Haras de la Rousselière : trois rivières et quatre saisons

07/02/2018 - Découvertes
 Nelly et Pierre de la Guillonnière vous font vivre les quatre saisons en quelques minutes au Haras de la Rousselière, nichée au coeur de la région des trois rivières en Anjou, où a notamment grandi le crack Un de Sceaux.

 

Quand ils ont convolé en justes noces, Nelly et Pierre de la Guillonnière atteignaient à peine les 100 kilos à eux deux sur la balance. Depuis, ils n'ont guère pris de poids en gramme, mais ont pris une place majeure dans le paysage de l'obstacle européen. En 35 ans, le Haras de la Rousselière est devenu une marque aussi prestigieuse et que pas prétentieuse. L'un comme l'autre nous font toujours preuve d'un humanisme confondant, une charité chrétienne qui a eu pour heureuse conséquence l'éclosion d'un crack historique : Un de Sceaux.
 
Au début des années 80, la Rousselière est une vaste demeure bourgeoise, au confort encore rustique, appartenant à Philippe Roy, le père de Nelly. Le bâtiment et son corps d'écuries en pierre de tuffes sont posés sur 100 hectares d'un terroir extrêmement particulier : celui dit des trois rivières. En effet, à Soulaire-et-Bourg et dans les communes voisines au nord d'Angers, s'étendent des milliers d'hectares inondables, entre le Loir, la Sarthe et la Mayenne qui se rejoignent pour former la Maine qui se jettera dans la Loire après avoir traversé la Capitale de l'Anjou.
 
 




Jean, Pierre et Nelly de la Guillonnière.
 
  
 
 
Tous les hivers, une formidable masse d'eau submerge ces prairies. Ici, comme dans la vallée du Nil, l'inondation n'est pas du tout un drame mais un bienfait très attendu de dame nature, qui fertilise par ses alluvions des hectares où on pourra couper à la fin du printemps un foin d'une qualité exceptionnelle. Les sols de la région sont pourtant très sableux. Ici, on chausse des mocassins ou des cuissardes, mais on n'use pas beaucoup les bottes car la notion de terrain gras est exotique. Cela n'est pas un hasard si, à l'exception des horticulteurs ou des maraîchers, les agriculteurs à l'ancienne étaient des tous petits paysans auto-suffisants, avec quelques vaches, des poules, un cochon et un bien sûr et surtout un cheval. Avoir sa jument, faire un poulain avec l'étalon le plus proche et le moins cher, aller aux courses le dimanche à Seiches, à Durtal, Segré, Angers, Molières, Château-Gontier, Le Lion d'Angers et même Craon en Mayenne, c'était vivre. Gagner une course dans l'année, c'était le bonheur. Voilà pourquoi l'Anjou regorge d'éleveurs de galop, de propriétaires, de permis d'entraîner et d'entraîneurs qui ont la chance pour beaucoup de pouvoir tracer des pistes sans acheter de sable à l'extérieur....
 
 

 
 
 
 
Dans ce contexte, Nelly et Pierre de la Guillonnière se lancent dans les chevaux de courses et transforme la Rousselière en haras. La famille angevine de Nelly a des chevaux d'obstacle, comme toute bonne maison bourgeoise des années 70, mais pas celle de Pierre, qui a plutôt des étangs en Sologne. Ce dernier, qui a fait des études agricoles, a d'ailleurs importé en France le concept du gazon en rouleaux, ayant équipé le nouveau stade de Bordeaux à l'époque, avant de consacrer sa vie aux chevaux. Depuis 3 décennies, le Haras de la Rousselière, qui a eu des étalons jusqu'au transfert des reproducteurs au Haras du Lion tout proche, a sorti des dizaines de grands sauteurs, dont une majorité d'AQPS. D'ailleurs, Nelly de la Guillonnière est une des membres les plus actives du bureau de l'Association AQPS Ouest. Mais le meilleur de tous est évidemment Un de Sceaux.
 
 
 
 
Ce fils de Denham Red est tout à fait symbolique de la sympathie échangée entre la Rousselière et les "pépés à casquette", frange typique de la  clientèle locale du haut Anjou. Dans le monde d'aujourd'hui, où tout coûte si cher, nos bons vieux petits éleveurs à l'ancienne n'arrivent plus à suivre comme lorsqu'on payait la saillie 500 francs, qu'on poulinait soi-même, qu'on faisait débourrer le poulain par le neveu et qu'on plaçait le futur sauteur en location chez le cousin, permis d'entraîner. Alors dans leur grande bonté, les Guillonnière font des accords avec des clients devenus amis de 30 ans. Ils donnent une saillie contre la moitié du poulain et de la prime, et parfois se retrouvent à faire presque tout le travail et assurer toute la finance, comme cela a été le cas avec Un de Sceaux, né chez René Choveau dans la commune voisine de Sceaux d'Anjou mais géré ensuite par la Rousselière. Ce poulain n'a ni un pédigree ni un physique à faire déplacer les foules, mais il a tapé quand même dans l'oeil de Fabrice Foucher lorsqu'il avait 3 ans en 2011 et attendait un preneur. Ce dernier, entraîneur à Saint-Michel-Chef-Chef mais aussi un peu éleveur, est venu à Soulaire-et-Bourg pour mettre une jument au poulinage avant de la faire saillir par Maresca Sorrento, alors à la Rousselière. Il ne repartira pas à vide et donnera ses 2 premières victoires à Un de Sceaux, sujet à peine gérable au quotidien mais riche d'un talent exceptionnel. Un de Sceaux a été vendu à Willie Mullins en Irlande en 2013.
 
 
 
 
 
 
Le 20 janvier 2018 à Ascot, le crack de 10 ans, déjà double vainqueur en steeple lors du festival de Cheltenham, et capable de revenir à Auteuil pour les grandes joutes en haies, a dépassé le million de livres de gains en gagnant le 8e Gr.1 de sa carrière, en seulement 26 sorties pour 20 victoires ! Le banquier de Monique Choveau aux mannes tombant sur le compte de sa cliente seulement alimenté par ailleurs par la minuscule retraite de veuve de petit paysan. Notons également que la mère d'Un de Sceaux, nommée Hotesse de Sceaux, gardée à l'élevage malgré une carrière de course désastreuse soldée par 8 échecs complets en autant de sorties en plat, en haies et en steeple, était une fille d'April Night, le 1e des trois étalons les plus influents qui ont stationné à la Rousselière, avant Denham Red et Maresca Sorrento.
 
Ce dernier, qui s'est éteint l'été dernier, a marqué un tournant très important pour le Haras de la Rousselière lorsqu'il est parti stationné au Haras du Lion en 2014. C'est en effet à cette époque que Nelly et Pierre de la Guillonnière ont transféré leur parc étalon à 10 kilomètres, sur le site historique du Haras National, repris en association avec l'Ecurie des Mottes de Claudie et Joël Poirier, des amis de toujours. De fait, le Haras de la Rousselière  non seulement reprend des étalons en pension hors saison de monte, mais s'ouvre plus au stationnement de juments extérieures à l'année et à tous les services commerciaux de l'élevage. Un des trois fils de la maison, Jean de la Guillonnière, s'implique désormais à 100% dans l'entreprise qui continue ainsi de vivre au rythme des cycles et des saisons.
 
 
 
 
 
 
 

 

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