Danehill, 10 ans déjà (5e Episode) : l'un des pionniers du «shuttle-stallion»

07/04/2013 - Chef de race
En 1989, John Messara (Arrowfield Stud) s’associe à Coolmore dans l’achat de Danehill pour £ 4.M. au Prince Khalid Abdullah. Actionnaire majoritaire, il fait, à cette occasion, l’une des acquisitions qui s’est avérera être l’une des plus importantes pour l’histoire de l’élevage australien depuis Star Kingdom dans les années 50-60.

Messara, Coolmore, comme larrons en foire…

 

Entraîné par Jeremy Tree, top-weight du classement international des 3 ans sur les distances allant de 1.000 à 1.400 m., Danehill a mis un terme à sa carrière à la veille (ou l’avant-veille) du Prix de l'Abbaye de Longchamp 1989 pour cause de blessure.
Il entre donc au haras au printemps suivant, tout d’abord en Irlande à Coolmore Stud (créé en 1975), puis poursuit sa saison de monte dans l’hémisphère sud chez John Messara à Arrowfield Stud.
 
Les deux associés saisissent l’importance des «navettes» d’étalons (shuttle stallions) entre les deux hémisphères. Les deux John (Messara et Magnier) et Danehill sont, pour ainsi dire, les précurseurs de ce genre de pratique même si John Magnier l’avait déjà inauguré dans les années 70-75 (voir le chapitre les débuts du Boss).
 
Il débute donc en Irlande au prix de 25.000 Guinées irlandaises (le top à cette époque pour une première année de monte) et au prix de A$ 37.500 au second semestre. Quand un éleveur a la chance d’obtenir une saillie, il lui faut débourser en 2001, $ 200.000.
En 1999, la saillie coûte A$ 120.000, déjà un prix record pour un étalon en station en Australie et pourtant 164 juments lui seront présentées (après en avoir honoré 148 en Irlande). En 2000, une saillie a été vendue aux enchères pour A$175.000 au propriétaire de Tyreel Stud (Jim Fleming).
 
Notes
-Danzig, le père de Danehill, avait débuté à $ 25.000. En 1990, année de l’entrée au haras de son fils, il pointe à $ 250.000 (sans conditions) (1986 : $ 450.000).
-Star Kingdom est le père notamment de Noholme, Biscay (père de Marscay, Bletchingly d’où Redoute’s Choice), Reveille (bien connue au Quesnay), Sky High, Kaoru Star (d’où Danzero)…
 
 
Trois premières saisons, plutôt australiennes
 
Danehill effectuera 14 saisons, mais seulement 12 dans l’hémisphère sud. En 2001, l’Australie n’est pas très chaude pour importer des étalons européens en raison de la fièvre aphteuse (ou de la «vache folle» qui est aussi, cette année-là, la cause de l’annulation du meeting de Cheltenham) qui y sévit et interdit temporairement les «navettes» ; le sieur de Coolmore est contraint d’attendre les autorisations et finira par traverser les frontières. Ce sera sa dernière année de monte australe car l’année suivante, il est décidé de ne pas l’y renvoyer.
 
-1991 : la toute première génération des produits de Danehill est prometteuse : 11 victoires de Gr.1 pour 7 de ses fils ou filles presque tous nés en Australie : Danarani (f.), Danasinga, Danewin, Danish (f.), Danzero, Jolie Denise (f) et Kissing Cousin (la seule à être née dans l’hémisphère nord).
 
Notes :
Danzero, décédé en 2011, avait été élevé par John Messara. Cheval de cœur d’Arrowfield, il faisait partie des 52 foals de la «first crop» de Danehill. Lui aussi a fait la navette avec les iles britanniques.
 
-1992 : c’est l’année de Flying Spur (3 Gr.1 et retraité depuis octobre 2012) et Nothin’Leica Dane (2 Gr.1), tous les deux australiens et tous les deux élevés par Arrowfield Stud.
 
 
Flying Spur
 
 
-1993 : naissance européenne pour Danehill Dancer (seul gagnant de Gr.1 de l’année à être né en Europe). Il est le père de 4 pouliches européennes classiques mais d’un seul vainqueur mâle, Mastercraftsman (Irish 2000 Guinées). Par contre, un de ses fils pourrait bien le remplacer à l’avenir, Choisir en l’occurrence (déjà père de 48 SW dont Starspangledbanner et la dernière trouvaille, Olympic Glory). Naissances australiennes pour Dane Ripper (4 Gr.1, élue championne deux années consécutives en Australie et entraînée par Bart Cummings) et pour trois gagnantes de 2 Gr.1 chacune, Danendri, Dashing Eagle et Merlene.
 
 
Olympic Glory remportant le Prix Jean-Luc Lagardère 2012
(Photo APRH)
 
 
Notes :
Choisir s’est imposé dans la Golden Jubilee 2003 de Royal Ascot comme le fera son fils Starspangledbanner en 2010 et la star Black Caviar l’an passé. Danehill avait également gagné cette épreuve, mais elle s’appelait encore Cork and Orrery St. (Gr.3).
Choisir avait été le premier cheval australien a enlevé les King’s Stand St. D’autres ont suivi tels que Takeover Target, Miss Andretti, Scenic Blast et Little Bridge (née en NZ). En 2011, Star Witness avait fini second.
 
 
 Voir la victoire de Choisir dans les King Stand Stakes 2003
 
 
-1994: naissance européenne pour Desert King, qui sera son premier fils vainqueur d’un classique en Europe (Guinées et Derby irlandais), pour Danetime (qui deviendra le père de Myboycharlie et Bushranger), pour Johan Cruyff…, mais pas de phénomène né dans l’hémisphère sud.
 
Notes
Desert King donnera naissance à Mr Dinos, Darsalam mais surtout à la championne australienne, Makybe Diva (née d’une mère par Riverman), 15 victoires, 7 Gr.1 (dont 3 fois la Melbourne Cup de 2003 à 2005), élue cheval de l’année à deux reprises.
 
-1995 : naissances européennes pour Tiger Hill (2000 Guinées allemandes, décédé en 2012), pour Sopran Londa (Premio Regina Elena) et Rondan (St Leger italien). Douze Gr.1 pour des produits nés en Australasie.
 
 
Tiger Hill
 
 
Notes
-En 2001, 62 étalons faisaient la navette entre l’hémisphère sud et le Japon, les USA et l’Europe (qui en comptait 29 dont Octagonal, Flying Spur, Danzero, Danehill…)
-Danehill croise dans les paddocks irlandais un certain Sadler’s Wells (installé déjà depuis 5 ans, il a acquis une telle renommée et un tel pourcentage de fertilité qu’il ne sera pas contraint à la double saison de monte) puis, pour peu de temps, deux de ses fils Montjeu et Galileo. En 1997, Danehill est rejoint par son fils Danehill Dancer puis suivra l’année suivante, Desert King.
En Australie, il a comme voisinage le français Kenmare, Last Tycoon (décédé en juin 2006 à 23 ans au Japon), Fairy King (décédé en 1999), Geiger Counter (décédé en 2000 qui a fait la monte au Canada et à Coolmore’s Kentucky Stud (Ashford).
 
-Danehill (également connu sous le nom de Dane Hill) est aussi un village de l’East Sussex en Angleterre (Maurice Gibb, un des trois Bee Gees, y a vécu pendant un certain temps)
.
-Arrowfield Stud fait l’actualité en ce mois de mars puisqu’il vient de remporter la Dubai World Cup avec Animal Kingdom, un vainqueur de Kentucky Derby qu’il a acheté tout récemment avec Team Valor (avec Silver Charm, il est le second vainqueur de Derby américain à s’imposer dans la grande épreuve de Dubai). Sa carrière d’étalon est toute tracée, ce sera l’Australie Il sera le 7e vainqueur de Kentucky Derby à y faire ensuite la monte : à Coolmore - Thunder Gulch (vainqueur en 1995 pour le team irlandais) et Fusaichi Pegasus (vainqueur en 2000), à Vinery Stud - Real Quiet (en 1998) et Big Brown (en 2008), -à Darley Stud – Street Sense (en 2007), à Eliza Park – Super Saver (en 2010).
 
 
Voici Animal Kingdom alorq qu'il est foal
 
 
Update : Darley a pris une participation (29%) pour sa carrière future et fera la navette avec son antenne américaine, Jonabell Farm (Kentucky) (source site darleyamerica).
 
 
Puis vient l’heure du divorce
 
John Messara est actionnaire majoritaire et John Magnier avait obtenu 50% des droits de gestion de l’étalon. Mais l’association tourne au vinaigre et cinq ans après l’achat de Danehill, le divorce est consommé. Le dimanche 29 janvier 1995, Danehill devient la pleine propriété de Coolmore (représenté par John Magnier), au terme d'une vente privée à la bougie…
 
 
John Magnier
 
 
J’ai aussi une autre version : le différend a été réglé d'une manière extraordinaire. Un ancien juge (ou avocat), Sir Lawrence Street, a été engagé pour présider à une vente aux enchères privées. Avec les deux parties dans des chambres séparées, le juge fait la navette dans le couloir pas moins de 27 fois avant que John Magnier ne sorte victorieux avec une enchère de AUS $ 23 millions (ou US $ 10,2 M.) (19 millions € d’aujourd’hui) pour les 60% de son ex-associé.
 
Notes :
-Le différend : John Messara aurait voulu laisser reposer l’étalon en Australie après sa 5e saison de monte mais Coolmore avait déjà vendu des saillies pour le printemps de l’hémisphère nord.
 
-Rock of Gibraltar (fils de Danehill) a également fait l’objet d’un différend entre Magnier et Alex Ferguson (manager de Manchester United). Le différend concernerait un litige sur la répartition des prix de saillies.
 
-Danehill est loué au Japon par Coolmore pour la saison 1996. C’était également le début du «shuttle stallion» au Japon (dans le sens Japon-Hémisphère Sud). Pour l’anecdote, son contemporain, Sunday Silence, n’a fait carrière qu’au Japon.
 
 
John Messara, dans «l’obligation» de déménager
 
En 1996, John Messara cède également le bail de Denman Road (dans la Jerry’s Plains) et se trouve dans «l’obligation » de déménager. Il part s’installer dans la vallée de Segenhoe près de Scone, toujours dans l’Hunter Valley, non loin des premières terres qui ont vu le lancement de Danehill et les débuts de Danzero et Flying Spur. John Messara achète donc ensuite les terres et les propriétés adjacentes, y compris Strowan, pour la mise en place de ce qui est maintenant un haras de premier plan.
Les terres originelles sont donc désormais occupées par le «conglomérat» Coolmore. Elles seraient détenues et exploitées par Calogo Bloodstock AG (basée à Zurich). Mais là n’est pas notre propos.
 
 
 Coolmore Australie
 
 
Petit retour en arrière : John Messara est donc arrivé en Australie dans les années 50 à l’âge de 11ans en provenance d’Alexandrie. Il fait ses études à Riverview College à Sydney et acquiert un diplôme de commerce à l’Université de NSW avant de fonder sa propre firme boursière. Pour des raisons fiscales, il décide d’investir dans les chevaux. Il achète en 1978 sa première jument, Scomeld. Pour l’anecdote : en juin 2008 John Messara est nommé Officier dans l’Ordre de l’Australie (Officer in the Order of Australia) pour service rendu à l’industrie des courses et de l’élevage du pur-sang.
 
 
Retour sur la production de Danehill
 
En résumé, Danehill a conçu 1305 mâles (1.136 ont couru pour 931 victoires) et 1.194 femelles (950 ont couru pour 677 victoires) soient 2.499 foals (dont 1126 en Australie pour 1479 juments saillies) en 14 années de monte (12 dans l’hémisphère sud), 15 de ses fils ou filles se sont imposés dans les classiques européens. A la lecture de ces statistiques, il apparaît que sa progéniture s’est imposée à 1.519 reprises sur le turf (346 blacktypes) pour seulement 221 sur le dirt (5 blacktypes). Pas étonnant que peu de ses fils aient fait carrière aux USA. Paradoxalement, le Japon, n’a, en 2013, qu’un seul descendant de Danehill dans les haras et encore, il vient d’arriver, il s’agit d’Harbinger (un fils de Dansili). En 2012, j’ai réussi à comptabiliser 238 étalons au Japon (dont 87 importés) (c’est étonnant qu’il y en ait si peu, je peux me tromper donc…)
 
 
Harbinger à Shadai Farm
 
 
Danehill aura été sacré 9 fois champion des étalons en Australie (et 6 pour la production de 2 ans), où il s'est révélé tout d'abord, avant de devenir le crack étalon que l'on sait en Europe ; 3 titres en GB/IRE (6 pour sa production de 2 ans), 3 en France.
Six titres de père de mères en Australie, 2 en GB/IRE, 1 en France devant Sadler’s Wells.
 
Anecdote : Son grand-père, Northern Dancer aura conçu 646 foals en 23 années, de 1966 à 1987 (la dernière année a été écourtée). 510 ont couru, 411 ont gagné et il est le père de 147 stakes-winners enlevés par 77 produits différents. Plus de 280 de ses fils sont entrés au haras pour continuer son œuvre (sur 646 foals)…un chiffre à peine croyable. Mais les statistiques sont difficilement comparables.
 
Mais revenons donc à la suite de sa production après le divorce :
 
-1996 est l’année de naissance de Dansili qui le père de 12 vainqueurs de Gr.1 différents (dont une majorité d’Abdullah) dont un vainqueur d’Arc, Rail Link. C’est aussi l’année de naissance de Redoute’Choice (nous en avons déjà parlé dans un épisode précédent).
 
-1997 : seul l’australien Keeper a tiré son épingle du jeu. Etalon en Nouvelle-Zélande, il n’a pas réussi à donner un seul vainqueur de Gr.1 mais qu’à des gagnantes. En 1996, Coolmore avait loué Danehill au Japon où 90 foals sont nés (dont 51 mâles).
 
-1998, c’est l’année de deux femelles françaises, Aquarelliste, Banks Hill, d’une anglaise, Regal Rose (Cheveley park St.), de deux australiennes performantes, Ha Ha et Magical Miss. C’est aussi l’année du sprinteur Mozart (père ensuite de Amadeus Wolf, étalon stationné en France).
 
 
Arrivée du Prix de Diane 2001 : 1ère Aquarelliste (n°12)
 
 
-1999 : un vainqueur classique français, Landseer (Poule d’Essai, décédé en octobre suivant) mais aussi le champion Wildenstein, Westerner et surtout Rock of Gibraltar (7 victoires de Gr.1 dont Guinées anglaises et irlandaises), père de 80 stakes-winners dont la dernière, Samitar (Irish 1000 Guinées). Une naissance est passée inaperçue à l’époque, puisque la pouliche est restée inédite, il s’agit de Danedrop (la future mère de Danedream).
 
-2000 : l’année de Clodovil (père de Nahoodh) et surtout d’Exceed and Excel (père de 70 SW dont Excelebration, Prix Jacques Le Marois et Moulin de Longchamp mais aussi le dauphin de Frankel, entré au haras cette année pour Coolmore). N’oublions pas Intercontinental, la sœur de Banks Hill.
 
 
Exceed and Excel, le père d'Excelebration
 
 
-2001 : c’est l’année en Australie de Fastnet Rock (leading sire 2012) et de Al Maher. En Europe ou aux USA, il faut retenir Cacique (un fils d’Hasili), North Light (Derby d’Epsom), Artiste Royal (vainqueur aux USA, étalon en France puis exporté en Uruguay) et les femelles Grey Lilas, Punctilious et une certaine Kind (la future mère de Frankel).
 
Notes :
Fastnet Rock est le chouchou de Coolmore puisqu'il a été élevé sur place avant d'y revenir reproducteur. Ce champion sprinter est le seul gagnant de Gr.1 par Danehill sur 1000 m. Il a été sacré meilleur étalon d'Australie en 2011, alors que ses premiers produits n'avaient que 4 ans ! C'est l'étalon le plus cher du pays (2012 : A$220.000 soit 180.000 €) et aussi le meilleur continuateur de son père.
 
-2002, l’année d’un néo-zélandais, Darci Brahma (vainqueur de 5 Gr.1 en Australie et chez lui et père cette année d’une bonne pouliche, Recite). En Europe, Oratorio aura gagné 3 Gr.1 dans 3 pays différents (GB-FR-IRE) (père en obstacles de Tidara Angel)
 
-2003 : Rumplestiltskin (gagnante du Prix Marcel Boussac pour l’association Coolmoore-Niarchos).C’est l’année de 3 classiques européens, Dylan Thomas (Irish Derby puis à 4 ans, l’Arc de Triomphe), Aussie Rules (Poule d’Essai) et George Washington (2000 Guinées). Champs-Elysées (encore un fils d’Hasili) et une pensée pour l’infortuné Horation Nelson.
 
 
 Rumplestiltskin et Kieren Fallon remportant le Critérium des Pouliches 2006
 
 
-2004 : l’année 2004 a été évoquée dès le premier épisode en raison de l’actualité récente de Duke of Marmalade (père de Morning Frost et Childa, gagnantes toutes les deux au niveau Listed).
 
Je reviendrai sur cette année en question pour rectifier une erreur (signalée par un fidèle lecteur) concernant la rentrée au haras de Holy Roman Emperor (né en 2004, d’une mère par Secretariat).
 
En effet, George Washington (né en 2003 d’une mère par Alysheba) est le meilleur fils de Danehill en Europe. Mais il est incapable de remplir les juments proposées. Le carnet de bal est plein et afin de satisfaire les demandeurs, il faut se résoudre à trouver une solution de rechange à la saison de monte de 2007. En mars, Coolmore Stud prend la décision (sans précédent ou presque) de rentrer prématurément au haras Holy Roman Emperor, tout juste auréolé d’une magnifique année de 2 ans (selon les «books», il était même favori des 2000 Guinées). C’est ainsi qu’une partie des éleveurs ont pu être satisfait (ou remboursé). George Washington faisait la monte à 60.000 € et Holy, «Private». Coolmore avait des obligations envers ses clients qui avaient signé pour une saillie, dixit Aidan O’Brien.
George Washington n’aura donc aucun descendant mâle puisque qu’une seule naissance a été déclarée en 2008 et qu’il s’agit d’une pouliche (Date With Destiny) qui, après avoir été placée de Listed, a pouliné ce mois-ci d’une pouliche par Galileo.
 
 
 Date With Destiny yearling à Tattersalls achetée 320 000G par Peter Doyle
 
 
Notes : George Washington avait été acheté yearling à Newmarket pour 1.150.000 Guinées.
 
 
En Australie, il y a saturation
 
En 2012, 33 fils de Danehill faisaient la monte en Australie et «25% et peut-être plus du parc sont ses fils ou ses petits-fils. Il y a donc saturation. Ce qui est logique puisqu'il a été 9 fois tête de liste. Pour la continuité de l'élevage ici, il faut trouver les bons courants de sang à croiser avec celui de Danehill.», une réflexion de l’irlandais Sébastien Hutch, responsable du marketing de Coolmore Australie.
 
Update : pour étayer ses propos : journée de gala à Rosehill, ce samedi 6 avril avec 8 courses de groupes (dont 4 Gr.1) au programme dont les Golden Slipper S. (Gr.1 sur 1.200 m. une course de 2 ans, la plus richement dotée du pays) : le podium est exclusivement réservé aux descendants de Danehill : à l’arrivée un jumelé des produits d’Exceed and Excel et la troisième marche est prise par une fille de Snitzel (Redoute’s Choice). Le podium des Queen of The Turf S. (réservés aux femelles) est occupé par une fille de Commands, une fille de Dane Shadow et une fille de Stratum (Redoute’s Choice).
 
 
La triste fin du sieur
 
Contrairement à son alter ego à Coolmore, Sadler’s Wells, qui s’est éteint doucement à l’âge de 30 ans, Danehill s’est écroulé brutalement alors que son étalonnier le lâchait comme d’habitude dans son paddock (on imagine la tête du pauvre gars qui a dû raconter l’histoire à son patron, la longe pendante dans les mains). Tout en s’amusant, il se dresse sur ses postérieurs mais il se reçoit mal et se casse la hanche. Même avec les meilleurs vétérinaires, il n’y a pas d’autres choix, il est décidé d’abréger ses souffrances.
 
" C’était inhabituel chez lui, il était tellement calme", disait Peter O’Brien. "En règle générale, quand il voyageait d’Irlande en Australie, il fallait 40 heures de box à box, et pourtant il était le plus silencieux des chevaux même en présence d’une jument poulinière. "
 
 
Danehill
 
 
"  Toujours debout, Danehill a été enterré, comme tous les étalons doivent l’être, debout, c’est ce que Peter O’Brien » a déclaré, dans un emplacement privilégié, dans un cimetière spécial pour les étalons au haras, aux côtés de Fairy King"." C'est une vieille coutume arabe de 500 à 600 ans, lorsque les chevaliers étaient enterrés avec leur cheval ", a expliqué O'Brien."
 
Notes
Coolmore aurait reçu de la part des assurances la somme de £ 36 M. à son décès.
Si son corps repose en Irlande auprès de Fairy King, sa statue a été édifiée à Coolmore Stud Australia.
 
 
 Danehill en statue
 
 
Magnier, Coolmore and Co
 
Un bref retour sur les débuts de John Magnier, le «boss»
 
La famille Magnier a des racines dans l’élevage depuis 1850. Tom, le père de John, dirigeait avec succès une laiterie et avait comme activité secondaire, le Grange Stud, un haras basé à Fermoy (Co Cork) qu’il tenait de son père, Michael. Celui-ci avait acheté en 1924 un étalon, élevé en France par le baron Edouard de Rothschild, qui s’avérera prolifique pour l’obstacle. Père de 3 vainqueurs du Grand National, Cottage sera le premier à faire laréputation du haras, suivi de Fortina également, étalon d’obstacles.
 
Né en 1948 à Fermoy, John Magnier avait à peine 16 ans quand son père décède subitement en 1966. A peine sorti du collège (Glenstal Abbey), John est « obligé » de diriger l’entreprise familiale.
En 1971, le nouveau patron de Grange Stud démarre fort : il lance les étalons Deep Run (qui aurait couvert 230 juments en une seule année et qui deviendra le père Dawn Run), Khalkis, Laurence O et Prince Hansel, tous des sires de NH.
Sur les terres de Castle Hyde, une autre propriété (le haras actuel des étalons destinés à l’obstacle), il introduit des étalons de plat, Varano (Darius) et Divine Gift (Princely Gift, qui sera ensuite exporté au Japon). Viendront le rejoindre un certain Green God (son premier achat).
 
En octobre de la même année, il repère et achète en association avec son ami multi-millionnaire David Robinson, Green God, pour 160.000 Guinées, deux jours seulement avant son succès dans la Sprint Cup (entraîné par Michael Jarvis et monté par Lester Piggott).
 
En 1972, John Magnier met sur pied un syndicat en vue d’acquérir le champion sprinteur de David Robinson, Deep Diver (Prix de l’Abbaye de Longchamp, Nunthorpe St., Prix du Petit-Couvert à 2 ans, d’Arenberg) et celui de Sir Michael Sobell, le milerSun Prince (Prix Robert Papin, 3e 2000 Guinées…). Le premier aurait été payé £ 400.000, le second, £ 650.000.
 
 
 Coolmore en Irlande
 
 
Notes : John Magnier a eu un peu la même destinée que Seth Hancock (Clairborne) dès leur plus jeune âge. Ils se sont retrouvés orphelin de père de bonne heure. Seth Hancock (fils de Bull) s’est occupé de la syndication de Secretariat pour la famille Chenery (un film récent retrace d’ailleurs leur épopée, je vous invite, façon de parler, à le regarder).
 
L’association John Magnier-Vincent O’Brien
 
Le légendaire Vincent O'Brien se rend acquéreur, dans les années 1970-75, d’un haras situé à Fethard (Co Tipperary) qui appartenait depuis l’après-guerre à la famille Vigors puis à Tim Vigors, un célèbre pilote de chasse de la Royal Air Force.
Vincent O’Brien, qui est un vieil ami de la famille Magnier, perçoit très vite les talents de John et lui propose de s’associer sur l’affaire ce qu’il accepte en amenant dans la corbeille Castle Hyde et Grange Stud.
 
 
Vincent O'Brien
 
 
En 1975, le triumvirat (qui rassemble le génie de l’entraîneur O’Brien, le savoir-faire de Magnier dans le business et l’élevage et les «gros sous» de son ami millionnaire britannique, Robert Sangster) crée Coolmore Stud. Vincent propose à John (qui deviendra par la suite son gendre en épousant Susan) de devenir le manager du haras.
 
Jusque là, le haras fonctionnait à petite échelle, presque une affaire d’appoint à l’exploitation (même si l’ancien propriétaire avait fait rentré quelques recrues de choix). Poussée par la hausse des prix des saillies, sous l’impulsion de Robert Sangster, ils décident d’aller faire leur marché aux USA et principalement avec le sang de Northern Dancer.
 
En 1975 et l’année suivante, Robert Sangster achète aux ventes de Keeneland, trois yearlings qui seront le point de départ de leur formidable «aventure» : The Minstrel payé $ 200.000, Alleged, $ 34.000 et Try My Best, $ 185.000. En 1979, Storm Bird tombe dans leur escarcelle pour $ 1.000.000 puis Golden Fleece en 1980 ($ 775.000) et Caerleon en 1981 ($ 800.000).
Après leur carrière de course et pour financer les futures acquisitions, The Minstrel sera vendu en 1977 à Winfields Farm (où il était né) pour $ 9M. et Alleged pour $ 16 M. à Walmac International.
 
 
 Alleged en 2000, année de sa disparition
 
 
Avec les futurs étalons, rejoint par leur contemporain Be My Guest (syndiqué après sa carrière sur la piste et acheté à Mme Manning), l’équipe de Coolmore a pour objectif de devenir le haras le plus puissant au monde en matière de reproduction.
 
Pour cela il faut de la superficie
 
La superficie des haras irlandais, américains et australiens atteindrait le chiffre colossal de 6.000 hectares (l’irlandais comptait, il y a 25 ans, 350 acres soit 141 ha).
L’empire de Coolmore emploierait plus de 600 salariés dont 200 à Tipperary. La liste des hommes de mains ou de confiance n’est pas exhaustive mais citons, Demi O’Byrne (l’acheteur et ancien vétérinaire), Christy Grassick (Stud Manager), Paul Shanahan, Timmy Hyde, Michael Kirwan remplacé depuis peu en Australie par Peter O’Brien
 
Aux USA, Coolmore acquiert en 1984 un haras dans le Kentucky, Ashford Stud qui était à l’origine d’une surface de 465 acres (188 ha) et qui sera portée à 1.600 acres (647 ha) avec l’achat d’un ancien haras de Robert Sangster, Creekview Farm.
 
En Australie, Coolmore est de loin le plus gros propriétaire terrien (entre autres). Sur une superficie d’environ 4.500 ha, il stationne environ 1000 chevaux et sur une telle surface, Coolmore construit pour son personnel des lotissements avec complexe sportif et pour ses chevaux, 2 hôpitaux et des écuries de préparation aux ventes de yearlings de sa production propre et de celles des clients
Comme en Irlande, Coolmore Stud est très ouvert à la clientèle extérieure non seulement pour l'étalonnage mais aussi pour l'élevage, puisque plus de la moitié des chevaux (dont plus de 200 poulinières) n'appartiennent pas à Coolmore. Egalement, Coolmore Australia prépare et passe officiellement sous son nom une centaine de yearlings élevés sur place aux ventes publiques. A noter qu'en Irlande, le débourrage est aussi fait sur place, ce qui n'est pas le cas en Australie
 
En 1997, Coolmore envoie 22 étalons vers l'Australie, dont 12 appartiennent à Coolmore et le reste en partenariat avec des haras australiens. A cette époque déjà, Coolmore détenait 46 étalons entre l’Irlande et l'étranger, y compris le Japon, où il loue des étalons.
 
Anecdote : en 2008, la « gue-guerre » Coolmore-Darley continue. Le Cheik Mohammed Al Maktoum s’offre, dans la Hunter Valley, Woodlands Stud pour près de $ 500 M. Le haras appartenait depuis 1986 aux frères (dont l’un est décédé en 2003) Ingham (millionnaires en «chicken» et propriétaire entre autres d’Octagonal, de Lonhro).

Notes
-Tim Vigors, après avoir quitté l’armée, rejoint Goffs Bloodstock avant de fonder en 1951 sa propre agence. Il s’installe à Coolmore en 1968 et commence à améliorer les lieux qui n’étaient, après-guerre, qu’une petite ferme dédiée à l’agriculture. Il tente d’améliorer le sort des 400 acres en recrutant, en 1974, Rheingold, Thatch et Home Guard. Il se serait associé au tout début à son ami Vincent O’Brien.
 
-Green God deviendra le premier étalon installé à Fethard. Il débute à 1500 Gns et sera exporté en 1976 en Australie où il décédera jeune (serait-il le pionnier du shuttle?). Il ne laissera pas un souvenir impérissable, juste un bon père de mères.
 
-Robert Sangster (né en 1936, décédé en avril 2004) est devenu, à la mort de son père, (prénommé Vernon), propriétaire de l’entreprise familiale, Vernons Pools (piscines) (Vernons a été sponsor de la Sprint Cup dès la création en 1966 jusqu’en 1988). Il revendra l’affaire quelques temps après à Ladbroke (Stuart Robinson) pour £ 90 Millions.
 
 
 Robert Sangster en compagnie de ses chevaux
 
 
-En 1978, Robert Sangster ne sera que «l’under-bidder» pour Nureyev laissant la primeur à Stavros Niarchos pour $ 1.300.000.
Petit à petit Robert Sangster se détachera du triumvirat pour se consacrer à ses haras et à ses extensions, Swettenham Stud (celui situé dans le Cheshire avait été en 1968) et Collingrove Stud (Australie) et à la création d’un centre d’entraînement dans le Wiltshire, Manton House Stables. Ilsera remplacé au sein de Coolmore par Michael Tabor (né en 1941) au milieu des années 90 et plus tard, Derrick Smith (68 ans et 65e fortune d’Angleterre en 2007) prendra une certaine importance dans le groupe. Entre-temps Vincent O’Brien a pris sa retraite (il est décédé récemment en 2009 à 92 ans).
 
-En association avec J.P. McNamus, John Magnier détenait plus de 23% du prestigieux club de football, Manchester United jusqu’à ce que les deux hommes ne vendent leurs parts en mai 2005 au milliardaire américain, Malcolm Glazer.
 
-John Magnier a cinq enfants : Tom, John-Paul, Michael, Sam et une fille, Katie, qui épouse en août 2002 David Wachman, l’entraîneur. Tom s’apprête (août 2012) à entrer en « guerre » contre les patrons des mines de charbon, découvertes il y a peu, situées à 500 mètres de leur prestigieux haras australien où vivent 135 personnes et leurs familles. Il lance une campagne pour arrêter l’exploitation craignant que la pollution endommage l’environnement immédiat (le Nonant le Pin australien). Même Darley, l’un de leurs voisins, ferait partie des belligérants
Selon le même article, à Tipperary, Coolmore et Ballydoyle luttent depuis 2002 afin d’empêcher l’homme d’affaires Louis Ronan de construire un incinérateur à proximité afin de convertir les déchets en énergie (le Nonant le Pin irlandais).
 
 
 Tom Magnier
 
 
Update : il est annoncé sur le site de S.A. Aga Khan que Dalakhani et Azamour allaient faire la navette, l’un en Australie (à Cornerstone Stud aux côtés du champion Hussonnet, un ancien d’Arrowfield), l’autre en Nouvelle-Zélande (à Brighthill Farm, là où est déjà stationné Dalghar, le frère de Dalakhani et de Daylami).

 

Voir la descendance de Danehill, gagnante de Gr. 1

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