Museum Mile et Embroidery, le nouveau souffle des Guinées japonaises

25/04/2025 - Actualités
Le printemps japonais 2025 restera comme celui d’une génération dorée. Embroidery (Admire Mars), impériale dans les 1000 Guinées (Oka Sho), et Museum Mile (Leontes), recordman des 2000 Guinées (Satsuki Sho), ne se contentent pas d’ajouter leur nom au palmarès : ils incarnent le renouveau d’une génération.

 

L'Oka Sho, inspirée des 1000 Guineas Stakes anglaises, est la première étape de la Triple Couronne des pouliches japonaises, suivie du Yushun Himba (Oaks) et du Shuka Sho. Se déroulant sur 1600 mètres, c’est la course reine de la vitesse chez les jeunes femelles. Disputée sur l'hippodrome de Hanshin, elle est un excellent révélateur de polyvalence. Le Satsuki Sho est quant à lui la version japonaise des 2000 Guineas britanniques, et surtout la première étape de la Triple Couronne japonaise chez les mâles. Elle est suivie du Tokyo Yushun (Derby) et du Kikuka Sho. Disputée sur le profil vallonné de Nakayama, cette course exige équilibre, maniabilité et maturité mentale.

 


Embroidery, gagnante des 1000 Guineas japonaises, montée par Joao Moreira.

 

Embroidery, lauréate de l'Oka Sho, est la 1e gagnante de Gr.1 élevée par l'association de la famille Abe (Tenei Horse Park) avec Katsumi Yoshida (Northern Farm). Moins connu en France que son frère Teruya, ce dernier est pourtant le plus gros éleveur nippon en effectif. C'est une fille d’Admire Mars (Daiwa Major), l’un des meilleurs milers de sa génération. Fils de Daiwa Major, lui-même double vainqueur de Groupe 1 sur le mile, et de la jument française Via Medici, Admire Mars allie la combativité du sang japonais à l’élégance du modèle européen. Invaincu à 2 ans, il a marqué les esprits en remportant successivement l’Asahi Hai Futurity Stakes (Gr.1) et, l’année suivante, la NHK Mile Cup (Gr.1) avant de s’illustrer à l’international dans le Hong Kong Mile (Gr.1) face aux meilleurs chevaux du globe. Ce triple lauréat de Groupe 1 a brillé par sa précocité, sa régularité et son exceptionnelle pointe de vitesse, qualités qu’il transmet désormais en tant qu’étalon au Japon. La mère d'Embroidery, Rottenmeier, est un fille de Kurofune. Elle descend d’une lignée mythique, celle de Biwa Heidi (Caerleon). C'est la jument à l’origine de Buena Vista (Special Week), l’une des plus grandes championnes japonaises des années 2000. Cette souche dite “Heidi Line”, est synonyme de tenue, classe et longévité. Embroidery est donc l’héritière d’un patrimoine génétique unique, qu'elle a d'ailleurs magnifiquement exprimé dans l’Oka Sho, sous les couleurs de Silk Racing, en s’imposant avec autorité, grâce à un parcours tout en maîtrise mené par le "Magic Man" brésilien : João Moreira. Notre Christophe Lemaire national n'était d'ailleurs pas au départ de ces 1000 Guinées Japonaises. Au départ cette fois chez les mâles dans les 2000 Guinées, il ne terminera que 9e avec Vincentio (Real Steel).

 


Chez les mâles, Museum Mile a frappé un grand coup en pulvérisant le record du Satsuki Sho avec un chrono de 1:57.0. Entraîné par Daisuke Takayanagi pour Sunday Racing, il est le fils de Leontes (King Kamehameha), et petit-fils de Heart’s Cry (Sunday Silence). Sa mère, Museum Hill, a été comme lui élevée à Northern Farm. Issue elle-même d’une solide souche classique, elle combine endurance et vélocité. Le croisement Leontes × Heart’s Cry n’est pas encore courant, mais Museum Mile en est peut-être l’ambassadeur idéal : rapide, puissant, maniable.

 


Museum Mile, vainqueur des 2000 Guineas japonaises, toujours avec Joao Moreira.

 

Il a laissé sur place ses adversaires à Nakayama avec une facilité déroutante, encore une fois, sous la monte de João Moreira. Il devance d'ailleurs Masquerade Ball (Duramente), dont le père de mère n'est nul autre que Deep Impact fils de l'incontournable Sunday Silence. Le père d'Auguste Rodin ou encore de Fancy Blue commence en effet à se faire rare sur les hippodromes depuis son décès en 2019. Certains de ses fils font toutefois la monte au Japon comme Kizuna (Deep Impact), leader des étalons japonais en 2024 avec 10 gagnants de Stakes, qui tente de prendre la relève de son père. Il est actuellement stationné chez Shadai Stallion Station, un des plus importants haras du monde où il saillit au prix de 20 000 000 de yens, soit environ 125 000 euros.

 


Admire Mars, le père d'Embroidery.


Les victoires d’Embroidery et de Museum Mile ne sont pas de simples performances classiques, elles marquent un véritable renouveau générationnel au Japon. Historiquement, les cracks japonais classiques étaient souvent issus de croisements très marqués par Deep Impact ou Sunday Silence. Si ces deux lignées sont toujours présentes (notamment chez Museum Mile via Heart’s Cry, fils de Sunday Silence), on observe ici une diversification. Embroidery, descendante d’Admire Mars, étalon relativement jeune, et d’une souche femelle et prestigieuse, redonne toute sa valeur au travail de sélection maternelle, un axe parfois sous-estimé au Japon. 

 


Léontes, le père de Museum Mile.

 

Museum Mile illustre quant à lui le retour en force de profils issus de Leontes et de branches moins surexploitées du sang de King Kamehameha, avec une construction plus équilibrée entre vitesse et fond. Fils de Kingmambo, King Kamehaha a toujours été considéré comme le meilleur complément à Sunday Silence, permettant de croiser avec le sang omnipotent de l'ancien vainqueur de Kentucky Derby. Léontes est d'ailleurs né de ce croisement, puisque sa mère est par Special Week, lui-même fils de Sunday Silence. Meilleur 2 ans au Japon, vainqueur des Futurity Stakes (Gr.1) dans un pays qui valorise beaucoup moins la précocité qu'en Europe, Léontes n'est pas un étalon vraiment prestigieux. Il n'est pas installé dans la cour des rois de Shadaï Farm, mais fait la monte depuis ses débuts en 2017 à la Breeders Stallion Station, à Hokkaido. Son meilleur produitr pour l'instant était TO Royal, gagnant du Tenno Sho (spring) en 2024.

Dans un environnement de plus en plus compétitif, où la précocité est souvent priorisée au détriment de la longévité, Embroidery et Museum Mile montrent un comportement en course exceptionnellement mûr pour des 3 ans. Cela reflète un travail d’éducation en amont, mais aussi une évolution dans la sélection du tempérament. On valorise désormais l’intelligence de course autant que les allures. Enfin, la manière dont ils ont gagné en dit long sur les attentes contemporaines. On ne récompense plus seulement les chevaux capables de “tenir”, mais ceux qui tiennent à grande vitesse. C’est une mutation des standards de course, plus proche du modèle européen ou américain, qui met en avant la capacité à sprinter sur le fond.


Embroidery se dirige donc vers le Yushun Himba (Oaks japonais), tandis que Museum Mile visera le Tokyo Yushun (Derby japonais). Deux tests majeurs où ils devront confirmer leur talent sur 2400 mètres, la distance classique par excellence, pour avancer sur la route de la Triple Couronne. Mais quoi qu’il advienne, leur sacre dans les Guinées restera comme le point de départ d’une nouvelle ère, marquée par la diversité, la vitesse, et une approche modernisée du cheval de course japonais.
 

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