécesseurs, mais c'est pourtant sous le règne de Seth Hancock que Claiborne Farm va entrer dans une nouvelle dimension, celle des haras qui ont leur nom inscrit dans l'Histoire à tout jamais. Ne soyez pas trop gourmands, on vous garde la suite bien au chaud, à suivre très bientôt sur FRANCE SIRE...

 

 

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