Débat : La Triple Couronne US devient un souvenir...à tout jamais

10/06/2014 - Actualités
Cela a trop duré. On a beau se prendre au jeu chaque année mais la Triple Couronne reste désespérément un souvenir. Et si elle le restait à tout jamais ? Par Fabien CAILLER

California Chrome doit s'avouer vaincu. Mais la victoire dans la Triple Couronne était-elle raisonnablement envisageable ?

 

LES TEMPS ONT CHANGÉ

 
C’est comme pour la météo, la politique, les mœurs, l’éducation, les pratiques sexuelles, les valeurs. Tout a changé ma bonne dame. Et bien sûr, c’était vraiment mieux avant. Passés ces lieux communs à la peau dure comme la roche du Grand Canyon, on doit bien avouer qu’en matière hippique, les temps ont effectivement changé. En mieux, en mal, qu’importe. On se sentirait bien mieux en acceptant tout bonnement que les temps ont changé, point. Et comme l’aurait dit le marquis de La Palice : « dans les années 70, c’était pas comme en 2000 et encore moins comme en 2010 et sûrement pas comme en 2020. » 
 
LA TRIPLE COURONNE AUSSI A CHANGÉ
 
Remporter la Triple Couronne américaine est à l’origine un défi sportif réservé, premièrement, au meilleur poulain de sa génération et, deuxièmement, la première condition étant nécessaire pour valider la seconde, à un phénomène capable de dominer ses adversaires sur trois hippodromes très différents, en concluant sur 2400m piste en dirt et le tout dans un intervalle de cinq semaines (aujourd’hui) ! Un défi que seuls les cracks authentiques, dotés d’une rate à la dimension de leur talent, peuvent relever. Alors revenons-en au fait : pourquoi plus qu’avant qu’aujourd’hui ? Pour trouver un élément de réponse, replongeons-nous dans les annales du turf ricain, et en particulier en 1973, 1977 et en 1978, années des triomphes signés Secretariat, Seattle Slew et Affirmed. Ce qui saute aux yeux directement, c’est la récurrence des noms sur les grilles de départ et sur les podiums. Aussi bien Secretariat que Affirmed avaient en fait validé dans les deux 1ères manches leur domination sur leurs adversaires en formant par ailleurs une hiérarchie extrêmement bien établie, comme le prouvent les podiums des années 1973 et 1978, avant de concrétiser à New York face à sept adversaires seulement et ayant déjà subi, pour la grande majorité d’entre eux, les foudres du « number one ».
 

TRIPLE COURONNE 1973
Kentucky Derby Preakness Stakes Belmont Stakes (5 partants)
1e Secretariat 1e Secretariat 1e Secretariat
2e Twice a Prince 2e Sham (5e Ky Derby) 2e Sham
3e My Gallant 3e Our Native 3e Our Native
 
TRIPLE COURONNE 1977
1e Seattle Slew 1e Seattle Slew 1e Seattle Slew
2e Run Dusty Run 2e Iron Constitution (NP Ky D.) 2e Run Dusty Run
3e Sanhedrin 3e Run Dusty Run 3e Sanherin
 
TRIPLE COURONNE 1978
1e Affirmed 1e Affirmed 1e Affirmed
2e Alydar 2e Alydar 2e Alydar
3e Believe It 3e Believe It 3e Believe It

 
Et ce qui a changé, c’est qu’aujourd’hui, le défi du vainqueur du Kentucky Derby réside dans le fait de battre de nouveaux venus. Ces derniers n’ont pas dans les pattes la lourdeur des 2000m de Churchill Downs ni la préparation qui va avec. Les battre dans les Preakness relève déjà de l’exploit. Alors les battre et en dominer de nouveaux sur 2400m dans la chaleur New-Yorkaise de juin n’est tout simplement plus possible !
 
L'INJUSTICE MÉDIATIQUE
 
Ce constat, Steve Coburn, le propriétaire haut en couleurs du héros malheureux de l’édition 2014 California Chrome, l’a fait de façon particulièrement amère. Après la course, sous l’insistance incessante de la presse, le cowboy de l’Ouest américain a ainsi fustigé les nouveaux arrivants sur la scène de la Triple Couronne, parmi lesquels le briseur de rêve Tonalist, le vainqueur de la manche organisée au pays des Yankees. Sollicité cinq semaines durant, sur le grill de multiples brochettes de journalistes, répétant à qui voulait bien l’entendre que son California Chrome allait réaliser l’exploit, celui qui avait alimenté toutes les chroniques se transforma en méchant aussitôt le poteau franchi : « on est tombé face à ’’poules mouillées’’ qui n’avaient même pas couru les précédentes manches » a-t-il lâché au micro de la NBC, soit devant des millions et millions de téléspectateurs.
 
 
Ecoutez l'interview de Steve Coburn après la course, traitant ses adversaires de lâches...
 
 
 
Politiquement incorrect, le surexcité moustachu s’attire alors les foudres de l’assistance policée ne supportant pas qu’on puisse dire autre chose que : « bravo au vainqueur, mon cheval a été superbe et mon jockey aussi, etc, etc… » Et bien non. Pour l’illuminé Coburn, c’était l’heure des grosses bouboules qui font mal et qui empêchent de déglutir normalement. Les deux premiers de la course sont les ’’lâches’’ en question, n’ayant participé à aucune des deux premières manches de la Triple Couronne. Le jugement est radical, un poil exagéré bien sûr, à tel point que notre homme s’est senti obligé de s’excuser ce lundi, mais pas sans fondement. Comment imaginer gagner un jour la Triple Couronne s’il faut, de surcroît, battre la fraîcheur de nouveaux venus talentueux ? Soyons clair, au risque de se planter dans les 365 jours à venir, c’est juste impossible.
 
 

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