Chili : l'entraineur vedette Guillermo Aguirré, " mon maître François Boutin "

20/02/2020 - Découvertes
Tête de liste au Chili, à la tête d'un effectif de 180 chevaux de l'écurie de Don Alberto, Guillermo Aguirre, surnommé Mémo, ouvre les portes de son centre d'entrainement de Pirqué près de Santiago. Il y rend un hommage vibrant à l'homme qui lui a tout appris, François Boutin, un entraineur de légende à Chantilly qui avait des liens serrés avec le Chili... Il vous raconte cette histoire fort méconnue.

 

 
Il a une vraie gueule de cinéma tanée par le soleil brûlant du Chili. Sorte de cow boy du sud sous son chapeau troué, Guillermo Aguirre parle lentement derrière sa gitane fumante mais chaque mot est bien choisi. A travers la vitre de son bureau rustique, surplombant l'écurie de quarantaine, il peut surveiller la piste où s'entraînent tous les matins ses 180 pensionnaires. Longtemps entraîneur public n'ayant jamais dépassé les 80 chevaux, il a plus que doubler son effectif lorsqu'il a accepté l'offre, impossible à refuser, de Carlos Heller (Don Alberto), le plus grand propriétaire éleveur d'Amérique du Sud,, de prendre en charge plus de la moitié de ses 300 pur-sangs à l'entrainement. Pour gérer cette écurie mammouth, le big boss surnommé Mémo est assisté par son fils, également nommé Guillermo Aguirre.

 


Guillermo Aguirre

 

Toute l'équipe a déménagé de Santiago en 2013 juste après l'achat par Heller du Haras de Pirqué, étendu sur plus de 200 hectares en plein milieu d'un des plus fameux vignobles du pays. L'endroit appartenait à Edouardo Matte où il faisait de l'élevage et de l'entrainement. Mais avec le dérèglement climatique (il n'a pas plus depuis un an et demi à Santiago) qui a terriblement asséché les terres a conduit Heller à consacrer le haras uniquement à l'entrainement. En plus des anciennes écuries au charme désuet, 4 barns tout neufs viennent de sortir de terre, avec au total 156 nouveaux boxes ! Le site est idéalement placé, en pleine nature mais à seulement 30 minutes de la Capitale et ses 2 hippodromes.

 


Les chevaux attendent (pas toujours sagement !) en main ou montés à l'extérieur de l'unique piste pendant que les autres passent à fond côté corde;

 

Entraineur classique, Aguirre a tout gagné au Chili, une grande terre de sport qui a déjà des champions internationaux comme le légendaire Cougar II et plus récemment Robert Bruce (Arlington Million). En 2019, il a touché au meilleur cheval de sa carrière, Ya Primo (Mastercraftsman) a gagné le Derby de Valparaiso puis le Grand Prix LatinoAmericano, épreuve tournante qui rassemble les meilleurs chevaux de toute l'Amérique Latine, disputée en l'occurrence sur l'hippodrome de Clubo Hippico à Santiago. Elle a été envoyée ensuite chez Todd Pletcher aux Etats-Unis où elle conclut 2ème du Bowling Green hp (Gr.2) pour son 1er essai.

 

 

Mémo est modeste, il dit qu'il faut simplement travailler tous les jours, arriver tous les matins à 5 heures et passer toute la journée à l'écurie avec ses chevaux jusqu'à la tombée de la nuit. Il dit qu'il a tout appris d'un homme, une légende de Chantilly : François Boutin. En effet, alors que ce dernier était tombé sous le charme du Chili au point d'y investir dans un haras, il a rencontré Aguirre, qui venait alors de mettre un terme à sa carrière de jockey.François Boutin a fait venir Aguirré à ses côtés en France. " J'y ai passé une année 1984 extraordinaire. François voulait que je reste plus longtemps mais ma femme n'était pas du même avis ! C'était une sacrée époque. Je me rappelle d'André Fabre, de Jean de Roualle, de Patrick Biancone, de Pascal Bary qui venait de s'installer, d'Alain de Royer-Dupré. Chez les jockeys, c'étaient les grandes années de Freddy Head et de Cash Asmussen, un phénomène. A l'écurie, nos meilleurs chevaux de cette génération était Prodica (Hollywood Derby, Prix de la Forêt) et Mendez (Moulin de Longchamp)." Quand je me suis installé à mon compte, une fois rentré au pays, François m'a confié tout son effectif chilien."

 


Pilote attitré de Ya Primo, Jérémy Laprida va partir aux Etats-Unis pour tenter de suivre la voie de José Santos, un autre chilien devenu crack jockey aux Etats-Unis, détenteur de plus de 4000 victoires dont les 3 étapes de la Triple Couronne (Kentucky Derby avec Funny Cide) et 7 épreuves de la Breeders'Cup.

 

Véritable génie de l'entraineur, travailleur acharné mais aussi flamboyant homme de paris, amoureux des 2 ans, François Boutin est l'homme des cracks Miesque, Arazi, Kingmambo, Linamix, Sagaro avec qui il a remporté 3 fois la Gold Cup d'Ascot, et tant d'autres. Sacré sept fois tête de liste des entraîneurs français entre 1976 et 1984, il a remporté toutes les plus grandes épreuves du calendrier, sauf l'Arc de Triomphe, dont 2 fois le Prix du Jockey-Club et 4 fois le Prix de Diane,. François Boutin s'est éteint des suites d'un cancer à seulement 58 ans le 1er février 1995.

 


François Boutin au début des années 80.

 

" Mon rêve le plus fou est bien sûr de courir l'Arc de Triomphe avec un bon cheval chilien. Mais malgré le très haut niveau des courses françaises, si je parvenais à revenir en France pour décrocher au moins une victoire, je serais le plus heureux des hommes."

NOTE : L'Arc de Triomphe compte une seule et unique participation d'un cheval venu du Chili, la pouliche Maria Fumata, entrainée  Juan Cavieres et montée par Fernando Diaz en 1986, dans l'une des plus grandes éditions de l'histoire remportée par Dancing Brave devant Bering et Tryptich.
 


Au Chili, les chevaux qui ne font pas un canter poussé, monté par un jockey, sortent sans selle...


Carlos Heller, le propriétaire de Don Alberto

 

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