Saonois : la Force de l'Histoire de France (de 1914 à...nos jours) !)

09/04/2012 - Grand Destin
Premier groupe parisien pour son entraineur lyonnais Jean-Pierre Gauvin, 1e groupe tout court pour son jeune jockey Antoine Hamelin. Saonais arrache le Prix La Force (Gr.3) à Longchamp dans la foulée de son Prix Policeman (Listed à Cagnes). Le fils de Chichicastenango n'est pourtant pas un petit poucet.

Saônois est né du Haras de Nonant le Pin dans l'Orne. Il y a été élevé par la famille Corbière dont le patriarche avait été l’éminent, Henri. Voici un cheval qui revisite l'histoire...Par "l'indispensable" M. Bougon.

Un hommage posthume à son père, Chichicastenango.

Impressionnant de facilité et monté « aux petits oignons » par le jeune Antoine Hamelin, le fils de Chichicastenango (décédé en janvier de cette année au Japon et père entre autres de Vision d’Etat) n’a fait qu’une bouchée de ses adversaires, laissant ses dauphins, Espero (JC. Rouget) à 4 longueurs et Mobaco (le vainqueur du Prix Delahante à 2 ans pour JC. Seroul) à 6 longueurs. Terminant au pied du podium, Sir Jade (Pariente-Capitte) avait devancé Saônois d’une courte tête à l’issue de l’une des préparatoires, une « A », le Prix de la Ville de Cagnes (l’ex Prix Renoir).
Notes : depuis 2002, année de la promotion du Prix Policeman, seuls deux vainqueurs du Prix Renoir se sont ensuite imposés dans la Listed.
 
 
 
Se glissant entre les 2 représentants de Gérard Augustin-Normand, Saonois vient arracher la victoire dans le Prix La Force, sous la selle du jeune Antoine Hamelin. (PHOTO APRH)
 
 
Une association forézienne
 
Le très éclairé forézien, Jean-Pierre Gauvin (entraîneur depuis 1990) achète Saônois, yearling, dans les prés du haras de Nonant-le-Pin chez son éleveur, Olivier Corbière. Il s’associe avec Pascal Treyve, artisan-boulanger dans le Forez, tout près de Saint-Etienne dans la Loire. Agréé comme propriétaire (casaque bleue, étoiles jaunes, toque bleue) depuis septembre 2005, Pascal Treyve débute avec un fils de Poliglote, Cadran, dont la mère est une sœur de Whakilyric (mère de Hernando, Johann Quatz). Il ne tarde pas à mettre les pendules à l’heure avec une première victoire à Saint-Cloud à 2 ans (2006) sous la coupe de Carlos Lerner. Associé à son éleveur, Pierre Talvard, ce succès est suivi d’une 3ème place dans le Prix Isonomy (L.) de Anabaa’s Creation. Agé, aujourd’hui, de 8 ans, il totalise 123.300 € de gains avec 3 autres victoires, toutes à Deauville sur la fibré.
Cet hiver, le boulanger fait son marché à Deauville, en réclamant un 2 ans, Louvigny. Ce fils de Lando a pris deux places en autant de sorties à Cagnes en ce mois de février dont l’une 30 minutes avant son compagnon de couleurs, Saônois.
 
 

L'équipe gagnante  de Saonois : Antoine Hamelin et Jean-Pierre Gauvin et un propriétaire, Pascal Treyve, artisan boulanger dans le Forez. Tous vivent un rêve éveillé.
 
 
La souche de Sarepta, exploitée par Jacques Bédel
 
Saônois est donc né chez Olivier Corbière, au haras de Nonant le Pin. Jean-Pierre Gauvin connaît bien l’élevage et la famille du poulain, car il entraînait déjà sa mère, Saônoise (née en 1998 d’Homme de Loi et de Sa Majesté), pour le compte de Jacques Bédel qui l’avait loué à son éleveur.
Honnête jument de petits handicaps, Saônoise a couru jusqu’à l’âge de 8 ans franchissant le poteau en vainqueur à 5 reprises, toutes dans le Centre-Est. Au haras, elle avait déjà donné Sainte Baume (Enrique), qui évolue dans les petits handicaps ou les "réclamer". Le 2 ans, Sarrebourg (Sageburg) est déclaré à l’entraînement chez Jean-Pierre Gauvin. Le yearling est une pouliche de My Risk, nommée Sarrola.
 
La mère de Saônoise (Garde Royale), Sa Majesté, née en 1991, a très peu couru. Elle est décédée en juin 2010 après avoir mis au monde 3 vainqueurs et le dernier-né en 2009, Salve, est une fille de Sin Kiang à l’entraînement à Saint-Cyr les Vignes.
 
Sa Majesté, est une petite-fille de Scalene (Jefferson), gagnante de handicaps Listed et déjà élevée par la famille Corbière, en l’occurrence par Jean, le père d’Olivier. Scalène est également la mère de Sarepta (née en 1981, de Grandchant), qui pour les couleurs Bédel, l’entraînement de Louis Boulard et la monte de Robert Laplanche a remporté, entre autres, le Grand Prix de Vichy (Gr.3), Le Vase d’Argent (L.), le Prix des Fédérations Régionales (L.) à Longchamp. Son frère cadet, Samovar (RB Chesne) s’est aussi imposé à Longchamp dans le Prix des Fédérations Régionales pour le même entourage.
 
 
 
SKIRA
SCALENE
SAREPTA
BAYARECK
 
 
1954 Relic
1973 Jefferson
1981 Grandchant
1992 Alzao
 
 
El : L. Duval-Lemonnier
El : Jean Corbière
 
2e Prix Finot
 
 
Pr : Cte Guillaume d'Ornano
 
 
 
 
 
 
 
SCAMANDRE
SA MAJESTE
SAONOISE
SAONOIS
 
 
1983 Labus
1991 Garde Royale
1998 Homme de Loi
2009
 
 
 
 
 
 
 
 
SAMOVAR
 
 
 
 
 
1986 R B Chesne
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
STENOREE
SARRE
 
 
 
 
1990 Garde Royale
2000 Freedom Cry
 
 
 
 
3e des Jouvencelles
2e Muguet
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
SEGRE
 
 
 
 
 
2002 Fragrant Mix
 
 
 
 
Nonant le Pin, une affaire de famille
 
Tout d’abord associé à partir de 1974 à son père, Jean (né en 1904), Olivier devient le « patron » du haras de Nonant le Pin au décès de son père en 1988. Olivier n’est autre que le neveu de Pierre (1898-1986) et le petit-fils d’Henri, grand éleveur du début du siècle et l’un des principaux vendeurs de yearlings de l’entre-deux guerres.
Le domaine de Nonant (sur les bords de la Dieuge) ne date pas d’hier : le château fort est construit au XIème siècle puis sera maintes fois détruit et rebâti alors que les douves et la chapelle datent de l’an 1503. Le logis, vétuste, est démoli en 1844 et reconstruit de 1845 à 1848 par le parisien Jacques Valentin (grand-père de Jacques Olry, grand éleveur de trotteurs). En 1868, le château est acquis par Jacques Léonard Lepetit (grand-père d’Henri Corbière) qui y crée le haras.
 
 
 
Henri Corbière, un grand homme du début du 20e siècle, c'est à dire d'un autre temps.
 
Henri, né en 1869 à Londres (décédé en 1955), possède une sacrée carte de visite : Capitaine d’artillerie, Chevalier et Officier de la Légion d’Honneur, Commandeur du Mérite Agricole, Maire de Nonant de mai 1900 à mai 1930, Membre de l’Académie d’Agriculture, Membre de la Commission du Stud-book, membre du Conseil Supérieur des Haras et du Conseil Supérieur de l’Elevage.
Aucun des problèmes agricoles ne lui est étranger. Sorti de Grignon, il prend en 1893 la gestion du domaine familial de plus de 500 hectares auquel il consacre son existence.
Jusqu’en 1905, il se consacre aux trotteurs ; toutefois il avait acheté en 1899 quelques poulinières à Newmarket .
En 1902, Henri Corbière fait son apparition sur le marché des yearlings à Deauville. Il y vendra une partie de sa production jusqu’en 1932, année où il décide de ne vendre qu’à l’amiable.
La guerre de 1940 fut un désastre pour Nonant : la propriété fut réquisitionnée et pillée lors des séjours de l’occupant ; le château, le mobilier, la bibliothèque, les archives furent brûlées. En 1944, une partie est reconstruite y compris les écuries. C’est miracle que, dans ces conditions, l’élevage ait pu seulement subsister, les animaux ayant dû plus ou moins être dispersés et c’est grâce à son long passé de gloire et sa merveilleuse vitalité que l’élevage put continuer.
 
 
 
L'ancien château féodal de Nonant le Pin (il n'en subsite que la Chapelle)

 

Maurice Caillault, éleveur sans sol
 
Au début du siècle, Henri Corbière prend en pension une partie de l’effectif de poulinières de Maurice Caillault (dont Ortie Blanche, Prix Vermeille 1897). Grand propriétaire de l’époque, il avait débuté une dizaine d’années plus tôt. Puis en 1906, la totalité de l’effectif débarque avec comme sires les fameux chevaux de courses qu’avaient été Perth (Poule d’Essai, Grand Prix de Paris, Prix du Jockey Club, du Cadran, Royal-Oak) et Macdonald II (Prix Royal-Oak, 2e Prix du Jockey-Club, 3e Grand Prix de Paris), que rejoignit bientôt Chéri(Grand Prix de Paris, Poule d’Essai 1901) avant d’être exporté en Allemagne en 1912.
Maurice Caillault, fils d’un grand industriel d’Angers, était Lieutenant au 2ème Régiment de Chasseurs à cheval en poste à Pontivy ; c’est là qu’il fait la connaissance du Comte Paul de Pourtalès avec qui il s’associe sur la propriété de quelques chevaux. Il adopte en 1894 les couleurs du Prince de La Moskowa (bouton d’or, manches et toque bleues). Eleveur « sans sol », il acquiert sa première poulinière, Rose of York qui donnera naissance à Roxelane (Grand Critérium, Prix de Diane, Poule d’Essai et mère ensuite de Roi Herode) puis l’année suivante à son propre frère Rodilard (Poule d’Essai). Maurice Caillault était propriétaire de l’écurie ‘Mill Cottage » où Richard Carter Jr entraînait pour lui. Il reprend du service pendant la Grande Guerre et après les hostilités abandonne progressivement le turf et ses poulinières prennent le chemin d’autres élevages, ceux de Jean Prat et d’Atanik Eknayan en particulier.
A la fin de son existence, Maurice Caillault était conseiller technique du baron Edouard de Rothschild. Il décédera en 1930.
 
Notes :
-Perth, qui avait été acheté yearling à la vente annuelle (1897) de Maurice Ephrussi mourut à l’âge de 12 ans suite à une subite affection des reins. Une perte d’autant plus grande que Maurice Caillault ne l’avait pas assuré et que surtout il venait de refuser une offre mirobolante (500.000 F.) de la part du gouvernement hongrois.
-Macdonald II, né au haras d’Ouilly chez le Prince d’Arenberg, avait été acheté yearling. Il passa une dizaine d’années à Nonant et fut le père, pour Maurice Caillault, de Moia (Prix de Diane, Vermeille 1913), l’une des meilleures élèves de l’époque née à Nonant le Pin.
-Chéri, qui malgré Claudia gagnante du Prix Vermeille, ne se distinguera que par ses filles dont descendent entre autres Biribi et Saperlipopette (jument base de l’élevage Stern).
-Roi Hérode fut vendu par Maurice Caillault en Irlande en 1910 et deviendra le père de The Tetrarch, lui-même père, entre autres, de l’exceptionnelle Mumtaz Mahal.
-Les terres de Nonant le Pin sont voisines de celles du Haras de Montaigu et de la Reboursière (Aliette Forien).
 
Le souvenir d’Imprudence
 
Henri Corbière, qui conserva quelques poulinières de Maurice Caillault, devient alors le seul éleveur de Nonant le Pin : une nouvelle ère commence. Aidé de ses deux fils, Pierre et Jean, Henri s’attachera à posséder des poulinières de haute origine, se basant davantage sur la qualité du pedigree que sur la valeur montrée en courses (au contraire de Maurice Caillault). C’est ainsi qu’en faisant ses emplettes à Newmarket, il déniche, en 1935, une fille d’Hurry On âgée de 3 ans, Indiscrétion qui deviendra la mère d’Imprudence. 
Aucun des succès précédents ne pourrait être comparé à sa carrière triomphale avec les couleurs de Mme Pierre Corbière (jaune, un cercle blanc, toque noire).
 
 
 
En 1947, Imprudence remporte à la suite les 1000 Guinées, la Poule d'Essai et les Oaks d'Epsom.
 
 
Née en 1944, c’était une fille de Canot (Nino) et d’Indiscrétion. Sa carrière à 2 ans n’annonçait pas la championne qu’elle fut à 3 ans, malgré sa seconde place dans le Prix de la Salamandre et une 4ème place dans le Prix La Forêt. Que dire de sa campagne 1947 : entraînée par Joseph Lieux à Maisons-Laffitte, elle fait une rentrée victorieuse en avril au Tremblay disposant du pensionnaire de Percy Carter, Pearl Diver (vainqueur ensuite du Derby d’Epsom). Elle enlève ensuite (le 2 mai), de haute lutte, les 1000 Guinées de Newmarket à 20 partantes. A 12 ans d’intervalle, MM Corbière pouvaient revivre le même exploit que celui de l’élève de Nonant, Mésa que « Rae » Johnstone avait également menée à la victoire pour les couleurs Wertheimer.
Imprudence récidive quelques semaines plus tard dans l’équivalent français, la Poule d’Essai battant Montenica (future gagnante du Prix de Diane). Elle ridiculise, ensuite (5 juin), ses adversaires dans les Oaks d’Epsom, laissant sa dauphine, Netherton Maid, à 5 longueurs.
Battue sur le poteau dans le Prix Jacques Le Marois, elle ne figurera plus dans ses deux dernières sorties, le Prix Vermeille et l’Arc de Triomphe. Elle sera vendue ensuite aux USA.
 
Il est quasiment impossible de citer tous les vainqueurs nés au Haras de Nonant le Pin mais citons pêle-mêle, outre les élèves de Maurice Caillault et la championne Imprudence :
Belfonds, Château Bouscaut, Duplex (tous vainqueurs du Prix du Jockey-Club), Black Domino (achetée à Newmarket et mère de Barneveldt, vainqueur du Grand Prix de Paris, entre autres et qui fera les beaux jours du haras en tant qu’étalon), Rodosto (2000 Guinées et Poule d’Essai), Marveldt (achetée à Newmarket et mère de Mackwiller, Poule d’Essai et mère elle-même de Mesa, 1000 Guinées), Slip Along (achetée à Newmarket et mère de Assuerus, 2e Prix de l’Arc de Triomphe), Rebia (Poule d’Essai), Pont l’Eveque (fils de Barneveldt et issu d’une jument Corbière et vainqueur du Derby d’Epsom)…
 
Notes : Mackwiller est aussi la mère de Mammee (sœur de Mesa et élevée également par Pierre Corbière) à l’origine de Vimy, Midget, Mige, Truculent, Ma Biche….
 
En guise de conclusion, notons que le propriétaire forézien qu’était Jacques Bédel était l’un des principaux acheteurs de la production du Haras de Nonant le Pin. Outre la famille de Saônois, Olivier Corbière a fait naître de nombre de vainqueurs et en particulier, les deux frères, Robin des Champs et Robin des Prés.

Voir aussi...