L'avenir des étalons Nationaux : un capharnaeum indescriptible

04/07/2014 - Actualités
Alors que la vente des étalons de l'IFCE (ex Haras Nationaux) semblait enfin être précise, sur le ring d'Arqana en décembre, tout est remis en question par une décision du Ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll qui n'a toutefois rien de définitif. Le flou règne car le principe de la location annoncée avec fracas dans un communiqué de Jacques Myard reste très incertain dans son issue. Voir les détails et les interviews. Source : www.france-sire.com

Dans la soirée du jeudi 3 juillet 2014, peu après le terme des ventes d'Eté à Deauville, a circulé un communiqué de Jacques Myard, député-maire de Maisons-Laffitte et Président du Groupe Cheval, à lire in extenso ci-dessous, et repris dans certaines parties et publié sous forme d'une interview dans JdG. Le communiqué, ne précisant pas le nombre d'étalons et la race des chevaux concernés, pouvait laisser à penser qu'il s'agissait uniquement des étalons de sport puisqu'évocant une vente devant avoir lieu début septembre, celle qui était envisagée mais sans confirmation définitive pour ces fameux chevaux SF. Ceux-ci sont bel et bien concernés par le communiqué, mais les termes de ce dernier englobent aussi les étalons de courses qu'ils soient Pur-sang, trotteurs ou anglos, soit un total de 26 étalons...ou 50 ! Cette ouverture à la location est bien plus complexe et bien moins certaine qu'il n'y parait. Par Arnaud POIRIER

 

Y-A-T-IL UN PILOTE DANS L'AVION ? 

 

Aux (avant) dernières nouvelles, il avait été décidé que les étalons de courses passeraient aux ventes sous le feu des enchères à la fin de l'année 2014, alors que France Haras serait administrativement fermée. En l'occurrence, c'est Arqana et sa session de décembre à Deauville qui avait remporté l'appel d'offre face à Osarus et sa vente de novembre au Lion d'Angers. Un autre appel d'offre avait été lancé pour la préparation des chevaux, par lots de race, entre juillet et décembre, après que les contrats printaniers se soient terminés pour chaque haras qui avaient loués les chevaux pour la saison de monte arrivent à leur terme. Finalement, c'est le repreneur du Haras de Saint-Lô, qui a Axxos en station au printemps 2014, qui devait avoir remporté le marché pour l'ensemble des étalons.

Le 1e juillet au matin, une réunion entre la direction de l'IFCE et les actionnaires privés avait décidé du sort du cas particulier de Montmartre (lire l'article), dont les 21 parts de l'Etat devaient ainsi passer sur le ring de décembre dans un lot unique.

 

QUAND LES POLITIQUES S'EN MELENT....

 

Mais tout repart à zéro. Suite à l'envoi du lettre commune au Ministère de l'Agriculture par les Sociétés mères et les associations de race concernées, une réunion a eu lieu avec Stéphane Le Foll, conduite par Jacques Myard, un homme célèbre pour sa hargne et sa force de conviction auprès de tous les bords politiques selon les circonstances, de la droite baladurienne pour la réouverture de l'hippodrome de Maisons-Laffitte il y a 20 ans jusqu'à la gauche hollandiste de Stéphane Le Foll (très proche du Président de la République), en passant par une chronique sur Radio Courtoisie, qui un média parisien très à droite...Jacques Myard est député mais la réunion concernait aussi les sénateurs, représentés par Ambroise Dupont, bien connu dans le monde du cheval. Tous ces appuis politiques ont conduit au fait que le Ministre a cédé à la pression et a décidé à l'ouverture d'une possibilité de location, mais qui est bien plus compliqué qu'il ne semble.

 

UNE LOCATION OUVERTE À TOUS LES ACTEURS EUROPEENS

 

Directrice de l'IFCE, Genevière de Sainte-Marie, donne des détails : " Désormais, il y a donc 2 solutions : soit on maintient la vente globale à l'exception de 2 étalons de sport qui doivent défendre les couleurs de la France dans les compétitions internationales, soit une consultation est faite pour la location d'un certain nombre d'étalons, par lot de race. En effet, dans la lettre envoyée au Ministère, les associations de race ont listé les étalons qui avaient de l'intérêt à leur yeux dans chaque segment. Ce sont ces groupes de chevaux qui sont aujourd'hui proposés à la location, par lot de race : des PS, des AA, des TF et des SF. Pour les PS, 9 étalons sont concernés. Pour le cas de Montmartre, la vente des 21 parts de l'Etat en un seul lot qui avait décidé le 1e juillet pourrait également être remise en cause. Pour ce cas, les 21 parts pourraient être loués en un seul bloc à l'un ou plusieurs de copropriétaires privés actuels.

L'appel d'offre pour la location doit se faire dans le strict respect des conditions de l'Etat et des lois européennes, c'est à dire qu'il est ouvert à tous les acteurs européens, et il doit se faire dans des conditions financières qui aillent dans l'intérêt de l'Etat, et non plus du tout dans un esprit de subvention. Les décisions seront prises le 15 juillet."

 

LES CONCLUSIONS CONCRETES :

 

Il faut donc conclure de cette interview, qui n'est pas un communiqué, que  :

  • les éleveurs français ne sont en rien protégés territorialement, puisque l'appel d'offre est ouvert à toute l'Europe, dans les respect du droit européen. Les préférences accordées à des associations de race ou des repreneurs collectifs des anciennes stations des Haras Nationaux seraient hors la loi. Donc tout anglais ou irlandais pour les PS, ou tout italien pour les anglos, sera en mesure de remporter la mise et donc les chevaux. Cela est complètement incohérent avec le but de la lettre qui est de conserver les étalons à disposition pour les éleveurs français.

  •  Les conditions financières des contrats de locations seront dans l'intérêt de l'Etat. Les taux d'usage pour les locations de pur-sang varient selon les cas entre 40% et 60% pour le propriétaire.

  •  Pour les pur-sang, 9 chevaux sont concernés sur les 14 "fonctionnaires", dont bien sûr la star Network, Day Flight, Racinger, Policy Maker, Khalkevi et autre Lauro. Le cas de Spanish Moon est plus complexe. Il a été "donné" à l'Etat français par Khaled Abdullah. Selon les jours qui passent, il est concerné ou non par la vente...Le directeur de l'IFCE, M. Vannier, ne s'embarasse pas de forme et veut le mettre dans la vente. A France Galop, on fait tout pour ne pas "braquer" Juddmonte Farms, un bon client. Chez le Prince, on répond que l'animal peut bien être vendu à condition de toucher la moitué du chèque. Rien de bien clair...Reste aussi à traîter le cas de Gris de Gris, dont la propriété à 45% par AA Maggiar, 10% par l'Association Nationale des AQPS et 45% par l'Etat, donc minoritaire.

  • Les délais de dépôt des condidatures reste extrêmement courts. Faute de résultat sous 10 jours, tout cela n'aura servi à rien puisque les chevaux reprendront le chemin du ring.

  • Rien n'est prévu par le Ministère quant à la gestion des contrats de location par des agents de l'IFCE.

 

LOIC MALIVET : CELA S'ANNONCE EXTREMEMENT COMPLIQUÉ...

Président du Syndicat des Eleveurs, et vice-président de France Galop, homme de dossier, Loïc Malivet suit l'affaire de très près et considère le discours de Stéphane Le Foll avec la plus grande circonspection:

" Le Ministre de l'Agriculture ne voit que par les sports équestres. Il ne porte aucun intérêt courses et considère que les gens de notre profession sont des nantis qui doivent se montrer solidaires avec les autres secteurs de la filières (NDLR : cela veut dire payer pour les autres...). D'ailleurs, dans le cas de la TVA, alors que Ministère du Budget avait donné son accord de principe pour le reversement d'une enveloppe de 30 millions d'euros à partager entre le trot et la galop, c'est Stéphane Le Foll qui avait fait changer la donne et fait que les sports équestres récupèrent 20 millions sur les 30 ! Par ailleurs, les courses ont augmenté leur financement pour Equidia Life et le fond Eperon.

A la base, Stéphane Le Foll avait déclaré lors d'une 1e rencontre avec les députés et les sénateurs que les Haras Nationaux possédaient une génétique intéressante pour les sports équestres, sans citer les courses. Et il tient absolument à ce que les 2 bons chevaux de concours restent propriété de l'Etat pour les compétitions internationales. C'est pour cela qu'il a agit en sorte que la vente qui était prévu dès le lendemain de la clôture des Jeux Equestres Mondiaux à Deauville ne se fasse pas, pour conserver au moins ces 2 chevaux. Je pense que vu que les courses ont beaucoup interpelé les représentants du Ministère de l'Agrculture ces derniers mois, il a englobé le tout pour ne pas faire montre de trop de favoritisme. Mais cette décision soulève de nombreux problèmes.

 

  • Ambroise Dupont, présent à la réunion, m'a indiqué que Stéphane Le Foll a évoqué la location des 50 étalons nationaux, donc le parc dans son entièreté, et non les 27 retenus en priorté par les associations de race.

  • Il apparait qu'il faudra faire une offre globale avec un pourcentage de location unique pour chacune des races. Or, comment attribuer une taux unique pour chaque étalon puisqu'on sait très bien qu'ils ont tous un niveau de rentablité différent avec un nombre de saillies potentielles et des tarifs très variés. Il faudrait donc signre à un tarif unique et ensuite recalculer un vrai individuel pour chaque étalon. Cela s'annonce très compliqué. D'autant plus qu'une seule entité devra signer pour tous les étalons d'une race et qu'il ne sera donc pas l'exploitant lui-même des 9 chevaux en question. Mais il lui faudra quand même assurer le chèque chaque année et toutes les responsabilités.

  • Il faut que l'appel d'offre arrive dans les plus brefs délais pour que les candidats aient le temps de répondre. L'Etat va-t-il imposer des pourcentages ? (NDLR : on sait que France Haras a imposé des conditions sévères aux exploitants en 2013, et il risque d'y avoir des grosses différences entre les propositions des 2 parties !).

  • Vu que l'offre légale doit être ouverte à tous les acteurs européens, globale et à pourcentage unique, on peut imaginer qu'un type lambda, hors de nos frintières, prenne le lot entier à un tarif de location raisonnable, mais n'exploite réellement chez lui que les chevaux rentables à ce prix et laisse les autres au champ ! "
     

LES ANGLOS ENTENDENT UN AUTRE DISCOURS

 

Dans ce contexte, il est intéressant d'écouter d'une association de race petite en nombre mais très active et solidaire, le Syndicat AngloCourse, particulièrement concernée par la question car tout son parc étalon était il y a très peu encore sous la coupe de l'Etat. Aujourd'hui, après la vente calamiteuse d'étalons AA au Haras des Bréviaires le 9 novembre 2013 (Jebeland Pontadour, Annapolis, Zamouncho et Freelau), il reste 4 étalons nationaux de course: Fairplay du Pécos, Olzarte de Collongues, Arès de la Brunie et Carghese des Landes. Patrick Davezac (Haras du Pécos), transmet un son de cloche différent de celui de la directrice de l'IFCE : "Jean-Marie Bernachot, le Président de l'ANAA (Association Nationale des Anglo-Arabes), qui a suivi ce dossier de très près, m'a expliqué ainsi la position de l'Etat. Le principe serait que les 4 étalons anglo-arabes de courses concernés seraient loués à 20% et confiés en un bloc à l'ANAA, qui les basculeraient au Syndicat AngloCourse. Mais nous attendons une lettre officielle en début de semaine pour confirmer ces positions. En effet, l'année dernière, c'est ce qui étaient annoncé pour la suite de la carrière des étalons AA nationaux, puis au dernier moment, le Ministère des Finances a tout annulé et on s'est retrouvé aux ventes de Bréviaires..."

Voilà donc un nouveau rebondissement dans l'"affaire" des étalons des Haras Nationaux, sachant cette fameuse lettre fait partie d'une cascade de courriers, discussions, suggestions et réunions interminables avec les agents de l'Etat qui n'ont jamais conduit à quoi que ce soit de concret, clair et définitif, puisque tout peut être remis en question à chaque instant par les politiques. Cela est totalement affligeant et témoigne de la gestion à l'emporte pièce du gouvernement sur les affaires de l'Etat depuis des dizaines d'années en général. Plus aucun repère ni référence en toute matière, plus de direction et à la fin un capharnaum absolu où tout le monde parle (le dernier ayant parlé ayant raison) et où rien ne se fait. Quand on voit comment ce cas est géré par des coups d'éclats et des effets de manche, et donc non-géré, on peut se faire extrêmement peur pour les cas dont les enjeux financiers, sociaux et économiques sont autrement plus importants sur les plans nationaux et internationaux que quelques poignées de chevaux dont la valeur symbolique dépasse la valeur pécunière. François Mitterand a dit au début de son 1e mandat : " Prenons les décisions, l'intendance suivra". Une irresponsabilité dont la France ne parvient pas à se soigner.

 

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