Le Prix de Diane, Maryline Eon et vous les femmes.....jockeys

17/06/2017 - Grand Destin
Une femme-jockey au départ du Prix de Diane, c’est une première. Mlle Maryline Eon sera en selle sur une pensionnaire d’Alain Couétil, un habitué des femmes.....jockeys. Retrouvez toute l'histoire et les anecdotes de la casaque au féminin, par notre plus éminent de la gente en question : Xavier Bougon !


Maryline Eon (photos APRH)

 

Né en décembre 1994, Maryline Eon est originaire de Loire Atlantique. Pas très loin, à Nort sur Erdre, est installé René Lecomte, professionnel doué mais très taciturne, qui lui apprend les premiers rudiments du métier. Elle y passera sa première année scolaire puisqu’elle n’a pas encore 16 ans. A la rentrée de septembre, elle signe un contrat d’apprentissage chez Serge Foucher, entraineur à Senonnes par spécialement réputé pour sa tendresse, qui va la faire débuter en course......directement sur les gros obstacles : un steeple-chase à La Teste le 26 juin 2011. Mayrine Eon n'a toujours que 16 ans ! Pour avoir déjà fait tout ça à son âge, la jeune fille a beaucoup de talent et de caractère, car elle ne parait pas complètement inconsciente pour autant...

 

Une femme-jockey pour trois entraineurs de Senonnes

 

En septembre de la même année, elle « change d’herbage » à Senonnes et prend pension chez Laurent Viel qui va lui donner l’occasion d’ouvrir son palmarès......sur les haies de Fontainebleau le 13 mars 2012 avec Ridge d’Opale. Elle termine l’année avec 5 victoires en obstacle, toutes pour Laurent Viel, et 4 victoires en plat dont la première le 3 juin au Grand Fougeray en selle sur Phil Rose appartenant à Alain Renault, «un permis».

Après quoi, elle change de «crémerie» et atterrit, pas très loin, chez Joël Boisnard. Depuis février 2016, elle a élu domicile chez Alain Couétil, toujours sur le même site.
 
Le 28 août 2016, elle passe professionnelle à part entière en enlevant, à Redon, sa 70e victoire. Elle n’a donc plus le droit à la décharge....sauf qu’au 1e  mars 2017, une remise de poids de 2 kgs est accordée aux femmes devant «affronter» les hommes dans presque toutes les courses à l’exception des Groupes et a fortiori, le Prix de Diane.
 
 
 
Voir la victoire de Yellow Storm le 4 juin à Senonnes. Elle est en dernière position jusqu'à 200 m de l'arrivée.

 
 
 
 
Le père de Yellow Storm fait la monte pour 10 caisses de vin rouge
 
 
Fils de Zieten, installé au Haras du Logis sans réellement y faire la monte, Tiberius Ceasar est d'ores et déjà le meilleur souffleur de l'histoire...en tant qu'étalon. Son destin rocambolesque a été raconté dans tous les détails après la victoire dans le Prix d'Hedouville de son fils Tiberian (lire l'article).

En effet, ce Tiberian est le 1e produit de Tiberius Caesar, un ancien cheval de groupe qui a finit sa carrière dans le tous petits handicaps avant de devenir le souffleur du Haras du Logis. Il est né alors que son père avait déjà 12 ans. Aujourd'hui, Tiberius Ceaser n'a que 4 produits en âge de courir. Si l'un est partie en Belgique, les 3 autres sont vainqueurs.
 
Yellow Storm était tenue dans une telle estime par Alain Couétil (également mentor de Tiberian) qu'il l'a fait débuter directement  à 2 ans dans une listed, le Prix des Sablonnets à Nantes. Mais elle échoue, tout comme pour sa rentrée à 3 ans au Lion d'Angers. La pouliche est très tendue et ruine ses capacités en course. Mais pour son 3e essai, cette fois associée à Maryline Eon, Yellow Storm s'impose à Senonnes le 4 juin. Montée archi-dernière jusqu'à mi-ligne droite, elle a pulvérisée ses adversaires, passant le peloton comme s'il avait soudainement fait demi-tour, alors que Maryline s'est contentée de la déboiter à 200 m de l'arrivée. Elle a passé le peloton largement en tête, sans aucun effort apparent. Elle était déjà engagée dans le Prix de Diane et Alain Couétil a décidé de tenter sa chance.
 
 

Tiberius Ceaser, le souffleur du Haras du Logis
 
 
S'il n'a pas eu la joie de saillir une seule jument ni en 2014 ni en 2015, Tiberius Ceasar bénéficie aujourd'hui d'une véritable affluence, avec 10 juments en 2016 et 12 en 2017, ce qui est très bénéfique à la cave de son propriétaire de Julian Ince. En effet, ce dernier ne fait pas payer la saillie, mais l'échange contre 10 caisses de vin rouge ! 

 
 
Eon après Lee
 
 
Associée à Yellow Storm dans le Prix de Diane, Maryline est la première femme de toute l’histoire à monter ce Derby au féminin. Le Prix du Jockey Club avait déjà vu la participation de l’irlandaise, âgée de 25 ans, Caroline Lee en 1988 pour Maurice Zilber et de l’anglaise, âgée de 30 ans, Hayley Turner en 2013 pour sa compatriote, Mme Joanna Hughes (la compagne de Paul Bockley).
 
Caroline Lee avait monté sa première course de groupe en juin 1986, le Prix Fille de l’Air. L’année suivante, elle terminera second du Prix du Muguet.
 
 
 
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Béatrice Marie, 1e femme à gagner un Gr.1 en obstacle, avec Goodea dans la Grande Course de Haies d'Auteuil 1988 sous l'entrainement de Jean-Paul Gallorini.
 
 
 
L'obstacle en avance sur son temps
 
Cela peut sembler étrange, vu la dureté de la discipline qui exige un mental et un physique de soldat des tranchées, c'est en obstacle que le femmes jockeys ont peu en premier s'exprimer au meilleur niveau français. Béatrice Marie et Anne-Sophie Madelaine, toutes deux découvertes par Jean-Paul Gallorini, ont gagné Gr.1 à Auteuil, puis Nathalie Desoutter s'est aussi élevée dans l'élite d'Auteuil et d'ailleurs, gagnant même le redoutable Grand Cross de Pau ! 
 
 
 
 
On n'a pas pu résister à vous proposer ce magnifique navet sorti par Darie Boutboul, avec pourtant François Feldman qui lui voulait sans doute du mal sans lui dire.

 
 
Le 1e tiercé de Darie Boutboul
 
En 1984, une cavalière fait la Une des médias. Licenciée depuis 1976, Darie Boutboul gagne le 1e avril,, l’évènement national, le Tiercé, le Prix de Plaisance avec son cheval, Abdonski : la première victoire d’une femme ; elle devance Jean-Noël Fraud (un jockey reconvertit, que l’on voit tous les jours sur les hippodromes, encore aujourd’hui) et un élève de l’ancien gentleman-rider, l’entraineur Gérald Sauque. Darie Boutboul récidivera le 29 avril suivant toujours dans le Tiercé avec toujours Abdonski. Elle mettra fin à sa carrière à cheval à la fin de l’année suivante. Invitée régulière des grosses têtes de Philippe Bouvard, elle fera aussi la une de la chronique judiciaire suite à la mort brutale de son époux, l'avocat Jacques Perrot...car les juges ont condamné sa propre mère, estimant qu'elle avait commandité l'assassinat du "gendre qui en savait trop".
 
 
 
Les sœurs jumelles Bernadon chez Alain Couétil ; un précurseur
 
Dans les années 70, la Société mère pense que l'ouverture aux cavalières effectué dans les rangs de l'amateurisme va créer des vocations. Or, la première année, aucune femme ou jeune fille n’a fait de demande de licence de jockey pas même une ancienne cavalière. Il faudra attendre 1976 pour la première demande de licence de jockey.
 
Si Maurice Zilber pour le plat et Jean-Paul Gallorini pour l’obstacle ont fait monter en course leur employé, il n’en reste pas moins qu’ils ont été devancés par certains entraineurs de province. C’est le cas de Jacques Montaudoin qui fera signer un contrat d’apprentissage à Jacqueline Bernadon suivie quelques mois plus tard par sa jumelle Monique, nées en décembre 1956.
 
Quelques années plus tard, le 23 mars 1980, les deux jumelles font le jumelé d’une épreuve pour demi-sang à Paray le Monial, Monique devance Jacqueline. La gagnante monte pour Luc Cacquevel, la seconde pour son ancien maitre d’apprentissage.
 
Après avoir quitté le Centre-Est, elles seront les salariées d’Alain Couétil, alors entraineur pour le 1e de ses 2 essais, l’actuel employeur de Maryline Eon. Actuellement éleveur, Jacqueline compte près de 35 victoires et sa soeur jumelle, 7 victoires de 1980 à 1982, année où elle décide d’arrêter.
 
 
 

Alain Couétil avec Angela Le Corre après la victoire de Basta de From dans le Prix de Craon.
 

 
Alain Couétil : la confiance aux femmes
 
Lui qui avait déjà fait confiance aux femmes dans sa 1e vie d'entraineur, Alain Couétil, avant même de faire monter Maryline Eon dans le Prix de Diane, avait déjà permis à une femme de remporter un Grand Prix à Longchamp. En septembre 2015, sa pensionnaire Basta de From s'impose ainsi dans le Prix de Craon, l'Arc de Triomphe des AQPS, montée par Angela Le Corre.
 
 
La création d’un championnat pour femmes-jockey

 
C’est sous la présidence d’Edouard de Rothschild, qu’est créé un championnat réservé aux femmes-jockeys dans le but de faire monter en course officielle les jeunes filles dont le rôle dans la filière s’était cantonné à celui de cavalière d’entrainement et de lad. Un barème de point est attribué aux 5 premières de chaque course.
 
Trente-huit femmes monteront au moins une fois lors de la première édition du championnat qui compte 27 épreuves. Il est remporté par Brigitte Renk, lauréate de 7 épreuves. Elle devance Delphine Santiago, Nathalie Desoutter, Chrystelle Cardenne....Brigitte Renk récidive l’année suivante devançant Céline Hérisson de Beauvoir et l’allemande Katharina Werning. Cinquante-deux femmes participeront au moins une fois à l’une des 31 épreuves que compte le championnat.
 
En 2008, Céline et Brigitte comptent 8 victoires chacune mais la première nommée l’emporte au nombre de points face 51 autres femmes. Brigitte l’emporte une fois encore en 2009. D’anciennes cavalières sauteront le pas en prenant une licence professionnelle telles que Nathanaelle Artu puis Pauline Prod’homme ou Manon Scandella.
 
 
 
Amélie Foulon décroche le 1e groupe de plat pour une femme-jockey en France

A l’occasion de l’édition 2010, une seule monte pour l’apprentie de 17 ans, Amélie Foulon, qui restera dans l’histoire comme étant la première femme à s’imposer dans une épreuve de groupe, le Grand Prix de Vichy 2015 en l’occurrence en selle sur un cheval du Président Rothschild, Elliptique. Amélie Foulon était alors jeune jocket. Le cheval est dévenu étalon au Haras de Cercy en 2017.

Avant elle, Hayley Turner avait monté le Prix d’Arenberg 2004 puis s’était classé 4e du Prix Ganay 2012. Stéphanie Hofer avait dû se contenter du pied du podium du Prix Miesque en novembre 2011 et avait ensuite monté le Prix Ganay 2013 sans résultat.

Delphine Santiago
avait monté le Prix Jacques Le Marois 2013 et le Prix du Moulin de Longchamp 2014. Pauline Prod’homme monte sans résultat dans le Prix Gontaut-Biron 2012 tandis que Pauline Dominois monte le Prix des Réservoirs 2015. Cette dernière fera la Une des médias en remportant le premier Quinté réservé aux femmes jockeys, le 23 octobre 2016 à Saint-Cloud.

 
Des stars aux féminins Outre-Atlantique et en Australie
 
En 1970, Diana Crump est la première femme à monter le Kentucky Derby. Elle sera suivie de Patricia Cooksey.
 
En 1993, Julie Krone est la première femme-jockey à remporter l’une des épreuves de la Triple couronne américaine, en l’occurrence, les Belmont St. avec Colonial Affair. Egalement lauréate d'une épreuve de la Breeders'Cup, Julie Krone a réalisé une longue et riche carrière au top niveau.

Dans les années 2000 et jusqu'au terme de sa carrière en 2012, la canadienne Chantal Sutherland a défrayé la chronique par ses succès au plus haut niveau, notamment en selle sur Mine That Bird ou autre Game on Dude, que par son rôle de star de la télé.

En Australie, Michelle Payne, née d'une très grande famille des courses aux Antipodes, a marqué l'histoire par son succès dans la Melbourne Cup 2015, le 1e pour une femme jockey dans la course qui arrête une nation, en selle sur Prince of Pezance.
 

 


Michelle Payne après sa victoire dans la Melbourne Cup 2015 en selle sur Prince of Pezance.

 

Le changement en France, c’est en 1974, le jour où les femmes affrontent les hommes
 
Depuis 1972, les cavalières peuvent monter en obstacles face aux hommes. Mais en plat, il faudra attendre 1974. Jusque-là, les amateurs avaient leurs propres épreuves, celles réservées exclusivement aux gentlemen-riders et celles réservées aux cavalières. Puis début 1974, la Société mère du plat, la Société d’Encouragement, crée quelques 12 courses mixtes ouvertes donc aux deux sexes mais aucune sur les hippodromes de la capitale.
 
Ce n’est pas à Rambouillet, le temple des courses pour amateurs, que va se dérouler la première épreuve mixte mais à Argentan, le 14 avril 1974. Trois cavalières affrontent huit gentlemen-riders. Robert Danloux, en selle sur un élève d’André Adèle, devance Mlle Yvonne Grenon et Mlle Aline de Lotherie.
 
 
Elles font jeu égal avec les gentlemen-riders
 
En 1975, le nombre de courses mixte sera porté à 28 (aucune à Paris) que 66 cavalières disputeront contre 182 pour les hommes ; 14 victoires sont à mettre au crédit du sexe dit faible soit la moitié. Le 13 avril 1975, soit tout juste un an après la création des épreuves mixtes, c’est encore l’hippodrome d’Argentan qui fait la Une. Seule cavalière en selle, Mme Gérald Sauque devance les 10 gentlemen en piste.
 
Le 8 mai à Rambouillet, Mlle Marie-Josèphe Porzier devance Gérard de Chevigny et le 1e juin à Fontainebleau, Mlle Micheline Leurson devance Mlle Caroline de la Soudière.
 
En 1976, le nombre de courses mixtes est passé de 28 à 43 disputées par 102 cavalières face à 297 gentlemen. La première course parisienne, le 8 avril à Evry, est remportée par Pascal Adda qui devance d’une courte encolure, Micheline Leurson.
 
Notes:
 
  • Pour l’anecdote, en 1974, le Prix des Lions et le Prix Général de Saint-Didier sont remportés par Gilles Forien qui devance Gérard de Chevigny dans l’un et Patrick Biancone dans l’autre. Quant au de la Prix de la Reine-Marie-Amélie, elle est remportée par Mme Janet Slade montant un élève de Nelson Pessoa. Elle devance Micheline Leurson en selle sur un pensionnaire d’Alec Head.

    Mme Janet Slade
     fait sienne le Prix de la Plage Fleurie à Deauville pour Daniel Wildenstein et Jean-Michel de Chouberskyalors  que le Prix Georges Courtois est remporté par un anglais, D.M. Brown qui devance un certain Luca Cumani montant pour Henry Cecil
  • Le 21 février 1975 à Cagnes, Jean-Marie Busuttil devance Mlle Franca Vittadini (la fille de Carlo), le propriétaire de Grundy, entre autres 
  • C’est la parité le 26 avril 1975 à Lyon, quatre cavalières pour quatre gentlemen. Roland Grimaldi devance Mlle Michèle Cyprès, Mme François Pons et Mme Jean de Brétizel (née Edith de Ponchalon).

  • Le 10 juillet 1977 à Bernay, le jumelé gagnant d’une épreuve mixte n’est autre qu’une affaire de famille : Gérald Sauque devance son épouse.
 
Les évènements de 1974 et 1975:
 
La Société d’Encouragement va même plus loin que la participation des cavalières au sein d’un peloton de gentlemen-riders puisqu’elle autorise (par un article du Code des Courses) les cavalières à monter avec les jockeys pros (à l'exception de certaines courses dont les courses principales). Pour être qualifié, il faut avoir monté 10 courses minimum ou avoir gagné 3 courses.
 
L’évènement reste la première victoire remportée, en France, par une cavalière dans une course plate aux dépens des jockeys. Dès le mois de février 1974, Roger Céran-Maillard (titulaire d’un permis d’entrainer) va rester dans l’histoire en ayant fait monter les deux premières cavalières face aux jockeys pros : Mlle Anne-Marie Laponche et Mlle Aline de Lotherie. C’était à l’occasion d’une course à réclamer à Cagnes sur Mer le 10 février.
 
Mlle Anne-Marie Laponche s’imposera un mois plus tard sur la même monture pour le même entrainement et toujours à Cagnes. Elle devance pour l’occasion un pensionnaire de la même écurie monté par un jeune-jockey de 20 ans, Robert-Victor Antonioli. Dans le peloton, quelques fines cravaches sont à leurs côtés telles que Georges Doleuze, Alain Lequeux, Jean-Pierre Lefèvre, Gérard Rivases, Serge Prou.
 
L’évènement de la saison suivante se déroule le 8 novembre 1975 à Saint-Cloud. A l’arrivée du Prix de Santeuil, Isabelle Le Maresquier, en selle sur un pensionnaire d’Alain GleizesErfoud, pour les couleurs de son mari Erik Hénin, porte l’attaque finale à Nordkap, un pensionnaire d’Aage Paus. Son pilote n’est autre qu’un certain Lester Piggott, premier classé des onze autres jockeys pros. Au palmarès de l’année, on compte huit victoires de cavalières face aux jockeys professionnels : outre celle de Mme Erik Hénin, quatre victoires pour Mlle Aline de Lotherie et une pour Mlles Michèle Cyprès, Annie Kurtz et Jocelyne Laborde.

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