El Derby au Chili pour la femelle Lucky Red : le triomphe de Carlos Heller (Don Alberto) et l'étalon Midshipman

Lucky Red, gagnante du Derby du Chili à Valparaiso sous la selle de Joaquim Herrera.

En plein été de l'Amérique du Sud, à 2 pas des plages de Valparaiso, le Derby du Chili rassemble une foule immense et bigarrée qui envahit le centre de l'hippodrome pour une "foire camping barbecue" pendant tout le week-end. Devant 80.000 personnes, ce Derby est donc l'un des courses qui rassemble le plus grande foule de l'année au monde, même si cela semble une autre planète pour les professionnels européens. Fait rare, une femelle s'est imposée face au mâles sur les 2400 m de ce sommet classique sur gazon au Chili, lors d'une réunion qui comporte 27 courses !

Très bien entretenues, les installations ont conservé le charme désuet des courses d'antan. Il faut préciser que l'histoire du Derby du Chilien remonte à 1883. A l'époque, les anglais (comme presque partout dans le monde) au sommet de leur empire colonial, exporte leur loisir préféré de l'autre côté de la Cordilière des Andes. Avant la construction du Canal de Panama, Valparaiso était alors le 1e grand port d'arrivée des navires européens qui arrivaient du côté Pacifique du Continent américain avait avoir traversé sains et saufs le Cap Horn. Les anglais ont d'emblée crée la triple couronne chilienne.  Le Derby est la 3e manche, la plus prestigieuses, après El Ensayo en novembre au Club Hippico à Santiago, et le St Leger sur 2200 dirt sur l'autre grand hippodrome de Santiago. A 2 heures de la capitale, sur la côte, Valparaiso est le Deauville du Chili.

Revoir le reportage de France Sire sur El Derby en 2020

Aujourd'hui, les chevaux de dirt et de gazon s'affrontent rarement. Les poulains nés d'étalons européens courent le plus souvent sur le gazon, tandis que les produits issus d'étalons américains se produisent sur le dirt. Donc très peu de chevaux disputent les 3 étapes de la triple couronne, mais le Derby est une occasion assez unique de voir s'affronter tous les meilleurs, à condition bien sûr qu'ils n'aient pas été exportés aux Etats-Unis entre temps pour les meilleurs d'entre eux. Tradition unique au monde, sans doute due à la toute petite taille d'un rond de présentation bondé, les 16 concurrents entre dans l'ordre un par un pour être montés par leurs jockeys et sortir en piste dans une ambiance délirante.

La piste en gazon, corde à gauche, est très grande mais le 1e tournant serré a confirmé sa réputation "de tous les dangers" puisque le favori Horco Molle a ruiné ses chances en allant "tourner aux fraises" sous la selle de Kevin Espina, avant de revenir pour prendre la 4e place. Heureusement, son propriétaire éleveur Carlos Heller (Haras Don Alberto) avait d'autres candidats et s'est imposé avec la pouliche Lucky Red, qui a pourtant fait les bras de son jockey Joaquim Herrera mais s'est montrée courageuse pour offrir son 1e Derby tant à son cavalier qu'à son entraineur Julio Orellana.

Visite privée de Haras Don Alberto, éleveur des 3 premiers de El Derby, avec son propriétaire Carlos Heller.

A la tête de Falabella, la plus grande chaîne de supermarchés dans toute l'Amérique Latine, Carlos Heller est aussi président du plus fameux club de foot du Chili, et bien sûr de l'un des 2 hippodromes de Santiago, le Clubo Hippico où il est fier de présenter la seule piste en gazon corde à droite de tout le continent américain. Voyageur, il a acheté récemment Vinery Stud, l'un des principaux haras des Etats-Unis dans le Kentucky avec 100 juments. Au Chili, il possède pas moins de 1000 chevaux et élève avec ses 400 poulinières à 5 heures du sud de Santiago, sur les 2000 hectares du Haras Don Alberto qu'il a crée de toutes pièces et nommé en l'honneur de son grand-père Alberto Solari, le fondateur. Il vend l'intégralité de sa production de mâles, et envoie les femelles à l'entrainement.

Midshipman signe le trio gagnant du Derby du Chili

Etant donné les distances, gigantesques dans ce pays tout en longueur, les grands éleveurs locaux possèdent leurs propres étalons qui saillissent toutes leurs juments. Tous sont recrutés à l'étranger, pour beaucoup en double saison avec les Etats-Unis dont les très importants Scat Daddy, Henrythenavigator, Constitution, et parfois d'Europe comme Mastercraftsman...En tout cas presque tous en partenariat avec Coolmore, à l'exception notable de Midshipman, le héros de cet El Derby 2025 dont il signe le trio gagnant. En effet, Lucky Red, mais aussi ses 2 poursuivants Ponteau et l'autre femelle Cassis Violta sont des produits du même Midshipman, et tous élevés par Carlos Heller ! Vainqueur de la Breeders'Cup Juvenile (Gr.1) pour Bob Baffert à 2 ans, il fait la monte à 15.000 $ pour Darley, c'est un pur américain par Undridled's Song avec une mère par Avenue of Flags.

Maria Slamerkin, la 27e mère de Lucky Red, est née en Amérique en 1769 !

Importée au Chili en 1982, la famille maternelle de Lucky Red est extraordinaire dans la mesure où elle remonte la plus ancienne origine des courses américaines...au 18e siècle. En effet, sa 27e mère, Maria Slamerkin, est née en Amérique en 1769, un siècle avant la conquête de l'ouest ! Issue du croisement entre l'étalon Wild Air (1753) et la jument Cub Mare (1762), importée d'Angleterre par le Colonel James Delancey, l'un des 1e colons britannique dans le Nouveau Monde. Maria Slamerkin est restée invaincue en course, avant de devenir l'une des poulinières les plus influentes de l'histoire de l'élevage dans ce qui est devenu, bien plus tard, les Etats-Unis. Elle est notamment à l'origine du chef de race Nearco (grand-père de Northern Dancer). Certes né en Italie, Nearco descendait d'une 3e mère nommée Sibola, née aux Etats-Unis en 1896, mais  ré-importé en Angleterre où elle a remporté les 1000 Guineas en 1899.