"À Cagnes-sur-Mer, les noms de prix ont une histoire", racontée par Xavier Bougon

03/12/2020 - Grand Destin
Alors qu'Auteuil vient tout juste de refermer ses portes ce jeudi 03 décembre, l'hippodrome de Cagnes-sur-Mer s'apprête à ouvrir les siennes dès demain, afin d'entamer son traditionnel meeting d'hiver. Mais vous-êtes vous déja demandé pourquoi certains noms d'hommes ou de chevaux étaient attribués à quelques épreuves d'obstacles dsiputées sur la Riviera  ? Notre historien de choc, Xavier Bougon, vous en explique les raisons. 

Ah Cagnes-sur-Mer: son meeting, ses courses, ses prix... et leur histoire ! (© Motel Ascot)

 

Les meetings de Cagnes et de Pau vont débuter. Revenons sur la genèse des noms de prix.

En mars 1833, naît la Société d’Encouragement et une des préoccupations du Comité, en 1834, est la nomination des titres de prix. Charles Laffitte est spécialement affecté à cette tâche et en 1836 est créée une commission qui a en charge ces dites nominations. C’est ainsi que l’histoire des noms de prix commence...

Les différentes sociétés hippiques baptiseront leurs courses du nom d’un de leurs «vieux serviteurs», à titre posthume en hommage à leur dévouement ; des personnalités en tout genre, présidents ou membres des Comités, souvent associés au nom de leur haras pour ceux qui étaient éleveurs.

Mais pas que....puisque les entraineurs, les jockeys (accidentés ou décédés en course) ou les chevaux sont honorés pareillement. Mais quels critères retenir entre les «ayants droits» et les «laisser pour compte » ?. C’est une question qui s’est posée et qui se pose encore.

Les prochaines réunions vont débuter avec au programme quelques courses qui honorent quelques chevaux qui ont marqué l’histoire des courses à Cagnes ou en région parisienne :

Alvarado (7 décembre) a remporté, pour les couleurs de l’américain Abraham-Kingsley Macomber, le Grand Prix de la Ville de Nice 1932 sous la selle d’un certain Maxime Bonaventure. Il était entrainé par le cantilien Claude Halsey, le gendre de William Pratt.

 

Hyeres III

 

Hyères III (7 décembre), élevée dans le Charolais sur la propriété de Paul Boulard installé à Luneau, est la grande championne que l’on connaît suite à ses trois victoires dans le Grand Steeple-Chase de Paris. Elle était entrainée par le mansonnien Léon Gaumondy.

Après Hyères III, suivent les noms d’Ucello II, Ubu III, Al Capone II (18 décembre), Katko (18 décembre) Quel est le point commun entre ces cinq champions ? A leur tableau de chasse, ils ont tous épinglés le Grand Steeple-Chase de Paris mais aucun n’a foulé la piste de Cagnes en compétition.

 

Ucello II (© Le Cheval Bleu)

 

Ucello II (4 décembre) élevé par la famille Cyprès (Bernard en l’occurrence), vainqueur du Grand Steeple-Chase de Paris 1993 (devant Al Capone II) et 1994 monté par Christophe Aubert. Il était le fils d’une certaine Judy, portait les couleurs de la Mise de Moratalla et était entrainé par François Doumen (comme The Fellow). Il est victime d’une chute fatale au petit-open ditch du Prix Georges Courtois 1994.

 

Ubu III (© Le Cheval Bleu)

 

Ubu III (14 décembre) avait, outre le Grand Steeple, remporté la Grande Course de Haies d’Auteuil 1992 et 1993. Elevé par Yves d’Armaillé, il est le demi-frère de  Corton.

Le Bouif (9 décembre) s’était imposé dans la Grande Course de Haies d’Auteuil 1930 après avoir remporté l’hiver précédent le Grand Prix de la Ville de Nice pour les couleurs d’Arthur Veil-Picard et la monte de Joachim Bédeloup sous la charge de 71,5 kg. Il défendait l’entrainement mansonnien de l’américain Wallace Davis, décédé deux ans plus tard.

 

Wutzeline (© Actu.fr)

 

Wutzeline (23 décembre) a marqué la Riviera. Dix sept sorties à Cagnes pour 15 victoires dont trois fois le Grand Prix de la Ville de Nice, trois fois consécutivement le Prix du Comté de Nice et la Grande Course de Haies des 4 ans, le Prix André Masséna 2008. Elle défendait l’entrainement de Yannick Fertillet qui l’avait réclamée à Saint-Cloud pour 31.111 €.

 

Stodoun (© A. Viguier)

 

Stodoun (3 janvier) a gagné, comme Wutzeline, trois fois le Grand Prix de la Ville de Nice (Grand Steeple-Chase de Cagnes) dont le dernier à 12 ans en 2008 qui fait de lui le vainqueur le plus âgé de l’histoire de l’épreuve. Il défendait lui aussi l’entrainement de Yannick Fertillet et portait les couleurs de Joel Boisnard, l’ancienne multiple Cravaches d’Or de l’Ouest. Il remporte également deux fois le Prix du Comté de Nice.

Cyborg (25 décembre) a enlevé à Cagnes le Prix Christian de l’Hermite (Grand Steeple-Chase des 4 ans) avant de remporter à l’automne le Prix Maurice Gillois 1986 à Auteuil pour les couleurs du regretté Philippe Lorain.

 

Goodea

 

- Goodea (30 décembre) a gagné à Cagnes en janvier 1988 après avoir été réclamé à l’issue d’une course à Auteuil en juin 1986. Il défendait alors les couleurs de son éleveur Noel Pelat (Haras de la Crois Sonnet, c’est d’actualité) et l’entrainement de son gendre, Albert Hosselet. Il remportera en juin 1998, la Grande Course de Haies d’Auteuil, monté par Béatrice Marie pour l’entrainement de Jean-Paul Gallorini.

Le dernier jour du meeting d’obstacles (10 janvier), lors de la grande journée, un handicap sur les haies a été nommé, Prix Romantisme du nom d’un mémorable vainqueur (malgré ses graves ennuis de santé) de cinq groupes en plat et autant en obstacles (Grande de Course de Haies d’Auteuil et d’Enghien) à l’image d’un certain Le Paillon (qui lui n’a pas l’honneur d’un prix à Cagnes, malgré son palmarès et son nom évoquant le cours d’eau traversant la ville de Nice). Le nom de Romantisme est associé au Docteur L.J. Meur (l’inventeur de pastilles renommées contre la toux), à l’entraineur Dominique Sartini et à Marcel Maschio, son ancien jockey (gendre du jockey Noel Kriegelstein). Entraineur puis commissaire à Cagnes, Marcel est décédé en octobre 2015.

Romantisme est victime à 3 ans d'une fêlure d'un canon dans le Grand Prix de Vichy qu'il gagne néanmoins. Platré, il est au repos forcé pendant 4 mois au box buvant huit litres de lait par jour pour accélérer la calcification. Il est mort d’un arrêt cardiaque dans le Grand Steeple-Chase d’Enghien 1959.

 

Outre les chevaux, sont honorés quelques entraineurs ayant marqué le turf cagnois :

Gérard Philippeau (4 décembre) a remporté le Grand Steeple-Chase de Paris 1960, la Grande Course de Haies d’Auteuil (Rivoli pour Georges Pelat), quatre fois le Grand Prix de la Ville de Nice comme jockey, un métier qu’il quitte en 1968 suite à une grave chute. L’entraineur mansonnien est décédé en janvier 1995 à Cagnes sur Mer.

Roger Duchêne (4 décembre) était un crack jockey après avoir été apprenti chez Victor Gréco. Il est décédé suite à une chute à la rivière du huit dans le Prix Andrea disputé à Auteuil le jeudi 6 mai 1993 en selle sur Ti Bamara. En sa mémoire, le Grand Prix des Apprentis, le Prix Albanais, est rebaptisé Prix Roger Duchêne.

Domingo Perea (9 décembre) a enlevé le Grand Prix de la Ville de Nice comme propriétaire-entraineur en 1973 avec Pamir et en 1976 avec Louvard. Il l’est également en 1965 comme entraineur avec Villageoise, montée par Gérard Philippeau. Installé à Lamorlaye, il était l’un des entraineurs ayant gagné au moins un groupe 1 dans les quatre spécialités : le Prix Saint-Alary 1972 avec Prodice, propriété de Mme André Bollack, la Grande Course de Haies d’Auteuil 1965 (Ketch, lequel avait gagné à Cagnes en obstacles mais aussi le Grand Prix du Conseil Municipal en plat en 1964) le Grand Steeple-Chase de Paris 1976 (Piomarès qu’il avait acheté yearling à Deauville) et le Critérium des 3 ans 1983 (Orco – drivé par Gérard Mascle - qui devançait Ourasi)…..Il a été le maitre d’apprentissage de Gérard Rivases, de Guy Négrel, de Christophe Aubert, de Philippe Lefèvre entre autres.

Jean Doumen (18 décembre), le père de Christian et de François était entraineur à Maisons-Laffitte depuis 1926. Né en 1903, il a débuté comme apprenti chez Emile Atkinson puis a pris sa licence d’entraineur. Ses victoires "classiques", en tant qu'entraineur, ont été remportées dans l'ensemble pour la famille Hennessy, qui lui avait confié son effectif, au début de la seconde guerre mondiale. Vainqueur du Grand Prix de la Ville de Nice en 1971 avec San Carlo. Il est décédé en 1985. L’entraineur et jockey du début du siècle, Edgard-Louis Doumen, était son oncle.

 

André Adèle

 

André Adèle (18 décembre) a remporté à Cagnes son dernier groupe de sa carrière, le Grand Prix de la Ville de Nice 1978 (le 22 janvier sur tapis vert) après l’avoir enlevé à trois autres reprises. Seize fois tête de liste des entraineurs, il est décédé à son retour de Cagnes le 15 février 1978 à 75 ans. Il a formé nombre de futurs entraineurs dont Jack-Hubert Barbe, Jean-Paul Gallorini, Jacques de Chevigny, André Fabre (son épouse a repris les couleurs – marron, toque rose - portées par élèves d’André Fabre).

 

Sont également mis à l’honneur les jockeys :

 

Christian Fornaroli (© APRH)

 

- Christian Fornaroli (10 janvier), Cravache d’Or 1975, décédé en février 2013 à 69 ans, natif de l’Isle sur Sorgue, une société dont il a été président. Il était l’un des partenaires d’Hardatit.

Michel Linarès (1er janvier), né en août 1962, apprenti chez Christian Maillard, l’infortuné lyonnais est décédé à 37 ans des suites d’une chute survenue à la haie du tournant du Loup en décembre 1999.

André Girard (5 janvier), né en décembre 1947, apprenti chez Raymond Touflan, il est décédé suite à une chute à Cagnes le 21 janvier 1968 en selle sur Patience.

- Louis Bernus est honoré le 7 décembre. Né en novembre 1944 à Marseille, Louis Bernus a été jockey d'obstacles puis premier garçon. Il est décédé fin mai 2017 suite à une ruade de son partenaire sur le centre d'entrainement de Calas. Il avait fait ses classes chez Albert Orcière puis a été une pièce maitresse pendant six années chez Keven Borgel.

 

Jean-Yves Beaurain et Al Capone II, alias "Pompon"  (© Scoopdyga)

 

Jean-Yves Beaurain (23 décembre), l’apprenti de Bernard Sécly est le célèbre jockey associé à Al Capone à chacune de ses victoires dans le Prix La Haye-Jousselin. Il est le père de Thomas avant son décès en novembre 2010.

 

Notes

Al Capone est honoré à Cagnes comme il l’a été dimanche dernier à Auteuil. « Pompon » est mort le 21 octobre dernier à 32 ans sur le centre d’entrainement de Chantilly. Il ne pouvait en être autrement, le nom d’Al Capone était associé au Prix La Haye Jousselin, une course qu’il a enlevé sept fois consécutivement de 5 à 11 ans (de 1993 à 1999). Le pensionnaire de Bernard Sécly (honoré le 10 janvier associé au Grand Prix de la Ville de Nice, une des seules courses du programme qu’il n’a pas gagné) avait, depuis 20 ans (décembre 2000), sa statue sur l’hippodrome qui a vu ses exploits.

Al Capone est allé rejoindre son propre frère, The Fellow (qui avait son prix depuis 2014 depuis sa mort en août 2008 dans son paddock de Childwick Bury Stud, alors propriété de la Mise de Moratalla, décédée en novembre 2017).

Ils avaient pour père, Italic lequel est né en 1974 chez Bernard Cyprès. Proposé à une commission d’achats de l’armée, Italic fut refusé pour d’obscures raisons et renvoyé à ses propriétaires. Son avenir était donc au haras, mais au début des années 1980, les étalons AQPS et les gagnants sur les obstacles n’étaient pas très populaires. Si bien qu’il n’a pas dépassé les dix produits annuels lors de ses six premières saisons de monte.

Pour l’anecdote, l’actualité le rejoint. Hubert, le père d'Antoine Sinniger (patron fondateur du Pôle International du Cheval à St-Arnoult-Deauville) en était le propriétaire qui l'hébergeait dans l'Allier près de Montluçon.

Hubert l'aurait revendu à Maurice Presle (1925 - 1991) qui avait un haras (Haras du Colombier) à Anzy le Duc (Saône et Loire) avec sa femme Dominique Duraffour (fille de Paul Duraffour, homme politique, décédé en 1992).

Le Haras du Colombier hébergeait également Kedellic (né en 1976 - mort en 1998, élevé par Bernard Cyprès) par Edellic et Upsala III par Verdi, frère d’une certaine Judy).

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