Beau Ideal, un débutant de bonne famille, celle d'Athasi, une des matrones irlandaises du XXe siècle

31/07/2017 - Grand Destin
Xavier BOUGON est tombé en pâmoison ce week-end devant Beau Ideal, un poulain de 2 ans gagnant en débutant pour Godolphin. Il nous conte son destin maternel vieux de plus d'un siècle et lié à la famille Barnett.
Associé à Mickaël Barzalona, Beau Ideal a laissé son plus proche poursuivant à une longueur mais l'impression visuelle est des plus charmante ©APRH
 
Un plaisant vainqueur d’une course d’inédits, le Prix de Tancarville
Le 2 ans d’André Fabre et de Godolphin, Beau Ideal (Exceed and Excel) s’est imposé plaisamment (et de bout en bout) sur la ligne droite de Deauville dans le première course du meeting de Deauville pour inédits dans laquelle il devance un pensionnaire de Christophe Ferland, un fils de Dabirsim (son ancien élève).
 
Second produit de sa mère, Beau Ideal avait été acheté yearling par John Ferguson (alors encore son homme de confiance) pour 150.000 Guinées. Son vendeur, Jamie Railton, agissait pour le compte de ses éleveurs, la famille Barnett, une famille impliquée depuis plus d’un siècle dans le monde du turf, la société W. et R. Barnett Ltd remontant à 1896. L’un de ses fondateurs, William, est né en 1868 dans le Comté d’Antrim près de Belfast.
 
Beau Ideal a déjà tout pour plaire dont son nom ©APRH
 
En hommage à sa mère
La mère de ce poulain, Lay Time (Galileo) avait gagné un Gr.3 à Windsor et s’était placée de Gr.2 pour leurs éleveurs et entraineur Andrew Balding. Mais elle est morte l’an dernier au haras anglais de la famille, Fair Winter Farm situé dans le Buckinghamshire (près de Londres et de Newmarket), un haras fondé en 1981 afin d’y accueillir la future championne Time Charter (Saritamer), lauréate des Oaks d’Epsom, de la Coronation Cup, des King George VI and Queen Elizabeth, des Champion St., des Sun Chariot St., du Prix Foy et seconde des 1000 Guinées et des Eclipse St… entre autres.
 
Une famille irlandaise au début du siècle dernier
Stella (1890 Necromancer) est achetée 42 Guinées par Peter Murphy, un propriétaire installé à Poulaphouca dans le Comté de Wicklow. Il y débute un élevage où plusieurs générations de sa jument fondatrice sont nées. Elle mettra au monde sept vainqueurs dont une gagnante des Irish Oaks, Blakestown (1902 Lesterlin) et l’année suivante sa propre sœur Fairyland.
 
Fairyland deviendra, elle aussi, la mère d’une gagnante des Irish Oaks, Athgreany (1910), issue de la première production de son père, Galloping Simon (Melton), étalon en Irlande puis à Melton Paddocks en 1914, futur Shadwell Farm.
 
Athgreany va mettre au monde en 1917, une fille de Farasi, Athasi (en photo ci-dessous), née il y a tout juste un siècle. Mais l’année suivante Peter Murphy décède et la yearling entre dans le giron de la famille Barnett suite à la vente de dispersion organisée au Poulaphouca Hotel en octobre. David Barnett et son frère William remporteront les enchères à hauteur de 270 Guinées. Ils ont un passé glorieux en tant que propriétaires puisqu’ils sont déjà plusieurs fois tête de liste sous le pseudonyme de D. Wallace.
 
Note
- Farasi (1903), le père d’Athasi, est issu de la troisième génération de son père, Desmond. Elevé en Irlande (C°Limerick) par Lord Dunraven, Farasi est envoyé en 1904 aux ventes de yearlings à Newmarket où il trouve preneur pour une misère (35 Guinées), Desmond, son père, n’avait pas encore la renommée qu’il aura quelques temps plus tard.
Farasi effectuera sa carrière sur la piste en Angleterre et sa carrière d’étalon en Irlande, à Athgarvan Lodge près du Curragh. La première année, il officie pour la modique somme de 5 Guinées.
Molly Morgan (1889 Morgan), la mère de Farasi, était une miler qui est l’une des rares irlandaises a gagné le Cambridgeshire Handicap de Newmarket.
 
Piètre carrière sur la piste
Athasi est envoyé chez Willie Rankin au Curragh où David a déjà des pensionnaires. En 13 sorties à 2 et 3 ans, elle s’impose à 3 reprises. A 4 ans, elle change d’herbage et débarque en Angleterre chez James Burns ; résultat des courses, 2 victoires pour six sorties. A 5 ans, elle change à nouveau d’environnement et arrive chez Tom Coulthwaite qui ne pourra la faire gagner ni en plat ni en obstacles, une discipline pour laquelle son entourage avait opté à l’âge de 6 ans.
 
Sur la piste, c’est la fin de sa carrière qui sera autrement plus satisfaisante au haras. Elle est considérée comme étant l’une des plus grandes poulinières du XXème siècle.
 
Mère de trois Derby-winners
Athasi ira à la rencontre de Blandford (en photo ci-contre, par Swynford) à neuf reprises avec à la clé, cinq mâles (qui feront tous une excellente carrière d’étalon) et quatre femelles (toutes d’excellentes poulinières par la suite). Grâce, entre autres, à la jument des Barnett, Blandford (propriété des frères Dawson, Dick et Sam, qu’ils l’achèteront 720 Guinées yearling) deviendra un crack étalon dès sa «first crop». Il lui donnera, en l’espace de six ans, trois vainqueurs de Derby et de Saint-Leger soit anglais soit irlandais : Trigo (1926), Harinero (1930) et Primero (1931), tous propriété de William Barnett, éleveur à Cloghan Stud près de Dublin.
 
Athford, son premier produit de Blandford, nait en 1925, l’année du décès de David Barnett. Sous les couleurs de son frère William, il sera considéré comme le meilleur deux ans en Irlande suite à ses victoires dans les Anglesey St., les National St. et les Phoenix St. Il s’adjugera à 4 ans la Doncaster Cup et se classera second (à une courte tête de l’américain Reigh Count) de la Coronation Cup 1929 et troisième en 1930. Etalon lors de sa première saison en Angleterre, il sera vendu par la suite au Japon où il sera plusieurs fois tête de liste.
 
Centeno, la première des quatre filles, est gagnante de stakes à 2 ans (Anglesey St.). Elle deviendra la grand-mère paternelle de Quare Times et l’aïeule maternelle de Maori Venture, tous les deux gagnants du Grand National, l’un en 1955, l’autre en 1987.
 
Choclo a couru deux fois à 3 ans puis sera la mère de 5 vainqueurs. Parmi sa descendance française on retrouve Arzetto (Prix Eclipse et Maurice de Gheest), Pomona (la mère de Blocus, Prix de Condé et la grand-mère de Laostic, Premio Federico Tesio). Elle est aussi la 4e d’une certaine sauteuse, Maia Eria.
 
- Harina est la troisième fille d’Athasi et la dernière à naitre en Irlande. Gagnante de l’Imperial Produce St. et seconde des Nassau St., elle donnera naissance à Kyanos (1943 Blue Peter), le dernier produit pour la famille Barnett ; Kyanos est l’aïeule de notre gagnant du jour, Beau Ideal et donc de Time Charter. De cette championne descendent entre autres Zinaad, Time Allowed, By Charter (mère de First Charter, Anton Chekhov, Private Charter et grand-mère de Best Terms), Before Time (mère de Time Away, d’où Time On, Cursory Glance, Incantation)….
Sitôt la naissance de Kyanos, sa mère, Harina, est vendue au jeune Peter Beatty (34 ans, par ailleurs, vainqueur du Derby d’Epsom 1938 avec Bois Roussel, acheté à Léon Volterra quelques jours avant son succès).Elle donnera naissance à une certaine Neocracy (Nearco) qu’il vendra foal à S.A. Aga Khan. Elle donnera naissance pour le Prince à son premier produit, Tulyar (1949 Tehran) vainqueur du Derby d’Epsom, des King George VI, du Saint-Leger, des Eclipse St. et à Saint Crespin (1956 Aureole), vainqueur du Prix de l’Arc de Triomphe et des Eclipse St. pour le Prince Aly Khan.
Andromeda (1950 Stardust) est également une fille de Neocracy. Vendue en Italie par les Aga Khan Studs, elle donnera naissance à une gagnante des Oaks et des Guinées italiennes, Anticlea (1960 Mossborough).
 
Trigo
 
Notes
- Trigo (Derby et Saint-Leger anglais et Irish St-Leger) prendra ses fonctions d’étalon à Cloghan Stud de 1931 à 1933 et à Aston Park Stud en Angleterre de 1934 à 1946.
- Harinero (Irish Derby et Irish Saint-Leger) sera, après sa carrière sur la piste, vendu 2.300 Guinées à la B.B.A. pour un client australien, Sir Hugh Denison.
Primero (Irish Derby et Irish St-Leger) sera vendu en décembre 1935 au Japon avec quatre juments de l’élevage Barnett. Il figure à 13 reprises dans le Top 5 des étalons faisant la monte au Pays du Soleil Levant et sera tête de liste des pères de mères en 1958.
 
La dernière fille de Blandford et d’Athasi
Avena (1936) sera la dernière fille d’Athasi, issue de la dernière saison de Blandford (mort en 1935). Troisième des Leicestershire Oaks, elle deviendra notamment la mère de Oatflake (1942), la mère d’un futur bon étalon, Milesian (1953 My Babu) et de Nile Bird (1952 Sayajirao), 2e Irish Oaks et 3e Irish St-Leger, elle-même mère de Ninabella (1958 Buisson Ardent), gagnante du Premio Regina Elena et de Dawn Glow (d’où Highland Chieftain).
 
Avena sera vendue en décembre 1946, suite au décès de William Barnett, à Sir John Jarvis pour 14.500 Guinées. Elle mettra au monde ensuite quelques femelles bien utiles au haras : Jennifer (1948 Hyperion) et Laura (1949 Dante), à l’origine de Mistigri notamment :
Jennifer deviendra la mère de Nagami (1955 Nimbus), vainqueur, pour Mme Arpad Plesch et son entraineur Harry Wragg, de la Coronation Cup, du Gran Premio del Jockey Club, du Grand Prix du Printemps (futur Prix Jean de Chaudenay), second des Dewhurst St. (de la française Torbella) et trois fois troisième des classiques anglais, 2000 Guinées (de Pall Mall), Derby (de Hard Ridden), Saint-Leger (d’Alcide). Elle deviendra la grand-mère de Monteverdi (1977 Lyphard) qui se distingue à 2 ans avec ses victoires dans les National St. et les Dewhurst St. pour Robert Sangster et Vincent O’Brien.
 
Toujours le sang de Blandford
Après la mort de Blandford, Athasi sera présentée deux fois à l’étalon de S.A. Aga Khan, Umidwar (un fils de Blandford et de la célèbre Uganda) pour deux naissances de poulains en 1937 (Chico) et 1938 (Soldado). Mais les résultats ne seront pas à la hauteur de leurs prédécesseurs.
 
En 1940, Athasi est saillie par Windsor Lad, un autre fils de Blandford, vainqueur du Derby d’Epsom et du Saint-Leger 1934. Viendra, l’année suivante, la dernière maternité d’Athasi avec pour dernier produit, une pouliche nommée Windsor Park. Conservée pour l’élevage, elle restera inédite sur la piste. Vendue 6.000 Guinées lors des Newmarket December Sales 1946, elle rejoindra l’Italie chez un certain Federico Tesio pour qui Windsor Park donnera entre autres, Watteau (1954 Nimbus) et Ventura (1957 Toulouse Lautrec).

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