Qui est Savabeel, étalon de légende aux Antipodes, totalement inconnu chez nous ?

04/02/2025 - Grand Destin
Toujours actif à 23 ans à Waikato Farm, le plus grand haras d'Océanie sur 850 hectares  Savabeel vient de donner son 150e gagnant de Stakes, rejoignant à ce titre son défunt père Zabeel qui était le 1er à avoir atteint un tel score en stationnant en Nouvelle-Zélande. France Sire est allé à la rencontre de ce crack qui reste totalement inconnu en France !

 
Savabeel, le crack étalon de Nouvelle-Zélande.

 

On a tout dit quand on parle de Savabeel en Nouvelle-Zélande... et même en Australie. Le week-end dernier sur l'hippodrome de New Plymouth, sa fille de 3 ans Hinekaha, en gagnant les Prelude Stakes (L) est devenue sa 150e lauréate individuelle de stakes. Il atteint donc le même score que son père Zabeel, jusque là meilleur étalon de tous les temps stationné en Nouvelle-Zélande. Et pourtant, lui comme son père restent des mystères en Europe. Comme quoi, malgré tous les "shuttle stallions" depuis plusieurs décennies, à l'exception notable de Danehill qui a fait aussi bien dans les deux hémisphères, les antipodes et l'Europe restent deux mondes hippiques différents. En effet, si Fastnet Rock ou Exceed and Excel, voire aussi Choisir et Starspangledbanner, ont bien réussi dans l'hémisphère Nord, les très nombreuses tentatives d'importations chez nous ont été souvent soldés par des échecs cuisants.

 

 

La France conserve des souvenirs douleureux de chevaux comme Baryshnikov, Commands ou encore Octagonal, un fils justement du crack Zabeel qui avait tout pour réussir mais dont le passage au Quesnay fut un désastre génétique. Plus récemment, le pourtant très confirmé Redoute's Choice, multiple tête de liste et vénéré en Australie, a fait un flop retentissant à Bonneval. Chose cruellement amusante, Mark Chittick, le patron de Waikato Stud où stationne Savabeel, nous expliquait lors de notre voyage en Nouvelle-Zélande en 2019 que la qualité de la production de Redoute's Choice résidait en sa capacité à changer de vitesse, alors que tous les entraineurs français déploraient qu'ils n'avaient qu'un train ! A l'opposé, Chittick constatait que Galileo avait totalement échoué en Australie avec ses 2 saisons de monte...

 

 

Avec son physique de Chuck Norris, Mark Chittick dirige le haras le plus vaste de toute l'Océanie, étendu sur 850 hectares des terres les plus fertiles de toute cette immense région du monde. Waikato a été cré& dans les années 70 par le milliardaire américain Nelson Bunker Hunt, par ailleurs gros propriétaire éleveur en France, qui cherchait alors le meilleur terroir local, à 2 heures au sud d'Auckland. Nous sommes ici à Mata Mata, un lieu aujourd'hui célèbre dans le monde entier pour abriter le village des hobbits construit par Sir Peter Jackson pour le tournage du Seigneur des Anneaux. Grâce à un climat idéal, c'est le carré d'or de l'élevage néo-zélandais. De l'autre côté du village, s'étend Cambridge Stud, le grand haras historique cré& par Sir Peter Hogan, qui abritait le grand chef de race Zabeel, et racheté en 2018 par Brendan Lindsay.

 


Mark Chittick (à droite) le patron de Waikato Stud, avec son bras droit Mike Rennie.

 

Venu du sud de la Nouvelle-Zélande, où il élevait des chevaux et des moutons, Mark Chittick a acquis Waikato avec son père Garry au tournant des années 2000, puis a multiplé sa surface par 4 ans. Il y produit plus de 200 poulains par an, qui naissent tous dehors dans cette région du monde, et s'impose comme le haras leader du pays depuis une quinzaine d'années, notamment grâce à la production de Savabeel, déjà 9 fois tête de liste.

 


L'une des meilleurs filles de Savabell, nommé Probabeel, a gagné de multiples Gr.1 après avoir remporté le Karaka Million à 2 ans, pour le compte de Brendan Lindsay (2e à partir de la droite)

 

Du point de vue européen, l'Australie la Nouvelle-Zélande représent deux entités semblables. Mais sur place, ces deux pays présentent de grandes différences culturelles. L'Australie est une immense puissance économique avec une âme de pionniers conquérants d'un pays neuf, une sorte d'Amérique de l'autre côté du globe, qui considère la Nouvelle-Zélande comme sa petite soeur. A l'inverse le pays des kiwis reste très attaché tant à sa culture ancestrale maori qu'au style victorien d'une aristorcratie anglaise fière d'avoir importé et conservé son raffinement. De même, dans le registre hippique, quand l'australien mise tout sur le vitesse et la précocité, la Nouvelle-Zélande cultive le classicisme de la vielle Angleterre.

 


Waikato Stud, un mélange de western et de paradis exotique.

 

Voilà pourquoi il reste assez curieux que les compatibilités ne fonctionnent pas si bien. Waikato a fait naître le 1er " NZ" qui ait gagné Gr.1 en Europe, en l'occurrence Starcracft (Soviet Star), lauréat des Queen Elizabeth II Stakes (Gr.1) et du Moulin de Longchamp (Gr.1) avec Christophe-Patrice Lemaire. Le 2e, et pour l'instant dernier en date, est So You Think (High Chaparral) qui a gagné 5 Grs.1 chez Aidan o'Brian, mais a échoué au haras à Coolmore.

 


Savabeel, au bon soin de toute l'équipe de Waikato.

 

Au contraire de Brendan Lindsay à Cambridge Farm avec Almanzor, Roaring Lion, Chaldean et même Hello Youmzain actuellement,  les Chittick père et fils ne font pas venir des chevaux de l'hémisphère nord. Ainsi, ils ont acheté le cheval de leur vie, Savabeel, fils de Zabeel mais né en Australie, après sa grande carrière de courses australienne, où il a gagné la Cox Plate, la meilleure course pour chevaux d'âge dans la pays. Savabell est capable de faire précoce, mais sa production devient encore meilleure à 3 ans et plus. Il revendique aujourd'hui 35 gagnants de Gr.1. Malheureusement rien ou presque n'est arrivé jusque dans notre vieille Europe. Il a eu 2 filles à courir en France, sans résultat.

 


Zabeel, ici en compagnie de Sir Patrick Hogan, fit l'objet de nombreuses visites officielles.

 

Ce fut un peu la même histoire paradoxale avec son père Zabeel. Celui-ci était le meilleur continuateur de Sir Tristam (Sir Ivor), un natif d'Irlande, gagnant à Deauville avant de disputer le Kentucky Derby puis devenu étalon vedette tant en Australie qu'en Nouvelle-Zélande. Sa mère Lady Gisèle était française, petite-nièce de Detroit par Nureyev, exportée très jeune dans l'hémisphère sud. On n'en retrouve pourtant pas vraiment de trace dans nos pedigrées. Son fils Octagonal fut un un échec complet lorsqu'il a fait la monte en France, ayant seulement donné Laverock, lui-même piètre reproducteur ensuite. A la décharge de Zabeel, son frère Baryshnikov a aussi beaucoup déçu quand il est venu en France, à l'époque à Etreham, alors que c'était un fils de "notre" Kenmare...Etonnant non ?

 


La tombe de Sir Tristam, à Cambridge Stud.

 

 

 

 

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