Jukebox Jury: un français déguisé en anglais

01/09/2009 - Actualités
Il a toute l'apparence d'un cheval typique d'Outre-Manche: le nom, le suffixe, le propriétaire, l'entraîneur, le jockey, la tactique, le père. Et pourtant, la nature de Jukebox Jury se situe bien en France, en Normandie ou il a été élevé, et toujours autour du ring de Deauville ou s'est scellé le destin de sa famille.

 

Au milieu d'une équipe d'anglais, un blanc sourire normand surprend à la photo du retour aux balances du vainqueur du Grand Prix de Deauville, le Gr.2 qui ponctue traditionnellement le meeting en fanfare. Ce sourire à faire de la télévision est celui du Philippe Jeanneret. Il n'apparaît nulle part officiellement dans l'entourage de Jukebox Jury, mais c'est pourtant bien lui qui l'a élévé. Propriétaire du Haras de Gratte-Panche à Manerbe, dans le Calvados, il a donc nourri le poulain jusqu'à l'âge de yearling et est heureux comme si c'était le sien.

 

Jukebox Jury avec son entourage anglais, mais aussi Philippe Jeanneret (à gauche)



La mère achetée à Deauville à 16 ans


Consultant de profession, Philippe Jeanneret  a acquis un haras de 60 hectares il y a 10 ans. Il possède entre autres Sea Ring, la mère de Torrestrella, qu'il a eu la bonne idée d'acheter avant la victoire de sa fille dans la Poule d'Essai des Poulains. En décembre 2004, il s'associe avec Paul Nataf, Enrico Ciampi et un ami irlandais pour remporter l'enchère gagnante à 30.000 € de Mare aux Fées. "Tout le monde me disait que c'était une vieille jument et qu'il ne fallait pas y toucher. J'ai hésité mais elle avait un très beau modèle, une vieille souche intéressante et je me suis dit qu'à 4 personnes à ce prix, on ne risquait pas grand chose. On l'a tout de suite envoyée en Irlande pour essayer de réveiller de production, qui ne bougeait plus depuis un moment. Nous sommes donc allés à Montjeu en 2005. A cette époque, il ne valait beaucoup moins cher qu'aujourd'hui. Nous avons payé la saillie 40.000 €. Sur le programme, seul Paul Nataf est indiqué comme éleveur car les poulains sont nés en Irlande, et là-bas, ils ne déclarent qu'un seul éleveur."

L'affaire a été extraordinaire. Mare aux Fées, une fille de Kenmare issue de la souche "Rothschild" de Soleil Noir avait déjà fait 2 gagnants de listed, Pierrot Solaire (en Italie) et The Mask, étalon au Haras de Maison Chaude dans la Côte d'Or. Mais elle avait tout de même 16 ans et quelques flops retentissants dans sa production. En effet, sur les 8 autres produits de Mare aux Fées en âge de courir, 7 n'avaient strictement rien fait, et 1 seul a gagné 1 seule course, à Granville...

Autant dire que Yan Houyvet, même s'il avait pratiquement tout et plutôt bien vendu la production à Deauville, en avait un peu marre et a vendu fort logiquement sa jument. Elle était pleine de Numerous.

 

Le gris Jukebox Jury, vainqueur du Grand Prix de Deauville (Gr.2)



La mère est morte à 20 ans en 2008


Et soudainement, tout s'est déclenché. Tandis que le poulain qui était né en 2003, Maesta, s'est mis à gagner 3 courses, la pouliche au printemps 2005 de Numerous est devenue semi-classique! C'était Belle Allure, gagnante du Prix Vanteaux (Gr.3). Belle Allure est née en Irlande, comme Jukebox Jury. Et pour cause, car Mare aux Fées a été saillie tous les ans dans la verte Erin depuis son achat par Paul Nataf et ses 3 compères. Ainsi, suitée de Belle Allure, Mare aux Fées a rencontré Montjeu, ce qui a donné Jukebox Jury, à son tour né en Irlande quand Mare aux Fées est revenue à Coolmore pour croiser le destin de High Chaparral. Cela a donné la naissance de Le Larron, un 2 ans estimé chez Alain de Royer-Dupré. Enfin, Mare aux Fées a eu son dernier produit par Hurricane Run au printemps 2008 mais elle malheureusement morte un mois et demi après le poulinage. Elle avait 20 ans.

 

L'atypique The Mask, frère de Jukebox Jury, étalon en Côte d'Or



555.000 € de chiffre d'affaires en 3 ans


La machine à gagner s'est enclenché sur tous les fronts. A Deauville, les tarifs ont flambé pour les produits de Mare aux Fées à partir de 2006. Tous passés yearlings, Belle Allure a fait 45.000 €, Jukebox Jury a fait 270.000 € (!), Le Larron a fait 140.000 € et le tout dernier a fait 100.000 € en août 2009. Cela donne un chiffre d'affaire de 555.000 €, sans compter les primes à l'éleveur déjà perçues et restant à percevoir. "Tous les poulains sont nés en Irlande mais sont revenus très vite chez moi en France. Donc ils sont assimilés français. Petit, Jukebox Jury était un poulain plein de vie, il n'a jamais été malade. Ce n'est pas un tendre. Il possède le croisement de Top Ville sur Kenmare, ce qui donne des chevaux de qualité, mais pas faciles à manier!"

Si les produits ont été élevés par Philippe Jeanneret, ils ont tous été préparés pendant 3 mois pour les ventes par le Haras d'Omméel, à Omméel en Normandie, chez Hubert Honoré.

C'est donc bien une histoire française, même plus précisément normande pur beurre, qui commande au destin de ce Jukebox Jury, qui a pourtant toute l'apparence d'un anglais pur pudding.
 

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