La chronique de Guillaume Macaire : Cheminaud, les rêves et les législateurs

09/06/2015 - Actualités
Guillaume Macaire reprend sa chronique qui avait eu tant de succès dans Paris-Turf, cette fois dans les colonnes de France Sire. Pour son 2e opus mensuel, il nous parle de Vincent Cheminaud, de rêve et de passion, mais aussi du "système" et des sinistres législateurs. Un nouveau pavé dans la mare...

Guillaume Macaire avec Vincent Cheminaud après le succès de Device dans le Prix Aguado (Listed) - PHOTO APRH

Bonheurs partagés
par Guillaume MACAIRE

" Il y avait ce dimanche à Auteuil dans les yeux de Vincent Cheminaud au sommet de son art après des interprétations aussi variées que magistrales, une émotion toute particulière. Il quitte donc (pour l'instant, prenons nous à rêver!) ce sport illégitime qui pourtant l'a légitimé dans le sport des rois !

J'ai vu dans son regard un émouvant mélange de bonheur, de nostalgie et de reconnaissance. Je devrais avoir
des sentiments de regrets, mais le partage de son bonheur et de sa joie ont suffi à balayer des idées plus
égoïstes. C'est l'admiration qui est la plus forte et l'impression d'avoir initié et participé à quelque chose
de grand, de très grand !

Triste législation

Nous savons tous dans notre confrérie que passion est le mot maître. C'est elle qui nous guide et nous nourrit,
bien plus finalement que l'argent qui n'est qu'un vecteur, indispensable certes mais pas suffisant et surtout pas
moteur. Si c'est la passion qui fait venir l'argent dans le circuit des courses, cela ne sera jamais l'argent qui fera
venir la passion
, la vraie, celle qui nous anime tous et motive jusqu'au plus petit du monde des courses. L'exemple
d'Arnaud Lagardère qui n'a pas poursuivi l'œuvre mise brillamment en place par son père, vient l'illustrer de façon
évidente. Toutefois, c'était son choix et il est respectable car c'est une question de liberté.

Ce qui est plus détestable à mon sens, c'est quand l'économie dirigée et le social à l'avenant, si chère à nos politiques
vient empêcher Ermeline Desmigneux, apprentie au service d'André Fabre et cavalière du matin de NEW BAY, d'emmener
son cheval à Chantilly le jour de son sacre! (cf paris-turf du 6 juin).

 


Au retour triomphal de New Bay après son succès dans le Prix du Jockey-Club, il manque sa cavalière du matin Ermeline Desmigneux, interdite de travail car encore mineure, à seulement 2 semaines de son 18e anniversaire !

 

L'inspecteur du travail !


Parce qu'elle est mineure, n'atteignant ses 18 ans que le 14 juin, sa frustration a du être indescriptible. Le législateur
vous dira que c'est pour la protéger... Notez bien qu'un inspecteur du travail m'a dit un jour : " Je me méfie
particulièrement des employeurs qui font un métier par passion car ils en demandent beaucoup plus à leurs salariés.
Un salarié ne doit pas prendre de plaisir au travail, il doit avant tout effectuer sa tâche dans la légalité horaire
."

Il est dès lors beaucoup plus facile de comprendre pourquoi notre vieille institution des courses ne colle plus
à l'ère du temps... Les politiques et les censeurs qui distillent la seule pensée autorisée à notre époque sont, pour la plupart, persuadés que la passion est mauvaise conseillère pour ne pas dire dangereuse. Ils préfèrent pour leurs administrés une vie dénuée de grandeur d'esprit et bien terre à terre plutôt qu'une autre nourrit de rêves. A la question posée à l'un d'eux, pourtant bardé de diplômes, des plus fameuses écoles de la république, quand à savoir quelle était sa passion, il répondit et je vous promets que c'est authentique: " Ma grande passion c'est de ne pas en avoir, de peur de m'y enfermer. "

De mon côté, je préfère nettement la devise de Lafayette qui prônait que les passions pouvaient le conduire mais ne savaient l'aveugler.

Traditions et anachronismes

Continuons dans l'actualité du derby français pour nous demander l'intérêt aujourd'hui de faire défiler devant les tribunes les chevaux pour les grands évènements avant qu'ils ne se rendent au départ ?

Cette tradition qui remonte à la genèse du sport des rois avait une double utilité voici des lustres. C'était d'abord pour permettre au public de la pelouse et du pavillon, très nombreux il y a quelques décennies, de voir d'un peu plus près les champions chevaux et jockeys et permettre aussi à ceux du pesage, qui ne voulaient quitter les tribunes pour aller au rond de présentation de peur de ne pas y retrouver leurs places, d'admirer également les protagonistes des grands classiques. Songez qu'en 1926, l'année où TAKE MY TIP fit sien le grand prix de Paris, on enregistra à Longchamp plus de 100 000 entrées payantes, sans compter les ayant droit.

 

 

Le mauvais temps n'avait pas rebuté le public d'Auteuil, à cette époque.

 

Pourquoi faire encore des défilés ?

Aujourd'hui, tout le monde peut admirer les compétiteurs dans le rond de présentation dans risque de se voir piquer sa place dans les tribunes! Et puisque la pelouse et le pavillon ne sont à présent, à Auteuil ou à Longchamp, que des souvenirs lointains, j'aimerais qu'on m'explique l'intérêt d'un défilé qui au bout du compte n'aura produit qu'un stress inutile sur des animaux qui n'en avaient pas besoin? Ils voient la piste, ne comprennent pas que l'on ne les y lâche pas comme les fois précédentes, se mettent à trottiner sur place, à s'énerver intérieurement ou à suer, perdant ainsi une partie de leur influx pour les plus émotifs, alors qu'ils étaient visibles
et détaillables à loisir dans le rond de présentation par le public ( maigre ) quelques instants auparavant sans préjudice aucun pour toutes les parties.

Je n'ai pas résisté au plaisir de vous montrer cette photo d'Auteuil prise dans les années 1910... Si tout commentaire est inutile, le défilé lui, y avait vraiment sa raison d'être alors qu'aujourd'hui...

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