Pomellato à Etreham: les joies de la Ruhr

Il y a seulement 10 ans, les chevaux au papier allemand traversaient le ring de Deauville dans l'indifférence générale. Ils étaient considérés avec une certaine condescendance comme des trains de marchandises. Lorsque les Haras Nationaux ont acheté le teuton noir Ungaro, il était inspecté comme une bête curieuse au Lion d'Angers. Il y encore peu, le gagnant de Groupe allemand était le classique du pauvre. Les temps ont à ce point changé que la tendance est aujourd'hui l'exacte inverse...Même qu'on va rechercher en Allemagne des chevaux qui ont gagné des courses de Groupe en France, et même des Gr.2 pour 2 ans sur 1200 m, comme ce Pomelatto, qui a remporté le Critérium de Maisons-Laffitte.

Pomellato lors de sa victoire dans le Critérium de Maisons-Laffitte (Gr.2) à 2 ans

Les allemands à l’ancienne

Actuellement, il y a 30 étalons d'essence allemande installés en France (voir tableau ci-dessous). Mais il est de plus en plus difficile de définir ce qu'est l'essence allemande. On doit aujourd'hui associer les élevés, les ayant couru, les fils de...Pendant de longues années jusqu'à la fin du 20e siècle, le cheval de course allemand a fonctionné en circuit fermé, à tel point qu'il a développé des caractéristiques spécifiques d'une race à part entière. Ce sont toutes ses qualités de robustesse et d'ossature qui sont tant recherchées aujourd'hui à l'international. Les chevaux allemands sont réputés pour être noirs, comme 4 des 5 fils de Monsun installés en France (Network, Axxos, Speedmaster, Lauro), Gentlewave étant bai. Cette catégorie comprend aussi les fils de Konigsstuhl comme Lavirco et Laveron. Mais il y a aussi des alezans comme Acatenango, chef de race qui a 4 fils en France (Conillon, Lando, Night Tango, Protecktor) et un petit fils (Epalo), sans transmettre systématiquement sa robe.

Ce sont là des allemands "à l'ancienne". A la faveur de l'ouverture internationale du sang germaniques, promue notamment par Georg Von Ullman (Gestut Schlenderhan) et Dietrich Von Bottischer (Gestut Ammerland), les croisements à l'envers et à l'endroit se sont opérés avec des courants de sangs "modernes".

Pomellato, un cheval à la robe noire typique des pur-sang allemands

La révolution de Dashing Blade et Big Shuffle


Avant même que les juments ne partent saillir à l'étranger, ce sont deux étalons venus de l'étranger qui ont entamé le grand virage de l'élevage allemand en interne: Dashing Blade et Big Shuffle, importés au début des années 90.

Tous 2 ont été des chevaux rapides et précoces en course en Angleterre. Fils d'Elegant Air (Shirley Heights) avec une mère par Sharpen Up, Dashing Blade a été le champion des 2 ans de l'année 1989 qui a fait un triplé de Gr.1 dans 3 pays (Dewhurst Stakes, National Stakes, Gran Premio d'Italia). Il a même gagné le Prix Eugène Adam à 3 ans en France. Big Shuffle n'était lui pas spécialement un 2 ans, mais plutôt un super sprinter en Angleterre, double gagnant de Gr.3, placé de la July Cup et du Prix de la Forêt en 1988. C'est un fils de Super Concorde.

Dashing Blade, précurseur pour l'ouverture de l'élevage allemand

A part leur profil en course, Dashing Blade et Big Shuffle ont d'autres points communs. Chacun a un père qui était hors mode, ce qui a sans doute permis aux allemands de les importer malgré leur titre. Et sutout, ils ne possèdent aucun sang de Northern Dancer, mais descendent plutôt de Nashrullah en droite lignée mâle. Voilà qui explique sans doute pourquoi l'alchimie se fait si bien aujourd'hui avec les souches anglo-américaines regorgeant du sang du chef de race yankee.

Big Shuffle, le père de Pomellato

Dashing Blade a 2 fils en France (Adieu et Soave). Big Shuffle en avait 3 (Arc Royal, Konig Shuffle et Matrix) avant l'arrivée de ce Pomellato. Il a une chose amusante à remarquer en regardant le pédigrée de ce Pomellato. On le dit allemand alors que pas un seul de ces ascendants ne portent le suffixe "Ger"! Lui le porte car il est né Outre-Rhin, à Getut Ittlingen. On lui retrouve une vieille souche maternelle française qui a été croisé avec Polar Falcon, le père de Pivotal, mais aussi l'oncle de Le Havre. L'allemagne est donc devenue un lieu d'élevage pour poulains aux origines internationales qui vont devenir des 2 ans et faire la monte en France. Hibernatus n'en croirait pas ses yeux.