Ostende : là où le galop belge tente de renaître
Le célèbre hippodrome Wellington d'Ostende, construit en 1883 dans une station balnéaire réputée, avec sa tribune donnant sur une superbe plage de sable fin, accueille ce lundi neuf courses hippiques en été. Ces courses sont très appréciées des touristes et des habitants.
Ce rendez-vous comprendra le Prix Prince Rose, une course nationale Listed, disputée sur 2 200 m. Ce prix rend hommage au célèbre cheval de course belge, le plus grand champion jamais entrainé dans le plat pays, vainqueur du Grand International d'Ostende en 1931, battant le grand cheval de course entraîné en France, Pearl Cap, avant de s'imposer à nouveau l'année suivante. En 1931, Prince Rose fut aussi 3e de l'Arc de Triomphe, cette fois dominé par Pearl Cap. Prince Rose est ensuite devenu un grand étalon en France, même s'il est mort à 16 ans en 1944, victime d'un bombardement lors de la bataille de Normandie.
À la suite des exploits hippiques de Prince Rose, la course a été rebaptisée en son honneur, tout comme les autres courses du lundi : le Prix Prince Chevalier, le Prix Prince Bio, le Prix Prince Quillo, le Prix Something Royal et le Prix Rose Prince, tous nommés en l’honneur de chevaux de course champions que le Prince Rose a engendrés comme étalon.
Cependant, l'hippodrome d'Ostende dépend fortement de la générosité de la France pour son financement, grâce à un accord avec le service de courses français Equidia pour la diffusion de quatre réunions premium à Ostende, dont celle du 4 août, et des paris mutuels en Belgique liés aux pools de paris mutuels français. « Le PMU français reverse 3 % à Ostende Racing sur le chiffre d'affaires du Pari Mutuel misé en Belgique sur les quatre réunions premium. Avec les autres opérateurs hors hippodrome (il existe plus de 3 000 points de vente en Belgique), tout paiement se fait uniquement par le biais d'un accord bilatéral, en l’absence de législation gouvernementale pour le faire respecter », a expliqué Marcel de Bruyne.Chairman Belgium Stud-book « Les efforts des autorités hippiques belges pour obtenir un financement adéquat par la législation ont échoué. Les opérateurs en ligne belges proposant des courses hippiques en Belgique (très limités) ne versent qu'une contribution aux ayants droit des courses sur lesquelles les paris sont acceptés. »
Le paiement supplémentaire que reçoit Equidia pour la retransmission des réunions Premium est également un facteur important pour couvrir les frais généraux de l'hippodrome et augmenter les dotations. « Les réunions Equidia Premium d'Ostende sont essentielles pour l'hippodrome, car elles offrent des dotations plus élevées et permettent d'obtenir davantage de sponsors. Cela permet à l'hippodrome d'organiser cinq autres réunions pour des chevaux moins performants, avec des dotations plus faibles », explique Bruyne. La dotation totale moyenne des neuf réunions annuelles d'Ostende s'élève à 5 533 euros par course. Pour la réunion Premium du 4 août, la moyenne par course est de 7 146 euros, dont 16 000 euros pour le Prix Prince Rose, comprenant 10 000 euros pour le vainqueur. »
Il a ajouté : « L'hippodrome Wellington d'Ostende accueille de nombreuses autres activités tout au long de l'année, générant des revenus supplémentaires. Même les jours de courses, après la dernière course, les réunions sont accompagnées de concerts de chanteurs populaires pour le plus grand plaisir des 5 000 à 8 000 spectateurs. » Malheureusement, les temps ont bien changé pour les courses hippiques belges. Dans les années 1970 et 1980, l'hippodrome d'Ostende comptait une saison estivale de 11 semaines, avec des réunions en soirée jusqu'à début septembre. La course phare restait le Grand Prix de Prince Rose, puis une course de Groupe, qui attirait régulièrement des chevaux de course étrangers de haut niveau. En 1984 et 85, c'est le cheval allemand de haut niveau Daun qui l'a emporté, et auparavant, en 1973, le cheval britannique Rheingold, qui a remporté plus tard la même année L’Arc de Triomphe à Longchamp.
À l'époque, la Belgique comptait dix hippodromes ; aujourd'hui, il n'en reste plus que trois principaux : Ostende, Mons-Glin et Waregem. Parmi les événements qui ont disparu, on compte Boitsfort, Groenendaal et sa célèbre ligne droite de 1 600 m, et Sterrebeek.
La concurrence de la Loterie a largement contribué à la chute des revenus du Belgium Racing au cours des dix années précédant 1996, une chute dont elle ne s'est jamais remise. Le chiffre d'affaires hors-piste et sur-piste du P.M.U. belge a chuté d'un tiers entre 1986 et 1996, pour atteindre 48 millions d'euros, tandis que le chiffre d'affaires de la Loterie a bondi de 60 % pour atteindre 840 millions d'euros sur la même période.
En conséquence, les courses hippiques belges ont connu la première réduction du nombre de réunions annuelles, une situation qui s'est malheureusement poursuivie avec la disparition des hippodromes. Cette période a également coïncidé avec l'implantation du bookmaker britannique Ladbrokes en 1984, avec le rachat de 400 bureaux de paris, dont le nombre a été réduit à environ 300 aujourd'hui. Concernant les courses hippiques, Ladbrokes, premier bookmaker belge, a toujours montré un intérêt accru pour les paris sur les courses hippiques françaises, britanniques et irlandaises, plutôt que belges. En outre, le quotidien hippique français Paris Turf est distribué dans toute la Belgique, le pays étant francophone. Le chiffre d'affaires des paris hors hippodrome était alors soumis à l'impôt national, mais aucune somme n'était reversée au financement des courses hippiques.
Peu de choses ont réellement changé pour financer les courses hippiques belges grâce aux paris dans le pays. Une loi belge a été adoptée en 2019 pour garantir qu'un pourcentage du chiffre d'affaires des paris sur les courses étrangères et nationales en Belgique soit consacré au financement des courses hippiques belges. Cette loi a été abrogée en 2021, avant même son entrée en vigueur. Comme le dit le proverbe : si vous ne pouvez pas les battre, rejoignez-les, et c'est précisément ce que font de nombreux entraîneurs belges, car ils ne peuvent pas survivre avec seulement 76 réunions par an sur ses trois hippodromes : 54 pour Mons-Glin, (trot et plat) 9 pour Ostende et 13 pour Waregem, (principalement des courses de sauts) contrairement aux courses hippiques britanniques et françaises, qui ont lieu tous les jours.
« Les gains moyens en France sont plus de trois fois supérieurs à ceux de la Belgique pour les courses à handicap, voire inférieurs », a indiqué Bruyne. « On compte actuellement 280 chevaux de course de plat à l'entraînement en Belgique, contre 300 en 2020 et 330 en 2015. Sans surprise, on comptait 1 550 partants en Belgique et 1 130 chevaux belges ont couru, principalement à l'étranger, en France. »
Il a ajouté : « Tout d'abord, nous avons facilement accès à de nombreux hippodromes français et allemands (Paris n'est qu'à 3 heures de route). Ensuite, les entraîneurs belges disposent d'excellentes installations, certaines privées, d'autres installées sur un hippodrome. De plus, comme près de la moitié des chevaux à l'entraînement en Belgique sont formés par leurs propriétaires, le coût de l'entraînement est moins élevé que dans nos pays voisins. »
« La Belgique compte cinq étalons basés sur son sol, un nombre stable depuis dix ans », a souligné Bruyne. « Mais cela illustre l'impact de la baisse des revenus du secteur des courses hippiques au fil des ans, alors que dans les années 1980, on comptait plus de 150 étalons reproducteurs en Belgique. Notre production de poulains est stable depuis des décennies, mais comparée aux années 1980, elle a chuté de manière catastrophique, passant d'une moyenne d'environ 360 poulains par an en 1990 à seulement une quinzaine aujourd'hui. L'évolution a suivi une spirale descendante. »
Les propriétaires belges préfèrent acquérir des chevaux français lors de courses à réclamer en France ou lors de ventes aux enchères françaises, afin de s'assurer que leurs chevaux bénéficient également des primes supplémentaires aux prix français pour les chevaux de course élevés en France.
La pérennité de l'élevage de pur-sang dans le pays est toutefois une préoccupation pour De Bruyne. « Le pays n'a produit que 24 poulains l'année dernière. Les pur-sang élevés en Belgique sont en voie de disparition, car les propriétaires préfèrent acheter des chevaux prêts pour la course, ou alors, les rares éleveurs belges font souvent élever des poulains en France pour bénéficier des primes des éleveurs et des propriétaires français. »
Les courses hippiques françaises et leurs dotations bien supérieures au niveau handicap constituent sans aucun doute une bouée de sauvetage pour les entraîneurs belges, s'ils disposent de chevaux suffisamment bons pour y courir. On pourrait toutefois affirmer que les courses hippiques françaises offrent aux entraîneurs et aux propriétaires belges la possibilité de gagner leur vie, car le gouvernement belge a laissé le financement des courses hippiques se détériorer jusqu’à un tel point, en n'allouant aucune déduction sur tous les paris hippiques pour financer ce sport depuis les années 1990.
Il est urgent d'instaurer un financement légal au niveau du gouvernement national pour tous les paris hors hippodrome en Belgique afin de financer correctement ce sport, mais rien n'y incite.
Le Gouvernement régional wallon a pris conscience des difficultés rencontrées par les courses hippiques belges en soutenant les hippodromes régionaux de Mons-Glin, et en leur accordant une subvention annuelle. Cette mesure s'est avérée bénéfique, puisque l'hippodrome de Mons-Glin a augmenté son nombre annuel de réunions de cours à 54, dont 8 à ce jour, des réunions Premium, offrant ainsi un financement supplémentaire à l'hippodrome.
Cela pourrait être la voie à suivre pour les hippodromes d'Ostende et de Waregem, si le gouvernement régional flamand établissait une subvention similaire.
Concernant l'avenir des courses hippiques en Belgique, Marcel De Bruyne a soulevé plusieurs points. « Maintenir ou augmenter le nombre de réunions Premium et obtenir des subventions gouvernementales ainsi que des règles de paris claires qui favorisent les courses hippiques en Belgique. »
Cependant, le public nombreux attendu lundi à l'hippodrome Wellington d'Ostende profitera sans aucun doute d'une magnifique journée de courses sur cet hippodrome historique, sans se soucier des difficultés financières auxquelles sont confrontées les courses hippiques belges.