Souvenir du Diane 2013 : Trêve, le temps des cerises

16/06/2017 - Evénements
Alors qu'un combat s'annonçait entre Flotilla et Silasol, sous bannières bleues et blanches, c'est Trêve, alors totalement inconnue, qui s'est envolée sous la casaque rouge du Haras du Quesnay, pour Christiane Head-Mareek. Revivez avant, pendant et après la course, en compagnie de son entourage, le 1e exploit de Trêve, devenue depuis l'un des plus grands pur-sangs de tous les temps.

 
Une brêve sur Trêve...
 
Portant les couleurs rouges du Haras du Quesnay, Trève est un vrai roman à elle toute seule. Passée en vente en octobre de son année de yearling à Deauville, elle n’intéressait pas vraiment quelqu'un et c’est justement que leurs éleveurs ont décidé de la racheter pour 22.000 €. Petit pépin, grosse conséquence, finalement heureuse. A 2 ans, elle gagne en débutant. C'est de loin la meilleur femelle du lot de Criquette Head, mais celle-ci a vu son effectif fondre ses dernières années, bien qu'elle entraine encore un piquet de 60 chevaux que bien des professionnels rêveraient d'avoir.  Sa rentrée à 3 ans se fait attendre et Criquette, son entraîneur, commence à broyer du noir, même si elle n’a pas perdu espoir. En effet, suite à un couac de maréchalerie, Trêve développe un abcès du à un clou malencontreusement entré dans le pied. Cela n'est rien mais l'horloge tourne et la fille de Motivator ne peut revenir en piste que le 15 mai à Saint-Cloud, gagnant d'une avenue.
 
 
La mariage de l'inexpérience de Treve, qui ne courait que pour la 3e fois de sa vie, avec le grand métier de Thierry Jarnet, 46 ans. (PHOTO APRH)
 
 
La journée des records
 
Il y avait foule sur l’hippodrome des Condé en ce jour de grand beau temps et d’élégance. Les belles toilettes étaient de sorties pour admirer les belles pouliches du Prix de Diane. La piste était parfaite, le terrain était propice à la vitesse.
Il n’a fallu que 2’03’’77 à Trève pour rallier le poteau dans une course rondement menée par la pouliche de train des Al Thani. Au bout du compte, la pouliche du Quesnay n’a fait qu’une bouchée de ses adversaires et avec le style par-dessus le marché. Le record de l’épreuve était détenu conjointement par les gagnantes des éditions 2006 et 1985 (Confidential Lady et Lypharita) en 2’05’’90. Cerise sur le gâteau Trêve a également explosé le chrono de la piste qui avait été réalisé par Darsi dans le Prix du Jockey Club 2006, un temps sensiblement le même que les lauréates du Prix de Diane (2’05’’80). Deux secondes et 3 millièmes plus vite, c’est cela la précision Longines.
 
Notes
 
-Le Prix du Lys est revenu à Flintshire (Dansili), un pensionnaire d’André Fabre qui, à cette occasion, inscrit son nom pour la 15e fois au palmarès de l’épreuve (un record dans les groupes….). Notons également que le chrono est l’un des tous meilleurs dans cette épreuve. Je ne sais si les temps de 1988 étaient aussi précis, mais cette année ils n’ont été plus lents que pour 3 millièmes de seconde.
-Un petit aparté : ce n’est pas dans mes habitudes de faire court, c’est pourquoi aujourd’hui, j’ai fait la rime qui va bien (une brève sur trêve). Trêve de plaisanterie, passons à des choses plus concrètes.
 
 
Une joie partagée...
 
 
Thierry Jarnet : une première à 46 ans !
 
Avant l’épreuve, deux jockeys confirmés et même plus, étaient encore maiden dans le Prix de Diane. Pas des moindres puisque ceux qui ne sont plus des perdreaux de l’année (sauf leur respect) Thierry Jarnet et Olivier Peslier n’avaient pas encore goûté aux joies de la marche suprême.
 
-Olivier Peslier, 40 ans depuis janvier dernier, qui était absent l’an dernier (tout comme Christophe Soumillon cette année) n’avait pas manqué une seule édition depuis sa première participation en 1994 en selle sur Agathe (3e d’East of the Moon). Cette année, il avait la pouliche, semble t’il, capable de donner aux Wertheimer les deux classiques cantiliens la même année et de lui permettre d’en finir avec deux décennies de «disette». Il en fût autrement pour le Poulidor de l’épreuve, abonné aux accessits (le 9e sur 19 montes).
 
-Thierry Jarnet, le doyen du vestiaire (46 ans), était déjà en selle en 1992 sur Good To Dance, une Paul de Moussac à l’entraînement chez André Fabre. Mais lui aussi n’avait encore pas pu rallier le poteau en vainqueur. Troisième l’an dernier avec Rjwa (une Jooan Al Thani), il n’avait été battu que d’un nez en 1993 par Shemaka (une Aga Khan). Il était en selle sur Baya, une pouliche proche parente de…Treve (amusant, non !).
 
A l’arrivée, les deux ténors entourent le jeune Antoine Hamelin (qui pourrait être leur fils), en selle, lui, sur Chicquita, la pouliche d’Alain de Royer-Dupré (son employeur). Ils auraient peut-être pu finir plus près de la gagnante sans unedérobade sur sa gauche (rappelons le jeune jockey en âge n’avait pu éviter la chute lors de sa précédente sortie, dérobant cette fois sur sa droite).
 
Notes :
 
Thierry Jarnet est né à Versailles en mars 1967 et a débuté le métier chez Patrick Rago dont il était le maître d’apprentissage. C’est à Rouen, en mars 1984, qu’il débute sur un élève de Prosper Elmoznino et moins d’un an après, il goûte aux joies de son premier succès à Cagnes sur Mer, sur un pensionnaire du mansonnien, Danini, propriété de Serge Lederman. Il monte sa première course de groupe en 1988 en selle sur Madame Est Sortie (pensionnaire de Yann Porzier). Coup d’essai, coup de maître puisqu’elle s’impose dans le Prix Pénélope (Gr.3). En selle sur Subotica, il enlève son premier Gr.1 en 1991, le Grand Prix de Paris. Suivront quatre Cravaches d’Or (de 1992 à 1995) et deux Arc de Triomphe (Subotica et Carnegie).
 
 
La patriarche Alec Head toujours très présent, à 85 ans, avec ses chevaux dans les prés.
 
 
 
Triomphe de la maison Quesnay
 
Il est évident, on le serait à moins, que tout l’entourage de la pouliche (du haras au centre d’entrainement) doit être fier. Pensez donc, Motivator, son père, fait la monte au haras du Quesnay, sa mère, Trévise, est née sur les mêmes terres et son grand-père maternel, Anabaa, était lui aussi un habitué des lieux.
 
Coïncidence ou magie, la gagnante de l’an dernier, Valyra, était sortie de la même stalle que Trève (la stalle N°2) et elle était invaincue, elle aussi après deux sorties. Elle était née suite aux amours d’Azamour (un Aga Khan) et d’une mère (par Linamix), encore yearling au décès de Jean-Luc Lagardère. Espérons que les points s’arrêteront là.
Il est amusant de constater que les gagnantes des deux dernières années sont issues de deux élevages managés par les deux frères Rimaud, Georges et Vincent, qui ont eu la chance de passer leur enfance en Anjou.
 
 
Alec Head, à l'été 2012, surveillant le retour des foals au boxe.
 
 
Le Rouge, le beige et le Noir
 
L’entité Haras du Quesnay, composé des 4 enfants d’Alec et Ghislaine Head (Frédéric, Christiane, Patricia Morange et Martine), ne date que depuis 2010. C’est donc la casaque rouge et la toque rouge (on appelle ce dispositif uni, des couleurs classiques, c’est tout à fait de circonstance aujourd’hui).
A l’origine, au début 20e siècle, elles étaient portées Monsieur Charles Liénart, propriétaire de chevaux d’obstacles (tels que Veinard, le bien nommé, Coq Gaulois, deux vainqueurs de Grand Steeple). William Head (le grand-père de Criquette) avait été un sacré jockey d’obstacles (4 fois Cravaches d’Or) et s’était lié d’amitié avec Monsieur Liénart pour qui il montait. En 1957, Mme William Head, reprend ses couleurs qui deviendront, un peu plus tard, celles de l’Ecurie Aland, une entité formée par l’association Alec Head et Roland de Chambure (décédé en 1988), le fondateur du Haras d'Etreham, père de Marc, grand-père de Nicolas.
 
 
Alec Head en compagnie de Roland de Chambure. Les associés ont longtemps couru sous la casaque de l'écurie Aland, contraction des 2 prénoms.
 
 
Treve n’est donc pas la première gagnante en rouge dans le Prix de Diane puisque Harbour (Ecurie Aland) s’y est imposée en 1982 (montée par Freddy) tandis que Matiara a terminé seconde de Carling en 1995. Mais il faut rappeler que les élèves de Mme Alec Head portaient les couleurs Beige manches et toque noire, celles de Pistol Packer, gagnante du Prix de Diane en 1971 par le plus court des nez aux dépens de Cambrizzia
 
 
Le 1e des 9 victoires de Gr.1 de Triptych, mais aussi l'unique contre les seules femelles. Montée par Alain Lequeux, la pensionnaire de David Smaga laisse sur place Silvermine et Coup de Folie. Un sacré lot que cette édition 1984.
 
 
Sa grand-mère n’était autre que la sœur de La Dame de Fer : Tryptich
 
Trêve dépoussière tout à coup un monument à 2 têtes des courses des années 80. La Dame de Fer, C’est ainsi qu’était surnommée, avec un clin d'oeil à l'irrascible Margaret Tatcher, la phénomène d’Alan Clore, Triptych (Riverman). Entrainée par David Smaga, puis David O'Brien en Irlande, et enfin, de retour en France, par Patrick Biancone, cette crack a remporté pas moins de 9 groupes de 2 à 6 ans, entre 1984 et 1988. Voyageant sans cesse, courant dans tous les pays sous des jockeys changeant tout le temps (14 partenaires dans sa carrrière), Triptych a eu beaucoup plus de mérite que les pouliches actuelles, car à l'époque, le programme réservée au femelles d'âge était inexistant., et le nombre de Gr.1 dans le monde était nettement inférieur à aujourd'hui. Cela veut dire qu'après le Prix Marcel Boussac à 2 ans sous la selle d'Alain Lequeux, Tryptich a remporté tous ses autres 8 Gr.1 contre les mâles, des 1600 m des Irish 2000 Guineas à 3 ans jusqu'au 2400 m de la Coronation Cup à 6 ans monté par Steve Cauthen. Tryptich a aussi conclu 2 fois 3e de l'Arc de Triomphe, de Dancing Brave en 1986, monté par l'américain Angel Cordero Jr, puis de Trempolino en 1987, associée cette fois à la star de Hong Kong Tony Cruz. Dans l'entourage de Triptych, on aimait bien l'exotisme...
 
 
Dans l'Arc de Triomphe 1986, à 4 ans, Triptych termine 3e de Dancing Brave (Pat Eddery) et Bering (Gary Moore). Elle est associée pour cette occasion au crack jockey américain Angel Cordero Jr.
 
 
Morte sur un malentendu !
 
Tryptich a aussi marqué les mémoires lorsqu'en 1988, à l'âge de 5 ans, et suite à un krach boursier qui avait conduit à la faillite de son propriétaire Alan Clore (l'éleveur Nelson Bunker Hunt avait lui aussi fait faillite un peu plus tôt...), Tryptich était passée en vente publique sur le ring de Deauville, aménagé alors dans un immense barnum en un triplex avec l'Angleterre et les Etats-Unis, au prix d'un exploit technologique extraordinaire pour l'époque. C'est finalement le canadien Peter Brandt qui avait remporté l'enchère pour 3;4 millions de dollars, soit plus de 3 millions d'euros à la valeur de l'époque. Il faut dire que, outre ses performances, Triptych était issue d'une croisement formidable qui avait déjà motivé la très grosse enchère de 2,15 millions de dollars yearling à Keeneland. En effet, Tryptich était la 2e produit par Riverman d'une championne en France : Trillion. Entrainée par François Mathet puis Maurice Zilber, cette sculpturale fille d'Hail To Reason avait conclu 2e de Madelia dans le Prix de Diane avec Gérard Dubroeuq puis gagné le Prix Ganay monté par Lester Piggott et été la dauphine d'Alleged dans son 2e Arc de Triomphe en 1978, associée pour l'occasion à l'américain Bill Shoemaker. L'adaptabilité est un leg familial.
 
Mais justement, il n'y aura que peu de leg. Trillion est morte jeune à 13 ans, et Tryptich, promise à Mr Prospector au terme d'une carrière au cours de laquelle elle avait bravé tous les dangers du sport, s'est tuée après seulement quelques semaines, dans son paddock au Kentucky en se précipitant la nuit dans les phares de la voiture du gardien qui n'avait rien à faire là...
 
 
Mère de Triptych, et donc 4e mère de Trêve, Trillion était déjà une grande championne.
 
 
 
25 ans d'attente pour Alec Head
 
En tout cas, Alec Head avait pu acquérir yearling à la succession Hunt en 1988 une certaine Trevillari, une 3/4 soeur de Triptych puisqu'aussi née de Riverman (ancien pensionnaire d'Alec Head), et de la soeur aîné de Triptych, l'inédite Trevilla (Lyphard). Trevillari a déçu en course puis a produit sérieusement : 8 vainqueurs sur 10 produits dont le célèbre Trivellino (11 vict.) et le bon Tsigane, un cheval de listed qui fait la monte dans un petit haras australien. Confiée à Freddy Head, Trevise a gagné en débutant à 2 ans sur 1100 m à Chantilly, mais n'a pas confirmé. En revanche, au haras, avant Trêve, elle avait donné un très bon cheval, Trois Rois (Hernando), vainqueur du Grand Prix de Marseille (Listed). Il n'empêche qu'Alec Head a du attendre 25 ans pour ressortir un gagnant de Groupe dans cette souche...
 
Note :
 
Criquette Head avait déjà goûté aux grandes victoires avec cette famille, mais pas avec un produit élevé au Quesnay. Elle a ainsi enlevé le Prix Saint-Alaray en 1991 avec Treble, une soeur de Trevillari qui lui avait confiée par Edward Stephenson, ancien associé de Nelson Bunker Hunt. Très grosse jument, montée par Freddy Head, Treble a été acquise par Hamdam Al Maktoum mais a déçu au haras.
 
VOIR LE PEDIGREE COMPLET DE TREVE

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