L'anglo-arabe est-il un atout pour la filière hippique ?

17/10/2013 - Actualités
Quel point commun entre Didier Guillemin (Dance in The Park), la Marquise de Moratalla, le Haras des Granges (Shamalgan, Chalnetta), Philippe Sogorb (Vorda, Catcall), Xavier Thomas Demeaulte (Shamalgan), Jean Marie Lapoujade (Farlow des Mottes),  Guillaume Macaire, François Nicolle, Jacques Ortet, Jean Pierre Totain… ? Outre leur réussite actuelle au meilleur niveau, ces acteurs du monde hippique basés dans le grand Sud Ouest ont tous des Anglo-Arabes dans leurs boxes!

Mathieu Daguzan-Garros lauréat d'un concours anglo-arabe pendant la Grande Semaine de Pompadour en septembre 2013. C'est un retour au source pour le patron du Haras des Granges, qui faisait les concours anglos quand il avait l'âge de son fiils Frédéric qui l'accompagne ici.

 

Le comité stratégique des courses hippiques, sous la présidence du sénateur Ambroise Dupond, a publié cet été un très intéressant rapport sur le galop : « Filière hippique : réformer pour pérenniser un modèle d’excellence ». Il est question de la situation du Galop en France, de ses acteurs et des solutions que l’institution pourrait mettre place pour assurer la continuité du système Français.

Ce rapport évoque sans concession les difficultés actuelles des entreprises de la filière hippique (page 8 : « la précarisation d’un certain nombre de socioprofessionnels, en particulier les entraîneurs »). Dans la continuité de ce document et en réponse aux socioprofessionnels sur les sujets qui ont animé les chroniques hippiques ces derniers mois, le président de France Galop Bertrand Bélinguier s’est exprimé dans «Equidia Turf Club » le 19 août.  

Malgré ses avantages incomparables (des allocations importantes, une terre d’élevage, de nombreux hippodromes, de grands professionnels…) la France hippique manque d’éleveurs et de propriétaires. Ainsi dans un contexte où bien des entraîneurs ont besoin de l’ensemble de leur effectif pour assurer la pérennité de leur entreprise, la complémentarité entre les différentes races de chevaux de sport joue un rôle déterminent dans le Sud Ouest. 

Une filière en manque d’éleveurs et de propriétaires.

Ce manque d’éleveurs et de propriétaires s’illustre par le faible nombre de partants que l’on voit malheureusement régulièrement dans tout types de course, en plat comme en obstacle, chez les purs comme chez les Arabes ou les Anglo-Arabes. Qui dit nombre de naissances et de partants en berne, dit également activité réduite pour l’ensemble des professionnels de la filière, des entraineurs aux étalonniers, du maréchal ferrant au marchant d’aliment. 

Dans ce contexte, chaque éleveur, chaque propriétaire est précieux. Qu’il élève des AQPS, des Arabes, des Pur Sang ou des Anglo-Arabes la pérennité de son activité est primordiale, son développement est salutaire. Pour bien des professionnels c’est la somme des chevaux de toute race qui permet d’atteindre l’effectif nécessaire à la santé de leur entreprise. Ainsi au moment où les Pur Sang et les Arabes entrainés dans le Sud Ouest brillent au meilleur niveau en France comme à l’étranger, force est de constater qu’une bonne partie d’entre eux sont élevés ou entraînés dans des structures dépendantes des Anglo-Arabes.

 

Propriétaire de Farlow des Mottes, Jean-Marie Lapoujade est venu aux courses avec des anglo-arabes. (PHOTO APRH)



Que disent les professionnels du pur-sang ?

 

Jean Charles Escalé est à la tête du très dynamique Haras de l’Abbaye qui a accueillit depuis 15 ans des sujets en provenance des plus prestigieuses maisons du Pur Sang et de l’Arabe en France. Il nous expliquait récemment : « Il y a de la place pour tout les bons chevaux qu’ils soient Arabes, Pur Sang, AQPS ou Anglo. Il y a un paquet d'entraîneurs dont les entreprises ont besoin des Anglos et des Arabes pour vivre. Je ne pense pas que les éleveurs et propriétaires se reporteraient sur les autres races fautes d’Anglos. Les Anglos comptent vraiment pour mon entreprise. Si je ne cumulais pas Arabes, Anglo et Pur Sang cela ne serait pas viable ».

Didier Guillemin était vingtième au palmarès des entraineurs Français en 2012 et 2011. Celui qui a entrainé Tin Horse, Dance in the Park, Hi Molly, Rakha... nous précisait: « Le Sud Ouest se prête à l’Anglo-Arabe, il y a l’élevage et les courses pour ces chevaux. Tout est bon à prendre et les Anglo-Arabes ont un programme intéressant. Ils peuvent ensuite aller à l’obstacle ou en Corse. Les Anglo-Arabes représentent une part importante de mon effectif soit une dizaine de chevaux sur les quatre-vingt que je rentre chaque année ».

 

L’Anglo-Arabe une portée d’entrée idéale vers le Galop : 

 

Jean Marie Lapoujade dans l’édition du 18 mai 2013 du JDG s’est exprimé par ces termes : « S’il n’y avait pas eu les "anglos", avec qui j’ai connu rapidement une belle réussite, je ne pense pas que j’aurais investi dans les pur-sang, et il n’y aurait peut-être pas eu "Farlow"… ». 

Il y a là un cas d’école. Celui d’un propriétaire qui débute avec les Anglo-Arabes qui lui ouvrent les portes du succès. Un succès que ce dernier élargit vers d’autres spécialités en étoffant son effectif avec d’autres races. La casaque Lapoujade a ainsi permis de révéler Lacarolina qui s’est depuis illustré pour le compte de Messieurs Carling et Augustin Normand (Prix Six Perfection, Listed à Deauville). En obstacle Farlow des Mottes s’est adjugé le Prix Murat (Groupe II, Auteuil), le Prix Robert de Clermont-Tonnerre (Groupe III, Auteuil) et le Prix Orcade (Groupe III, Auteuil). En parallèle cette casaque fait courir de nombreux Anglo-Arabes avec beaucoup de réussite. 

De même Paul Couderc, Trésorier d’Anglo Course, est un autre exemple d’éleveur d’Anglo dont la réussite s’est élargie aux autres races. Il nous confiait récemment: “Ma culture hippique s'est construite à partir des petits hippodromes. Durant l'été avec mes parents et grands parents nous faisions le parcours traditionnel Aurillac, Gramat, Pompadour où se déroulaient des courses d'Anglo-Arabes. En plus nous fréquentions les concours d'élevage  départementaux  régionaux et nationaux  qui se déroulaient  dans ces mêmes endroits. Dans notre région située au coeur du massif central il est moins contraignant d'élever des Anglo-Arabes que des pur sang à cause du climat”. 

Paul Couderc est co-naisseur de Roi de Treve (gagnant du Prix Congress Groupe II à  Auteuil) et de Net Lovely (Seconde de la Haye Jousselin Groupe I, première des Prix Prix Heros XII Groupe III, Ingre Groupe III, Clermont Tonnerre Groupe III et Andre Michel Groupe III). Chez les Anglos il fut propriétaire de Reine Lauteix (Grand Prix des Pouliches et Castelbajac), d’Onyx de Roches (Poule d’Essai) et l’éleveur de Karen Lady (Coupe à Pau), Sultan de Lagarde (Grand Prix de Prunelli, Critérium des Jeunes et Grand Prix d’Ajaccio, second de l’Omnium et du Prix de la Fédération). 

 

Paul Couderc (au centre) après le succès de sa pur-sang Net Lovely dans le Prix Héros XII. Trésorier su syndicat anglocourse, il est très impliqué dans l'élevage anglo-arabe.

 

L’Anglo-Arabe un atout pour le Sud Ouest : 

Chaque grande région du galop Français a ses forces mais également ses faiblesses. Si l’on met très régulièrement en avant le climat et le programme dont le Sud Ouest peut se prévaloir, il est indéniable que la région reste relativement excentrée tout en recelant un pouvoir d’achat moindre en comparaison avec la région Parisienne ou Rhône Alpe (Source : INSEE et DGFIP). 

Alors que la stigmatisation semble tenter certains il conviendrait sans doute de voir en l’Anglo-Arabe un levier de développement pour l’ensemble de la filière hippique du Sud Ouest. Être propriétaire de chevaux de course est un loisir réservé à une fraction de la population: celle qui en a les moyens. Mais même pour ces derniers, au moment de franchir le pas, la marche peut sembler bien haute compte tenu du coût d’une telle aventure. L’Anglo dans sa relative accessibilité est sans aucun doute une excellente introduction aux courses, que l’on soit propriétaire ou éleveur. Une introduction qui, comme l’histoire le montre, ouvre ses acteurs à toute la diversité du monde du galop.

L’éclectisme a toujours été de mise en Anglo-Arabie. Les éleveurs de la race ont de tout temps diversifié leur effectif. Le rôle déterminant joué génétiquement parlant par l’Anglo-Arabe dans les races Arabes (sauvé par l’Anglo-Arabe) et AQPS (en partie basé sur l’Anglo-Arabe) se poursuit à présent sur le plan structurel dans le quart Sud Ouest. L’Anglo-Arabe est nécessaire à la bonne santé des courses et de l’élevage des galopeurs de la région. 

La tutelle étatique s'effaçant l’Anglo-Arabie poursuit son évolution pour réinventer son fonctionnement. L’Anglo-Arabe est donc indéniablement un atout pour le Sud Ouest et la Corse. Mais c’est un atout à redynamiser qui évolue dans un contexte en transition que la filière doit accompagner. Une filière qui doit prendre conscience de l’importance de l’Anglo-Arabe dans son propre équilibre. 

Laissons à Paul Couderc le soin de conclure: “Avec la disparition de l’étalonnage public notre élevage sera en difficulté car éloigné des principaux centres privés. Il faudra tenir compte de ce nouveau contexte et analyser précisément le nombre de naissances annuelles avant d’établir le programme de course. Ce dernier doit s’orienter de la façon suivante:

  • préserver et développer les 37,5% et 50% car ils sont la base de la race
  • éviter que les juments 12,5% aillent au pur sang
  • développer les courses d'obstacles encore plus car c’est que ce que nous demande  FRANCE GALOP”

 Adrien CUGNASSE

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