Pourquoi la division des sprinters est-elle si particulière ?

21/09/2023 - Actualités
En 2023, la grande majorité des courses de Gr.1 en Europe disputées sur des distances inférieures à 1300m ont été remportées par des chevaux soit acquis pour des sommes modestes, soit issus d'étalons bon marché. Quels facteurs font de ces courses sprint une catégorie à part, où les superpuissances ne règnent pas en maître ?

      Le sprint, un monde à part ©APRH


L’élevage européen, surtout anglo-irlandais a toujours eu un goût très prononcé pour le segment « vitesse et précocité ». Les étalons capables de transmettre du « speed » à leur production sont toujours plus plébiscités que leurs homologues catégorisés comme étalons classiques. Des étalons comme No Nay Never, Dark Angel outre-Manche ou Hello Youmzain et Wooded en France sont très populaires auprès des éleveurs. Si des statistiques précises sont difficiles à établir, c’est prendre peu de risques que d’affirmer que la part des chevaux produits pour la vitesse représente une part conséquente des naissances en Europe. Pourtant, la section des courses de sprint pour chevaux de 3 ans et plus, à l’image de celle des stayers d’âge, est beaucoup moins dense en quantité et en qualité, et laisse plus de place aux belles histoires.
 
 
 L'histoire a prouvée qu'il n'est pas nécessaire de dépenser des millions pour acheter un futur lauréat de Gr.1 sur le sprint
 
 
En effet, lorsque l’on observe les partants des différents Grs.1 qui ont eu lieu cette année sur les distances comprises entre 1000 et 1300 mètres, on remarque que les écuries superpuissantes sont minoritaires parmi les partants, là où elles sont en écrasante majorité dans les courses entre 1400 et 2400 mètres. Malgré qu’elles possèdent la quantité et la qualité, sur le créneau du sprint, les écuries mammouth sont très souvent dominées par des écuries aux moyens plus limités. A l’heure actuelle, les courses de Gr.1 sur le sprint pour 3 ans et plus (voire 2 ans et plus) qui se sont disputées en France, Angleterre et Irlande sont au nombre de 8. Parmi les entraîneurs vainqueurs, aucun ne figure parmi le top 10 de son pays !
 
 
 Regional, le vainqueur de la Sprint Cup d'Haydock a été acquis seulement 3500 gns ©Racing Post
 
 
Au galop, et surtout en plat, il est difficile de briller au plus haut niveau sans investir des sommes colossales, que ce soit en tant qu’éleveur/propriétaire avec le coût de la génétique, ou autour des rings de vente. Or il est possible de briller au plus haut niveau avec un sprinter, sans dépenser des sommes à 7 chiffres. Pour preuve, le vainqueur de la Sprint Cup d’Haydock Regional a été acquis seulement 3500 Gns, tandis que le vainqueur des Nunthorpe Stakes Live In The Dream n’a coûté que 24 000 Gns yearling à ses propriétaires. Parmi les autres vainqueurs de Gr.1, ceux n’ayant pas été présentés sur les rings de ventes, tous sont issus de Charm Spirit, Anodin, Excelebration, Territories ou Tasleet, soit des étalons proposés à moins de 10 000 € la saillie !
 
 
 Charm Spirit, le père du double vainqueur de Gr.1 Shaquille fait la monte à 5000€ seulement au Haras du Logis Saint-Germain
 
 
La plupart des chevaux cités et leurs homologues sprinters de haut niveau présentent souvent un profil assez similaire. Ce sont des chevaux qui ont évidemment démontré une certaine qualité, mais pas assez pour emprunter la voie classique à 2 et 3 ans. Pour cause, la vitesse n’étant pas forcément synonyme de précocité, bien au contraire. Les épreuves de sprint demandent aux chevaux des efforts extrêmement intenses. Contrairement à ce que l’on peut penser en regardant ces courses, sprinter ce n’est pas d’aller à fond avec les aiguilles dans le rouge. Cet effort demande au contraire une très grande gestion de l’effort et une maturité mentale, car la course est courte mais sans aucun temps mort, de quoi perdre pied rapidement. De fait, il est très rare de voir des chevaux de courte distance munis d’un bonnet assourdissant ou étant très tendus avant les courses et au canter d’essai. Au contraire, les bons sprinters sont calmes et savent ne pas confondre vitesse et précipitation.
 
 
   King Gold lors de son sacre dans le dernier Prix Maurice de Gheest ©APRH
 
 
En plus d’une maturité mentale, ces épreuves demandent également une maturité physique. Dans les Grs.1 de 1000 à 1300 mètres on retrouve un nombre impressionnant de chevaux venus des handicaps, ayant démarré parfois avec des valeurs assez basses. Or retrouver un cheval ayant participé à des handicaps est rarissime dans les Grs.1 sur les distances supérieures, hormis chez les stayers. En France, les têtes d’affiche du sprint King Gold, Berneuil, Cœur de Pierre ou Forza Capitano viennent des handicaps. Un constat que l’on retrouve aussi outre-Manche. L’anglaise Highfield Princess, triple gagnante de Gr.1 a démarré en valeur 25 à 3 ans, avant de culminer jusqu’en 54 !
 
 
   La très populaire Highfield Princess a débuté sa carrière dans les handicaps en 25 de valeur ©Irish Fields
 
 
Mais pourquoi alors ces chevaux aux origines souvent modestes et à des  débuts de carrière dans les handicaps parviennent à se hisser tout en haut de la hiérarchie, accumulant des centaines de milliers d’euros de gains. Sans vouloir atténuer la validité de leurs performances, ces chevaux brillent aussi à plus haut niveau grâce à l’absence de chevaux au profil « 5 étoiles ». En effet, les chevaux aux origines les plus prestigieuses, achetés très chers ou issus d’élevages surpuissants sont placés chez des entraîneurs dits « classiques ». Ils suivent alors le chemin habituel menant aux épreuves les plus prisées à 2 et 3 ans. Malgré un nombre de courses limité en fin d’année de 3 ans, ces chevaux ont beaucoup donné, et peinent à vieillir. Dans le cas où ils poursuivent dans les courses pour chevaux d’âge, ils sont dominés dans les sprints par des vieux cuirs ayant 30, 40 voire 50 courses au compteur, et ayant été endurcis dans des handicaps comptant parfois 30 partants. Amis éleveurs et propriétaires, si vous voulez exister parmi les meilleurs, prenez un sprinter !

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