Adieu Monoalco. L'ancien champion d'Auteuil est mort à 20 ans

11/03/2020 - Découvertes
" C'est avec une grande tristesse que nous avons perdu aujourd'hui notre "Momo", MONOALCO, qui s'est éteint de sa belle mort à l'âge de 20 ans". Ainsi Philippe et Camille Peltier annoncent-ils la disparition de leur champion préféré, qui était resté à l'écurie pour sa retraite. Revenons ici sur l''histoire rocambolesque de son origine, une drôle d'histoire de carriole et de chasse au sangliers dans la Nièvre...

 
Retrouvez une édition de la toute 1e émission de France Sire, A Cheval sur l'Histoire, consacrée à Monoalco.

 

 
"Lauréat du Grand Prix d'Automne en 2008 sur l'hippodrome d'Auteuil sous la selle de David Berra, il nous avait offert notre 1ère victoire classique au niveau Groupe 1. Momo faisait partie de la famille. Depuis la fin de sa carrière en 2008, il n'avait jamais quitté la maison. Aussi bien parce que nous voulions le garder auprès de nous quoiqu'il arrive, mais aussi, parce qu'il était devenu impossible de l'approcher un licol à la main !! Un caractère bien trempé ! RIP Momo, Merci pour tout, tu nous manqueras."  
 
 

Le regretté René Beaunée, un véritable Asterix nivernais, qui avait le sens de la formule : " les chevaux, je m'en foutais comme de l'an 40."
 
 
Meilleur cheval de haies de son époque en France, Monoalco a toujours été très bien entouré par des membres de l'élite en leur genre: son père Dom Alco, son entraîneur Philippe Peltier, son éleveur d'AQPS Yves de Soultrait et son jockey David Berra. Toutefois, cette bien belle histoire a commencé par une mystérieuse négocation menée au fond d'une ferme au sortir de la 2e guerre mondiale. Il y a 10 ans tout juste, lors de la réunion du syndicat de la Nièvre, Yves de Soultrait, à travers les applaudissements chaleureux adressés aux exploits de son élève, avait rendu un hommage particulier à un membre parmi les plus discrets mais les plus typiques de l'assemblée, René Beaunée.
 

 


Eleveur de Monoalco, Yves de Soultrait en 2009, récompensé par Michel de Gigou.


Les 2 hommes ont une histoire commune avec Monoalco. Ils se sont croisés sur le chemin du futur crack il y 60 ans ! 
Yves de Soultrait se rappelle que son père, Roger, avait acheté une jument en 1950 nommée Farandole, qui deviendra la 4e mère de Monoalco. Il avait acquis cette femelle, alors âgée de seulement 1 an, du père de René Beaunée, qu'il a appelé Victor. En fait, il s'appelait Emile, mais pourquoi pas, avec le voisin qui s'appelait Paul, cela aurait fait un beau trio d'explorateurs. 

 



René Beaunée ? Un personnage. Il fait partie des gens que la génération des trentenaires a toujours connu vieux, qu'il est impossible d'imaginer avec des parents. Un regard perçant qui relève un dos courbé. Son nom fait encore frémir de peur les hordes de sanglier. Les chasseurs du coin, soudainement déguisés en Buffalo Bill le samedi venu, transmettent ainsi aux jeunes Davy Crockett du cochon à poil, dès leur permis de tirer décroché, la légende du René. Le seul, l'unique guerrier capable d'aller chercher jusqu'au fond d'une tannière de ronces, en rampant à travers les épaix fourrés, avec comme seul arme une dague et une bonne machoire, le sanglier acculé, et plus dangereux que jamais, pour l'achever à la main à la place des chiens !

 


Monoalco après son succès dans le Prix La Barka en 2008, entouré de Philippe, Isabelle et Camille Peltier, avec Jacques Ricou et Olivier Cacquevel.

 

René Beauné, ce trompe-la-mort, a frôlé cent fois l'issue fatale du combat, car un sanglier blessé est encore plus féroce qu'un syndicaliste en RTT. Plutôt Astérix qu'Obélix dans son physique, il a fait autant de victimes que les 2 vedettes gauloises réunies. Pas un tendre, le René. Mais un paysan attaché à sa terre, pas seulement parce que ses bottes y collaient comme de la glue pendant l'hiver. Il n'appréciait que peu de gens, mais les appréciait franchement. Un taiseux, qui parfois se mettait à parler et se lancait  dans d'incroyables récits où l'aventure sortait de chaque coin de pré.

" Moi les chevaux, je m'en foutais comme de l'an 40 ". C'est sans doute une expression, car l'histoire se passe en 1950...
Il était là, dans la cuisine de la ferme de Champdoux où il a passé tout le reste de sa vie, déjà jeune homme quand le père de Roger de Soultrait, Yves, rendait visite à son propre père, Victor, Paul, non Emile.

 


Monoalco

  

 

L'un est propriétaire des terres de l'autre. Il est facile de deviner qui....Détenteur des terres mais pas des animaux qui sont dessus. A l'époque, pas de véhicule. On se déplace à cheval, en carriole. Le père de Soultrait en cherche une. René Beaunée explique : " Dans le champ, il y avait Alouette de Champdoux avec sa fille d'un an, Farandole. Elle n'avait jamais mangé un grain d'avoine! Mon père avait acheté la mère d'Alouette pour faire de la carriole, pour se déplacer. C'était une bretonne. Des bonnes juments de trait. En voiture avec Alouette, pour aller de Champdoux à Cercy-le-Tour, il y en a jamais eu un pour me dépasser ! "

Convaincu par ce type de performance hors norme, Yves de Soultrait achète la fille, Farandole, qui battra sûrement des records le dimanche sur le chemin du retour de la messe, car chez les aristocrates de la campagne, on va à la messe le dimanche et il faut y arriver en faisant bonne figure.

Rapide comme l'éclair, Farandole a été finalement été mise en courses. Elle est devenue une matronne extraordinaire, avec les champions des années 60 Thuya et Vendetta, mais aussi Charles IV, plus récemment Temerson, Underline II, Fou du Roy, Gun'n Roses ! Cette Farandole est la 4e mère de Monoalco.

 


René Beaunée a aussi élevé Gwenn, gagnant du Grand Steeple-Chase de Paris.
 

 

Pendant ce temps là, René Beauné  s'est mis à apprécier les chevaux, toujours de façon très naturelle, c'est à dire élever pour qu'ils soient très autonomes. " Mon père avait une soeur de Farandole, qui s'appelait Quendiratu. On me l'a demandée plus d'une fois, mais elle avait disparu." Encore un mystère à éluder. En tout cas, s'il a perdu à tout jamais la souche de sa chère Alouette de Champdoux, René Beauné s'est refait récemment avec un pur-sang, au beau milieu du royaume des demi-sang.

 

Robert Fougedoire lui avait donné une mauvaise pur-sang pour tenter un coup en faisant un croisement à l'envers avec un AQPS. Comme il ne fait toujours que ce qu'il veut, il a mis cette jument, Barbacena, à un pur-sang, King Cyrus. Le produit, King Bar, ne court pas. Il insiste et présente cette nouvelle jument, King Bar, à Montorselli. Un poulain gris nait de  cette union. Un jour que Jean-Pierre Bichon, transporteur, passe dans les parages, il s'arrête pour on ne sait quelle raison à Champdoux. René Beaunée lui présente le poulain en lui annonçant sans frémir:  " Si celui-là n'est pas tout bon, je m'en mords un oeil ". Impressionné par l'enjeu, Jean-Pierre Bichon emmène la bête. C'était Gwenn, qui a gagné le Prix du Président de la République 2003. Sacré coup de veine pour le regard du vieux paysan."

 


Miss de Champdoux, monté par Johnny Charron.


Miss de Champdoux avec toute la famille Cassier lors de sa victoire pour sa course d'adeux à Enghien.

 

Aujourd'hui, René Beaunée est décédé mais sa fille, Marie-Hélène Cassier, habitant Cercy la Tour, a brillamment repris le flambeau familial. Logiquement, elle s'est rapprochée de Philippe Peltier pour lui confier sa 1e pouliche, une certaine Miss de Champdoux. Celle-ci est devenue une championne, double gagnante du Grand Steeple-Chase d'Enghien, dont la toute dernière édition en novembre 2016, sa course d'adieu. Ils ont aussi brillé dernièrement avec Echo de Champdoux, un AQPS qui a gagné 4 courses dont le Prix Laniste à Auteuil en septembre 2019.

 

 

 

 

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