Nouvelle-Zélande : visite de Cambridge Stud, haras d'Almanzor avec Brendan Lindsay et Joséphine Soudan

02/02/2019 - Découvertes
 A l'automne 2018, l'arrivée du crack français Almanzor en Nouvelle-Zélande a fait un énorme buzz, d'autant plus que le milliardaire Brendan Lindsay venait à peine d'acquérir Cambridge Stud, le plus grand haras traditionnel du pays qui l'accueillait, sans même l'avoir visité. Rencontre avec un homme totalement atypique et visite du haras en plein travaux avec Joséphine Soudan, jeune entraîneur qui a deux de ses chevaux à Chantilly. 

 

Au lendemain matin même du départ des 60 yearlings préparés par Cambridge Stud pour l'établissement des ventes de Karaka, fin janvier 2019, les engins sont arrivés pour raser les barns et toutes les installations, quelques semaines après la cour des étalons qui a également disparu dès qu'Almanzor est remonté dans l'avion pour son voyage de retour en France.

 

 

 

Aujourd'hui, l'intégralité des installations, un peu vieillissante, du plus célèbre haras traditionnel du pays, qui a été 32 fois tête de liste des vendeurs à Karaka, qui a élevé 132 gagnants de Gr.1, ont disparu pour être remplacé bientôt par un ensemble qui s'annonce grandiose, comprenant même un musée du l'histoire du site créé par Sir Patrick Hogan. Seuls sont restés, évidemment, les statues et pierres tombales de Sir Tristram et de son fils Zabeel. Fils de Sir Ivor né en 1971, entraîné en France par Charley Millbank, Sir Tristam a gagné seulement 2 courses dans l'hexagone, mais il est devenu le plus grand chef de race de tous les temps tant en Nouvelle-Zélande où il a fait toute sa carrière et dominé les classements pendant près de 20 ans, qu'en Australie où il a été 6 fois tête de liste. Sir Tristram a fait la fortune de Sir Patrick Hogan, d'autant plus que Cambridge a aussi hébergé son meilleur fils Zabeel, lui aussi dominateur pendant plusieurs années dans les deux pays. Pour mieux se rendre compte, Sir Tristram, mort à 26 ans en 1987, avait commencé la monte pour l'équivalent de 800 € et son tarif est monté jusqu'à 120.000 € dans les années 80, un tarif tout à fait extraordinaire anx antipodes où les prix de saillie sont nettement moins élévés qu'en Europe.

 


Brendan Lindsay


La statue de Sir Tristram, le plus grand étalon de tous les temps en Océanie.
 


Joséphine Soudan visite Cambridge Stud en plein travaux en compagnie de Romain Dupasquier (1er garçon chez FH Graffard) et le courtier Nicolas Lefevre.

Cambridge est la parfaite illustration du type d'élevage néo-zélandais, beaucoup plus basé sur les chevaux de 3 ans classiques de 2400 m que sur la vitesse et la précocité, apanages de l'Australie voisine. Eleveur de 132 gagnants de Gr.1, dénué de successeur, Sir Patrick Hogan a estimé l'an passé qu'il était temps de passer la main. Mis au courant de cette nouvelle, Brendan Lindsay a mis l'argent sur la table sans même avoir visité les lieux ! Il a tout acheté : les 180 hectares de terres, le matériel, les yearlings, les foals, les 84 poulinières et les étalons dont la vedette actuelle Tavistock, un fils de Montjeu qui reste liste pleine bien que son prix ait été multiplé par 3 pour bondir dernièrement à 50.000 €. Evidemment, Lindsay a commencé à acheter toutes les terres alentours pour agrandir son domaine. Et le nouveau propriétaire a fait un énorme buzz en important le crack français Almanzor, pour sa 1ère année en double saison, fin 2018.

 


Tavistock, fils de Montjeu, étalon vedette résident de Cambridge Stud où il est le 2ème étalon le plus cher du pays.
 

 

 

 

Nous avons en effet affaire à un personnage hors norme, multi-milliardaire, un self made man à l'américaine qui a commencé dans son garage avant de créer une immense fortune industrielle en fabriquant des objets qu'on a tous dans nos cuisines. " J’ai créé une entreprise multinationale nommée Sistema Platics, qui fabrique les tupperware à clipser qu’on trouve partout dans le monde, y compris chez vous en France. Je l’ai vendue aux américains de Newell il y a 2 ans, pour 660 millions de dollars néo-zélandais (soit 400 millions d'euros !). J’avais déjà des chevaux avec ma femme Joe, à l’entraînement et aussi à l’élevage. Nous adorons l’ambiance des courses, avec ses hauts et ses bas, même si on préfère les hauts évidemment. Et l’achat de Cambridge était une opportunité évidente à saisir pour renforcer notre implication dans les courses. Notre plan sur 5 ans est de reconstruire intégralement Cambridge. Nous avons démoli tous les anciens bâtiments, afin de laisser la place pour les nouveaux, qui seront plus modernes et accueillants, avec des bureaux, des salons d’accueil, des barns de yearlings, cour des étalons, salles de gynéco. Nous allons tout changer. Par ailleurs, nous avons acheté l’an dernier 6 poulinières à Tattersalls et 7 à Arqana. »

 

 

Quand Brendan Lindsay se lance dans les travaux, il change tout, de A à Z. Dernièrement, il a déjà transformé une ancienne ferme bovine toute proche de Karaka à Auckland. En l’espace de quelques mois, tout le relief a été refait et sont sortis de terres, des pistes dont un gazon de 1800m, un barn d’un chic étincelant, des marcheurs dernier cris dont un aquatique, des paddocks, cela uniquement pour les 25 pensionnaires de son entraîneur privé. Cela augure de se qui va se passer dans les mois à venir à Cambridge Stud, le tout en noir et jaune comme sa casaque et les couleurs du maillot de son équipe de rugby préférée !
 
 

 

 
 
 
Joséphine Soudan a organisé la visite et nous avait prévenu que cela pouvait être grandiose ! Jeune femme entraîneur installé depuis seulement 2 ans à Chantilly, et déjà gagnante de Listed, elle a deux pensionnaire de Brendan Lindsay, qu'elle a rencontré avec sa femme Joe sur le bord des pistes de Chantilly. Les Lindsay ont également des chevaux à l'entraînement chez Nicolas Clément, et ont acheté 4 yearlings l'été dernier à Deauville. " J’apprécie beaucoup Joséphine Soudan. Il n’y a que peu de femme entraîneur en France. C’est une jeune professionnelle très compétente et avec ma femme Joe, nous avons voulu la soutenir."
 
Homme pressé mais humain, Brendan Lindsay a toujours été très proche de son personnel, tant dans l'entreprise qui l'a rendu riche et célèbre, expliquant alors qu'il prenait autant en compte les avis de ses petits ouvriers de manutention que de ses chefs de marketing, que pour son élevage. On l'a vu ainsi faire le débrifing de la 1ère journée de vente en abordant tous les points nécessaires avec son équipe réunie au grand complet, une bière bien fraîche à la main évidemment. On ne peut que souhaiter de bénéficier de l'élan d'un propriétaire qui a le vent dans le dos. Il a signé les 2 top price du 1er jour des ventes à 600.000 € et 400.000 €. 
 
 

 
 
Probabeel offre sa 1ère victoire à Brendan Lindsay dans le Karaka Million pour sa 1ère tentative.
 
 
Pour sa 1ère tentative dans la fameuse Karala Million des 2 ans à Ellerslie, la veille des ventes 2019, il s’est imposée avec la pouliche Probabeel, achetée 215.000 € l’année précédente. Et à peine avait-il acquis Cambridge Stud qu’il y a fait venir le célèbre français Almanzor au 2ème semestre 2018. Cela a provoqué un buzz considérable en Nouvelle-Zélande. En effet, l'élevage local a été construit au 20ème siècle avec des chevaux européens de seconde zone (aucun américain ou presque, car il n'y a pas de courses de dirt chez les kiwis), dont d'ailleurs le chef de race Sir Tristram. Le système de shuttle stallion a permis à à cette région du monde d'avoir accès à des éléments de plus haut niveau, mais les meilleurs étalons venus de l'hémisphère nord vont toujours en Australie, où les courses sont beaucoup plus riches et où des éleveurs aussi nombreux que variés ont les moyens de se payer de saillies pour plusieurs dizaines de milliers d'euros. En Nouvelle-Zélande, il faut savoir raison garder et rares sont les vedettes du nord à faire la visite. Notons que Reliable Man obtient de très bons résultats à Westbury Park à 12.000 €, tandis qu'à Windsor Park Stud, partenaire habituel de Coolmore, sont proposés Rip Van Winkle à 8000 € et Charm Spirit pour un tarif non dévoilé à l'heure actuelle.
 
 
 
 
Il n'empêche que l'arrivée dès sa 1ère saison de monte d'Almanzor, sacré champion d'Europe de l'année 2016 grâce à ses 3 victoires de Gr.1 époustouflantes dans le Jockey Club, les Irish Champion Stakes et les Champion Stakes, ont suscité énormément d'intérêt, et cela même si son grand-père paternel Ifraaj n'est pas le mieux vu dans cette partie du monde. Almanzor a débuté sa carrière à 35.000 € avec 140 juments saillies au printemps 2018. Il a fait de même en Nouvelle-Zélande, où il a été exporté pour l'automne par l'intermédiaire de Gérard Larrieu. Brendan Lindsay poursuit : " Nous avons la chance d’acheter les droits de saillies de l’hémisphère sud d’Almanzor, afin de le stationner en Nouvelle-Zélande. Nous sommes limités à 140 juments et nous avons vendu toutes les saillies tellement vite que nous avons dû dire à une vingtaine d’éleveurs de revenir l’année prochaine. Il est donc très populaire, c’est un champion doté un modèle superbe et on espère qu’il va transmettre toute la qualité de son sang français à notre élevage local. »

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