Kamchatka, Angelo Gasnier et Etienne d'Andigné : le lion, l'agent immobilier et le jeune entraîneur

C'est comme si la boucle était bouclée, ou en tout cas en passe de l'être. Il y a 3 ans, nous commencions la désormais célèbre "Tournée du Stagiaire", consacrée aux jeunes professionnels des courses. Elle démarrait chez un entraîneur de l'Ouest qui venait alors de gagner sa toute première course, Etienne d'Andigné. Alors 3 ans et quelques succès plus tard, il paraissait logique de revenir aux sources (ou presque puisque ses installations ont changé) pour son premier partant dans un Gr.1. Cela fait une semaine que le sommeil a abandonné Etienne, qui présentera dimanche 3 partants à Auteuil au coeur de la plus grande réunion de l'année, et notamment Kamchatka dans le Prix Alain du Breil (Gr.1). 

Kamchatka entouré par Angelo Gasnier et Etienne d'Andigné 

L'histoire de Kamchatka débute chez son éleveur/propriétaire Pascal Barthélémy, un homme haut en couleurs installé non loin d'Angers avec une poignée de poulinières. Il cultive la souche depuis plusieurs années, et a gardé comme poulinière Katesurf, une soeur de son bon cheval Katkeau... On voit déjà que le gaillard a de l'humour. Il envoie Kamchatka au débourrage chez Eric Aubrée, qui le fait sauter, avant de l'envoyer chez Etienne d'Andigné. Depuis notre tournée du stagiaire, il avait déménagé à Tiercé au Châtaignier, une piste historique de la région où Etienne Leenders a entraîné son premier gagnant de Grand Cross de Craon. L'affaire commence mal, il faut le dire. Kamchatka est bouillant, dôté d'un fichu caractère, et se refuse à sauter dans le rond d'havrincourt. On ne perd pas patience, et toute l'équipe y met du sien. La première haie est finalement franchie... quelle affaire ! 

Le fils de Masked Marvel est peut-être caractériel, mais a du pétrole, ça c'est sû. Il apparaît vite comme l'élément le plus prometteur de l'écurie, qui est pourtant à quelques mois de remporter son 1er Gr.1 dans le Prix Jacques de Vienne... C'est bien, mais pas pareil qu'à Auteuil quand même. Auteuil, Kamchatka y débute par une prometteuse 4e place dans le Pride Of Kildare, avant d'être arrêté au terme d'une folle chevauchée dans le terrain lourd pour sa sortie suivante. Il a trop tiré, ou son jockey n'a pas assez tiré dessus, chacun son avis sur la question. Mais il faut tout de même recommencer à 0 en vue de sa saison de 4 ans. C'est là qu'auprès du "lion" et du 'jeune entraîneur" arrive l'agent immobilier. 

Etienne d'Andigné 

Ancienne gloire des pelotons de l'Ouest qui a connu les grandes émotions de la capitale, Angelo Gasnier est immensément doué mais a connu le terrible syndrome du jockey d'obstacle. De nombreuses chutes et blessures, et il n'a plus l'envie. Et quand on n'a plus l'envie, il faut savoir dire stop. Le fils de Jean-Daniel Gasnier se reconvertit comme agent immobilier au Lion d'Angers, et prend la vie du bon côté. Heureusement il a une compagne, et une chemise plus à sa taille qui lui rappellent qu'il a pris un peu de poids. En plus, les courses lui manquent. Angelo décroche son téléphone, et reprend un régime pour se mettre au service de son ami de longue date Etienne d'Andigné, qui n'a pas de jockey maison. On se répète mais ce n'est pas plus mal : la belle affaire ! 

Kamchatka est entre temps revenu de ses vacances, toujours joueur, mais sur la voie de la raison... La rencontre avec Angelo Gasnier est un succès, lui qui a bâti sa carrière de jockey autour d'une qualité qui ne se perd pas même quand on quitte la compétition : la finesse. Angelo reprend goût à la compétition, et se remet en selle à Auteuil sur Kamchatka dans le Prix Ventriloque. A plus de 100/1, il termine 4e de You're The Boss, Ine Anjou et In Love, alors qu'il a tiré comme un abruti tout le long du parcours. La course suivante est la consécration, puisque Kamchatka s'impose en force dans le Prix Claude Cohen, et offre une première à Auteuil à Etienne d'Andigné, et un retour tonitruant dans la cour des grands à Angelo. Le pari fou du Prix Alain du Breil n'est plus un mirage : Kamchatka a toujours montré de gros moyens, mais il fallait les canaliser, et les valider en piste. 

Depuis, la tension est montée du côté de Tiercé. Il ne faut pas se voiler la face, Kamchatka est loin d'être un favori, et coure pour les places. Mais déjà pour gagner des Gr.1, il faut s'y aligner, sans peur et sans complexes. Comme un déclic, sa première victoire en carrière a rendu le cheval plus serein, à l'écoute, et lui a donné confiance. Kamchatka n'a jamais été aussi bien depuis son arrivée dans les boxes d'Etienne d'Andigné. Chaque finition de la préparation est un moment de stress intense, suivi d'un soulagement de courte durée quand cela se passe bien. Et cela s'est bien passé. Toute l'équipe, c'est à dire Maud d'Andigné, son père Patrice Le Bastard, le jeune jockey Thomas Gaullier et le premier garçon Maxime Guilleux-Joly, est soudée et attend avec impatience le grand jour. 

Maintenant, il faut y aller, et il n'y a d'ailleurs plus que ça à faire. Il faut y aller avec beaucoup de stress, mais surtout avec le sourire aux lèvres et le sentiment du devoir déjà accompli. Participer à ce genre d'épreuve est la consécration pour une petite écurie, souvent tributaire des efforts d'une équipe réduite, mais acharnée au travail. Dimanche, dans le clan de Kamchatka, il n'y aura quoi qu'il arrive que des vainqueurs. Voilà donc la belle fable du lion, de l'agent immobilier et du jeune entraîneur...la dernière page reste à être écrite ce dimanche. 

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