And They're Off : on a perdu le coup de rein de Going Somewhere !

28/06/2015 - Grand Destin
And They're off, alias Allison Nicolleau, effectue son grand retour à sa plume personnelle sur Facebook sur la la chronique publiée régulièrement sur France Sire. Elle qui choisit toujours des sujets inattendus avec un ton atypique mais toujours juste, elle nous parle cette fois du gigantesque Going Somewhere, crack brésilien qui court aujourd'hui aux Etats-Unis après une expérience qui s'est mal finie en France.

Going Somewhere, un monstre de muscle. (PHOTOS APRH)
 
 
Going Somewhere. Son nom résonne comme une évidence. Chaque lettre accentue sa légendaire corpulence. Il débarquait en France, brésilien de souche, argentin de titre. Soulevé par un peuple, embarqué dans les rêves d'un homme. Jusqu'à Longchamp, jusqu'à son Graal. Le Prix de l'Arc de Triomphe.

Lorsque Going Somewhere arrivait chez David Smaga, l'immense alezan à la charpente de feu était un inconnu pour la plupart. Mais une idole pour tant d'autres. Seul point d'attache pour nous, français : il était fils de Sulamani. Et musculairement, il mangeait deux fois son père.
 
Son histoire débutait au brésil, au Haras Phillipson à Campinas. Fils de poulinières locales, il avait, dès la naissance, un pedigree sans frontières. Chaque molécule de son sang avait humé l'air du monde. Sulamani avait goûté au turf français, dubaïote et américain. Ses pères, les lignes droites italiennes, et la montée du derby d'Epsom. Jusqu'au vieux Keats, qui avait fait sien le Gran Premio 25 De Mayo sur l'herbe de San Isidro, il y a des milliers de foulées de cela.
 
 

Going Somewhere à l'époque de sa gloire en Argentine.
 

Going Somewhere tentera de suivre ses empreintes, de s'enivrer de son sillage, en vain. Il fera autre chose, il connaîtra un autre jour, celui des Carlos Pellegrini. Il devenait alors l'incarnation de la puissance. Précédemment, déjà, alors qu'il galopait encore sur ses terres, rompant son statut d'éternel battu en s'imposant dans son jardin, l'hippodrome de ses premiers pas, de ses tests, de ses doutes, de son apprentissage : Cidade Jardim, à quelques pas de São Paulo, Going Somewhere avait montré une tenue impressionnante.
 

Il avait été sixième, troisième, second, et puis vainqueur. Sur trois kilomètres, pour fêter ses trois ans. L'accélération est sublime, solide, poussée, tenace, et imparable. À San Isidro en Argentine, pour son premier voyage en dehors du Brésil, il explosait tout. Logé au sein d'un peloton complet, loin de la tête, des attaques, et de l'effort final, il surgissait à la corde, prolongeait son effort, et surprenait. Un monstre de force légère, qui pulvérisait la concurrence, comme un rocher dévalant la piste, écrasant tout sur son passage dans ce fameux Carlos Pellegrini, l'Arc de Triomphe de toute l'Amérique du Sud.

Et puis il a échoué. Dans le Gran Premio Miguel A Martinez De Hoz. Dans le Clasico Porteno, groupe 3. Et dans le Gran Premio 25 De Mayo, l'histoire de sa vie, où il terminait troisième, à trois-quart de longueurs. Seulement.
 
 
 


Fin d'une vie. Début d'autre chose.


Going Somewhere est arrivé en France, chez David Smaga, au cours de l'été 2013. Un peu avant, peut-être. En septembre, sa tenue étant sûre, l'objectif tout autant, il disputait le Prix Foy. Orfèvre, son égale corpulence japonaise, plus talentueux, plus rapide, remportait l'épreuve parisienne, et s'envolait vers un Arc qui ne voulait pas de lui. Going Somewhere se plaçait quatrième de cette classe découverte, et échouait neuvième pour le diplôme ultime, ce pourquoi il était venu. Resté en France, chez nous, la bête alezane a fait oublier son passé argentin, et son enfance brésilienne.
 
Bientôt, il devenait un stayer reconnu. Second du Prix Royal-Oak, à cinq longueurs du monstre Tac de Boistron. Second, après un peu de repos, et de méditation, de Listed-Race. Il ne parvenait pas à remonter, sa forme ne se traduisait plus sur la piste. Dixième du Prix de Barbeville. Arrêté à Chantilly, Gregory Benoist le pensant blessé, alors qu'il avait, peut-être, la forme de sa vie. On ne le saura jamais.

Troisième du Prix Maurice de Nieul, troisième du Prix de Reux, troisième du Grand Prix de Deauville... puis septième du Prix Gladiateur, et à la même place, et à la même distance, dans l'épreuve visée : le Prix du Cadran. La seconde vie de Going Somewhere n'a pas été ce qu'elle aurait dû être. Il s'est montré bon, mais l'étincelle, la force, l'herbe arrachée, ça ne lui est pas arrivé.
 
 
Going Somewhere au printemps 2014 à l'entrainement sur l'hippodrome de Chantilly, monté par Grégory Benoist.


Alors on aurait pu arrêter là. Mais non, l'histoire connue à s'écrire.

Going Somewhere est aux États-Unis, chez Neil Drysdale, l'homme de Fusaichi Pegasus. Il a couru à Santa Anita. Sur 2400 m. Sur la pelouse. Et de son côté du globe. Il a fini troisième à une longueur d'une victoire de groupe 2. Des débuts tonitruants. À son échelle.

Lors de l'épreuve, muni d’œillères mais les couleurs fidèles, il mettait difficilement sa carcasse en jambe, et son jockey le poussait inlassablement pour prendre la tête. L'alezan prenait un rythme, mais le perdait dans le premier tournant qu'il négociait difficilement. Remis sur pied dans la ligne droite, prenant le temps de retrouver une cadence, Going Somewhere s'est montré excellent américain. Le rythme du pays, peut-être son amour des coutumes, lui était déjà collé à la peau.
Alors le pur-sang brésilien a tenu bon, a imposé la fréquence de ses foulées... mais n'a pas su accélérer. Aussi tenace soit-il dans l'effort, il n'a qu'une vitesse.

Mais ce n'était qu'une rentrée. S'il se renforce, s'il épouse les tournants, il saura imposer un rythme dur qui pourra le sacrer. Mais n'est-il pas trop tard ? Le cheval a six ans. S'il était venu aux États-Unis plus tôt, aurait-il retrouvé cette accélération perdue ?
 
Recherche : coup de rein de Going Somewhere.
 
Aujourd'hui, dimanche 28 juin, je ne regarderai pas que Trêve. À Santa Anita, mon buffle alezan court. Je ne sais pas si le Brésil l'a oublié. L'Argentine, les français ? Moi non. Il court un groupe 3, les San Juan Capistrano Stakes, sur 2800 m.
Rallongé. Car il a une carcasse à porter. Mais sa pointe ? L'a-t-il oublié ?

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