Furieuse, la revanche sur la vie d'une Anglo-Arabe orpheline et balafrée

22/04/2022 - Anglo Actualités générales
Lauréate dès ses premiers pas en compétition dimanche dernier à Tarbes, Furieuse a provoqué une (très) forte émotion au sein de son entourage, notamment du côté de ses éleveurs, Jean-Marc Davezac et Daniel Lacassagne, qui se sont battus bec et ongle avec leurs familles pour que puisse vivre cette pouliche Anglo-Arabe devenue orpheline à un mois et gravement blessée yearling. Une belle revanche sur la vie s'il en est.

L'Anglo-Arabe Furieuse, après sa victoire en débutant dans le Prix Genmoss à Tarbes, dimanche dernier, avec de part et d'autres, lunettes sur le nez ou la tête, ses éleveurs, Daniel Lacassagne et Jean-Marc Davezac (© Facebook Paris Turf)

 

De la folie furieuse. Sans vilain jeux de mots aucun, voilà comment pourrait être défini ce qu'ont vécu ensemble Jean-Marc Davezac & Daniel Lacassagne ainsi que leurs familles en ce week-end de Pâques, à Tarbes (Hautes-Pyrénées). Car au cours de cette réunion dominicale, qui lançait officiellement la saison 2022 de courses sur l'hippodrome de Laloubère, l'une des représentantes Anglo-Arabes de leur élevage, Furieuse, dernier produit de leur matrone Foly du Pécos, est parvenue à remporter haut-la-main le Prix Genmoss (ex- Prix Carabine, ndlr), alors qu'il s'agissait là de sa toute première sortie en compétition.

Rapidement en bon rang, à l'abri, dans le dos des principaux animateurs, la partenaire de Guillaume Guedj-Gay s'est annoncée à l'extérieur, dans le tournant final, et a ensuite très bien accéléré tout au long de la dernière ligne droite, pour finalement l'emporter avec une rélle autorité. Trois longueurs et demie séparent en effet cette protégée de Xavier Thomas-Demeaulte de son compagnon de casaque et de box, Jerywood Pontadour (Shrek), qui termine deuxième, trois-quarts de longueur devant Fenomene (Shrek), autre élève de Jean-Marc Davezac & Daniel Lacassagne. Ce dernier détaille: "Nous étions tous très nerveux avant la course, mais aussi très excités. J'avais un peu tempéré tout le monde car elle n'est à l'entraînement que depuis décembre. Terminer troisième ou quatrième aurait déjà été très bien. Mais elle a préféré gagner, surprenant tout le monde. Sauf peut-être son entraîneur, Xavier Thomas-Demeaulte, qui nous avait dit qu'elle allait bien le matin. Je ne vais jamais voir nos chevaux à l’entraînement, seulement aux courses. Ce n'est qu'une fois qu'ils ont franchi le poteau que l'on sait réellement ce qu'ils valent".

 

 

Un "coup d'essai" qui s'est donc transformé en "coup de maître" pour cette pouliche par Scalo, Anglo-Arabe à 25%, que beaucoup, et plus particulièrement ses éleveurs, n'auraient jamais cru capable un jour de fouler du sabot le moindre champ de courses. Et encore moins de rallier la première le poteau d'arrivée. Daniel Lacassagne nous explique: "La voir sur un hippodrome est déjà magnifique en soi. Car Furieuse n'a vraiment pas été gâtée par la vie. En effet, sa mère, Foly du Pécos, est morte de colliques un mois après sa naissance. Cela s'est produit le jour de mon anniversaire, alors que j'étais en vacances en Corse, avec ma compagne. Jean-Marc Davezac, avec qui je suis associé, avait emmené la jument à la clinique vétérinaire de Pau. Malgré tous leurs efforts, ils n'ont pas réussi à la sauver. Le lendemain, j'ai donc pris le ferry jusqu'à Toulon et ai roulé d'une traite jusqu'à Pau afin de récupérer la pouliche et faire une dernière caresse à Foly du Pécos. Jean-Marc m'a ensuite expliqué qu'avant de "partir", la jument, bien qu'à bout de forces, avait trouvé le moyen de s'asseoir de telle façon à ce que sa pouliche puisse aller téter une toute dernière fois. C'est dire de la force de caractère dont elle pouvait faire preuve !".

 

Scalo, le père de Furieuse

 

Une force de caractère qu'elle semble avoir transmise à sa progéniture. Car le reste de la prime jeunesse de Furieuse aura tout sauf été un long fleuve tranquille, comme nous le raconte Daniel Lacassagne: "Les premiers jours après la mort de sa mère, Furieuse refusait de boire le lait qu'on lui donnait, qu'il soit dans un seau ou dans un biberon. En plus, elle ne touchait presque pas à ses granulés. Elle n'avait qu'une idée en tête: aller téter une autre jument de notre élevage, Tara, une pur-sang arabe qui partageait son enclos. Sauf que elle aussi avait eu une pouliche cette année-là, et mordait systématiquement Furieuse quand celle-ci s'approchait trop près de ses mamelles ! Il fallait vraiment trouver une solution, car la pouliche, couverte de morsures, dépérissait de jour en jour. Alors avec ma compagne, Sylvie, nos trois filles, Adeline, Pauline et Valérie, et notre nièce, Cloé, avons élaboré un stratagème bien précis: enfermer Tara matin, midi et soir toute seule au box afin de la "surnourrir" pour ensuite la ressortir, en la tenant au licol, afin qu'elle laisse téter sa pouliche ET Furieuse, chacune à une mamelle. Avec le temps, Tara s'est résignée et laissait téter Furieuse sans même qu'on ait besoin d'intervenir".

 

La fameuse Tara, avec ses deux "bébés", dont Furieuse, en train de se délecter de son très riche lait maternel

 

Mais une fois sevrée de sa "mère" et "soeur" adoptives, le destin a de nouveau voulu s'acharner sur la pauvre petite Furieuse. Daniel Lacassagne se souvient: "Lorsqu'elle était yearling, un cheval lui a galopé dans un postérieur et l'a gravement blessée, à tel point que l'on pouvait très nettement distinguer le tendon à l'oeil nu ! On se demandait sérieusement si cela allait guérir un jour. Mais avec le temps, et les nombreux bandages faits tous les deux/trois jours par Jean-Marc Davezac et sa femme, Sylvie, nous y sommes parvenus. Elle a toujours une balafre aujourd'hui, mais se déplace très bien. Nous n'avons pas voulu l'emmener au Grand Show Anglo à 2 ans à cause de son petit modèle dues aux carences qu'elle a eu plus jeune. Elle aurait eu l'air du parfait "vilain petit canard" face aux autres. D'ailleurs, ses frère et soeurs n'étaient pas non plus des canons de beauté au même âge. Heureusement qu'ils se sont bien rattrapés aux courses par la suite ! (rires)".

 

Flamb'ee, l'une des soeurs de Furieuse, lors de sa victoire dans le Grand Prix des Anglo-Arabes, à ParisLongchamp, en 2018 (© APRH)

 

C'est en effet le moins que l'on puisse dire ! Car sur les quatorze produits de Foly du Pécos à être allés en compétition, douze ont réussi à passer le poteau en tête, dont dix femelles. Parmi ces dernières figurent notamment la championne Flamb'ee, gagnante à huit reprises en plat, notamment du Grand Prix des Anglo-Arabes à ParisLongchamp, en 2018, mais aussi Furie (Prix de l'Élevage, Omnium et Grand National à 37.5%), Fracassee (Grand Prix des Anglo-Arabes, Grand Prix des Pouliches à 25%), Frappee (Grand Prix d'Aquitaine, Omnium et Grand Prix des Pouliches à 37.5%) et autre Flinguee (Grand Prix des Pouliches et Poule d'Essai à 37.5%).

 

Jean-Marc Davezac et Daniel Lacassagne (à droite), les éleveurs de Furieuse et de tant d'autres bons "F" Anglo-Arabes entraînés à l'époque par Xavier Thomas-Demeaulte: Flamb'ee, Flinguee, Furie, Fracassee, Frappee (© APRH)

 

Autant de championnes Anglo-Arabes à avoir été entraînées, comme Furieuse, par le discret mais diablement efficace Xavier Thomas-Demeaulte, mais aussi élevées par les grands amis Jean-Marc Davezac et Daniel Lacassagne. Ce dernier, dont la structure d'une dizaine d'hectares est implantée sur la commune de Beaumarchés (Gers), nous informe: "Je ne suis pas du tout issu du sérail à la base. Mon premier lien avec les courses s'est fait quand j'avais 8 ans et que j'allais jouer le tiercé de mon voisin, car sa femme ne voulait pas (rires). Il me donnait quelques euros en plus et je m'amusais à faire des couplés de mon côté. J'ai ensuite rencontré Jean-Marc Davezac à l'adolescence. On aimait bien faire la fête ensemble, aller aux bals et/ou en boîte de nuit, mais aussi aux courses, afin d'aller voir et encourager les chevaux de son père (Claude Davezac, également père de Patrick, aujourd'hui à la tête du Haras du Pécos, ndlr). Et à 25 ans, avec mes premières économies, j'ai acheté une jument au lieu d'une jolie voiture, avec pour seule critère qu'elle soit gentille (rires). Mais cela n'a pas donné grand chose, et je l'ai réformée. Quelques années plus tard, Jean-Marc m'a proposé de m'associer avec lui sur une poulinière Anglo-Arabe que son frère souhaitait vendre. Une jument avec de très bons courant de sang et qui avait tout pour bien faire au haras selon lui. C'était Foly du Pécos".

 

Les grands amis et associés, Jean-Marc Davezac et Daniel Lacassagne, interviewés par nos soins suite à la victoire de Flamb'ee, soeur de Furieuse, dans le Grand Prix des Pouliches à 12.5% de Tarbes, en 2017

 

Issue de l'union entre Khanjer Joli et Ferdelia, l'une des poulinières de tête du Haras du Pécos (mère entre autres des excellents Frisson du Pécos et Family, ndlr), Foly du Pécos (dont le nom est apposé au Prix des Grands Pins (Classic II) désormais, ndlr) n'a certes guère brillé en compétition, se classant au mieux troisième en débutant à Tarbes, mais s'est ensuite pleinement rattrapé au haras, comme énoncé plus haut dans cet article. À tel point que ses éleveurs n'hésitent pas à la considérer comme la "jument de leur vie", Daniel Lacassagne le premier: "Quand Jean-Marc m'a proposé cette association, je n'ai pas dit oui tout de suite, voulant mettre un peu d'ordre dans ma vie personelle. Mais j'en ai ensuite finalement achetée la moitié. Je les élève jusqu'au sevrage et ils vont ensuite chez Jean-Marc à 1 et 2 ans. Nous louons ensuite la carrière de courses de nos chevaux à des entraîneurs comme Xavier Thomas-Demeaulte, avec qui nous nous entendons très bien. Il faut savoir que sur la vingtaine de produits que nous avons élevé ensemble, avec aussi ceux issus de Fendue, Flamb'ee et Flinguee, trois filles de Foly, 95% d'entre eux sont des femelles. Même Jean-Marc, qui est professeur de mathématiques avant d'être éleveur, ne parvient pas à m'expliquer le pourquoi de ce ratio ! (rires) Au cumulé, ce sont plus d'un million d'euros de gains gagnés par les produits de Foly du Pécos aujourd'hui (1.009.081€ avec les primes propriétaires, ndlr). Grâce à elle, j'ai énormément appris en tant qu'éleveur, à observer, comprendre un cheval et ainsi pu gommer bien des erreurs". 

 

Daniel Lacassagne, de dos, veillant à ce que Furieuse (à droite) puisse bien téter Tara, sa "mère d'adoption"

 

Le rêve de voir leur petite "orpheline balafrée" pendre part à une épreuve - et la remporter ! - étant devenu réalité, Jean-Marc Davezac & Daniel Lacassagne peuvent à présent espérer caresser du doigt celui de voir Furieuse répéter dans la filière classique des Anglo-Arabes à 12.5%, avec le Critérium des 3 Ans (Prix Paban de France) du 12 mai prochain, à Tarbes, en ligne de mire. Avec, là encore, la furieuse envie que lui aussi se réalise.

 

Bonus: en signe d'hommage à Foly du Pécos, l'une des filles de Sylvie et Daniel Lacassagne a écrit ces quelques vibrantes et émouvantes lignes que nous avons souhaité partager avec vous:

"Juillet 2019 , c'est là que tout s'arrête , que tout commence.

Non sans mal toute notre famille voit partir la jument d'une vie. Celle qui vous marque à jamais, par son tempérament, sa personnalité, son incroyable descendance de championnes qu'elle a su élever avec excellence, une mère accomplie qui nous a laissé vivre ces incroyables moments auprès d'elle, avec elle. FOLY, cette jument qui a lié a jamais notre famille. Elle nous a laissé nous, mais elle a laissé surtout FURIEUSE cette pouliche d'un mois qui nous a tous mis au défi. Même après son départ brutal FOLY nous a poussé à se lier tous ensemble dans un seul et même but : TOUT FAIRE pour sauver notre orpheline. Nous avons tout vécu avec FURIEUSE, sa peine, sa colère et aujourd'hui ses premier pas en piste.

Des moments de doutes, de peur de la perdre aussi...

Mais FOLY ne nous a pas habitué à perdre ! La vie gagne toujours et FURIEUSE montre à tous aujourd'hui que l'union fait la force .

Nul doute aujourd'hui que ce n'est pas la fin de l'histoire mais un nouveau chapitre ; elle nous donnera sans aucun doute des étoiles plein les yeux par sa force, son courage et par tout ce qui fait d'elle aujourd'hui une pouliche unique à nos yeux. Une guerrière que la vie a mis à l'épreuve et qui a vaincu .

A la carrière de FURIEUSE, à la mémoire de FOLY".

 

 

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