L'histoire de DNA Pedigree: Le Paillon, l'impossible exploit

22/04/2020 - Grand Destin
Remporter la Grande Course de Haies d'Auteuil (Gr.1) avant de remporter l'Arc de Triomphe (Gr.1): impossible, n'est-ce pas ? Et bien c'est pourtant l'exploit qu'a réalisé en son temps Le Paillon, à la fin des années 1940, entraîné alors par le maître William Head. Une histoire atypique, racontée par Thierry Grandsir (DNA Pedigree) et à découvrir sans plus attendre !

 

Le Paillon (1942-1965), par Fastnet et Blue Bear (Blenheim II)
 
 
Les courses de galop sont de nos jours une affaire de spécialistes. Les sprinters ne s’aventurent que rarement sur le mile, un Champion des distances intermédiaires comme Frankel n’a jamais été testé sur la distance classique, et les bons sauteurs n’envisagent, même pas en rêve, de se produire dans l’Arc. A ce titre, l’incroyable Le Paillon appartient définitivement à une autre époque…
 
 
Le Paillon est né en 1942 au Haras des Chartreux, à Blanville, baptisé du nom d’un cours d’eau dont les débordements sont légendaires dans la région niçoise et, lui-même, ne manquait pas d’énergie hydraulique. Sans doute en raison d’un pedigree très inbred, porteur d’une duplication en 2x3 du Chef de Race Pharos.
 
Elevé par le Comte A. de Foucher de Carrel, ce petit cheval léger était le troisième produit vivant de Blue Bear, une jument Aga Khan qui avait été la grande rivale de Mistress Ford, authentique Championne qu’elle avait dominée dans la Poule d’Essai des Pouliches (Gr.1) avant de subir sa loi dans le Prix Vermeille (Gr.1). Son père Fastnet était, en son temps, considéré comme le dauphin de Mieuxcé au sein de sa promotion. Ce qui l’avait d’ailleurs conduit, après plusieurs succès dans des Groupes à 2 et 3 ans chez nous, à conquérir la gloire dans la Viceroy Cup … aux Indes !
 
 
 
Fastnet, père de Le Paillon, et fils de Pharos comme Nearco et Pharis II
 
 
Un bon pedigree, une génération faible en nombre (le Stud Book Français regroupant les naissances des années 1941, 1942 et 1943 est de loin le moins épais de la collection), des atouts pour Le Paillon en vue d’une carrière de course qui sera de plus managée par le maître William Head, à Maisons-Laffitte. Un entraîneur qui totalisera 1200 victoires en plat et 700 en obstacles durant sa carrière, dont les plus grands classiques.
 
Un éclectisme d’une autre époque, certes, mais qui convenait au mieux à Lucienne Aurousseau, propriétaire de Le Paillon, qui vouait une grande passion pour l’obstacle. Et de fait, son poulain n’ayant guère excellé en plat, il fut reconverti avec bonheur sur les balais par son mentor. Son accessit d’honneur dans le Grand Prix des 3 ans derrière Kerlor mais devant l’invaincu Lucifor et le gagnant du Prix Finot (L.) Oliba en atteste.
 
Le Paillon fut envoyé au Haras l’année suivante. Un vrai désastre, car ses jarrets calamiteux le mirent dans l’impossibilité totale de se cabrer pour saillir une jument… Des soins, du repos, et Le Paillon retourna à l’entraînement en vue d’une saison de 5 ans qui le fera entrer dans l’Histoire. A Cheltenham, au printemps 1947, Le Paillon ne trouve devant lui que National Spirit pour le priver de la victoire dans le Champion Hurdle (aujourd’hui Gr.1) mais il s’adjugera la Grande Course de Haies d’Auteuil de main de maître : monté par un Daniel Guiho qui remportera aussi le Grand Steeple cette année-là, il laissa dix longueurs derrière lui Vatelys, le tenant du titre, et Kerlor loin derrière.
 
Le Paillon n’a plus rien à prouver en obstacles, et William Head décide de changer de spécialité. Deuxième du Prix de Reux (L.) derrière Elseneur, il prend une revanche éclatante sur ce dernier dans le Grand Prix de Deauville (Gr.2). Au top de sa forme, il est engagé dans l’Arc…
 
La grande course de Longchamp enregistre de nombreuses défections cette année-là, dont le meilleur 4 ans et les meilleurs 3 ans à l’exception de Tourment, favori de l’épreuve. Le Paillon bénéficie de la monte du très inspiré Fernand Rochetti qui le décale au moment opportun pour éviter une bousculade dont sera victime Goyama, son dauphin à l’arrivée. Pour la première et dernière fois de l’histoire, le Prix de l’Arc de Triomphe (Gr.1) est l’apanage d’un gagnant de Gr.1 à Auteuil !
 
Le Paillon retrouve ses fonctions d’étalon en 1948, chez Mme Jean Blondel au Haras des Chartreux. Il y produira peu de foals, dont toutefois les bons performers Jockeri (Grand Prix de Vichy), Brialdor (15 victoires en Italie) et Notus (Prix James Hennessy). Transféré en 1955 en Espagne, Le Paillon devient un étalon classique : ses fils El Santo et Caporal remportent le Derby local, le second nommé étant d’ailleurs considéré comme le plus grand Champion espagnol de tous les temps !
 
 
 
Caporal, fils de Le Paillon, vainqueur et étalon classique en Espagne
 
 
Père de mère de Dilettante (placé du Derby) et du sauteur Le Grognard (Prix du Président de la République), Le Paillon a aujourd’hui disparu des pedigrees. Il restera le seul cheval lauréat du doublé Grande Course de Haies d’Auteuil – Prix de l’Arc de Triomphe, exploit que le crack jockey Christophe Soumillon, peut, lui aussi, se targuer d’avoir accompli !!!
 
 
 

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