Les hommes du 29 mai 2011 ont parlé

30/05/2011 - Actualités
Les ténors ont laissé leur place aux habituels seconds couteaux. Un an après Jérôme Zuliani, c’est au tour de Sylvain Dehez de tenir le haut de l’affiche d’une journée forte en sensations : du bonheur aux inéluctables déceptions, les acteurs principaux avaient tous leur mot à dire.


Le grand vainqueur du jour : Sylvain Dehez, un chic type

 " Rappelle-toi Sylvain, l’an dernier tu étais à Orléans ce jour-là ! " Avec une pointe d’humour et de dérision, les confrères de Sylvain Dehez remettent la tête sur les épaules au grand vainqueur du jour. Pourtant, le pilote lauréat du Grand Steeple-Chase de Paris puis du Prix Ferdinand Dufaure semble n’avoir besoin de personne pour garder les pieds sur terre. Signer un triplé, le jeune papa du petit Mattéo (né le 24 avril dernier) l’avait déjà fait : " en début d’année mais c’était à Enghien et à un tout autre niveau ". Trois jours avant la naissance de son fils, Sylvain avait découvert en course Mid Dancer, gladiateur d’Auteuil âgé de 10 ans et déjà  vainqueur de la plus grande épreuve d’obstacles française en 2007. Sur le podium, le jockey de 29 ans ne manque pas de remercier l’entourage du cheval pour leur confiance témoignée. Ce fut en effet un gros coup de poker tenté par le manager de l’écurie Hervé Barjot et l’entraîneur Christophe Aubert.

 

Sylvain Dehez, la victoire d'un chic type (PHOTOS APRH)

 


Apprenti chez Jean-Pierre Totain, Sylvain Dehez a rejoint la région parisienne il y a une dizaine d’années. Au service d’entraîneurs de renom comme Jehan Bertran de Balanda, Guy Chérel ( " C’est un garçon très sérieux mais que je trouvais trop timoré avec les chevaux. Néanmoins, à force de travail, les choses se sont améliorées ", dit de lui le Mansonnien) puis Yannick Fouin, Sylvain trace sa route, peut-être sans génie, mais sans heurt non plus et animé d’un esprit extrêmement consciencieux. Sylvain est un garçon gentil et travailleur. Pas d’agent, pas d’ambition démesurée, le héros du 29 mai 2011 est un chic type et un atypique. C’est avec retenue qu’il goûte à son succès de prestige et à une journée au cours de laquelle il a conclu 7 fois dans les quatre premiers en 7 montes et atteindre ainsi le cap des 100 victoires depuis le début de sa carrière : "Je m’attendais à faire une bonne journée mais à ce point-là !... Je me suis senti pousser des ailes, chacune de mes initiatives était la bonne. Je suis fier mais je sais bien que le plus dur est de durer, que rien n’est acquis et qu’il faudra se remettre en question dès demain matin."

 

Mid Dancer est un grand sauteur : la preuve avec ce magnifique bond sur la rivière des tribunes.



Grand Charly, "dehezisé"

Une centième victoire dans un Groupe 1 pour couronner le tout ! Sylvain Dehez a en effet pris les bonnes décisions au bon moment et a transcendé Grand Charly, protégé de Thierry Civel. Acquis 27 111 euros lors d’une course à réclamer à Enghien en mars 2010, Grand Charly (Le Triton et Sherkane par Lesotho) s’était très bien comporté au niveau groupe jusqu’alors sans parvenir à s’imposer. Associé pour la première fois à Sylvain Dehez, il remporte son premier Gr.1 ! Pour son propriétaire Jean-Paul Sénéchal, c’est un premier Prix Ferdinand Dufaure : "Je suis surtout content pour Thierry Civel, son entraîneur. Nous travaillons ensemble depuis une dizaine d’années et il s’agit de notre deuxième groupe 1 commun, après Royaleety dans le Prix Cambacérès 2002. Et puis, je me trouve bien armé dans cette génération : Le Tranquille en redeviendra très bientôt le leader. Il a connu quelques pépins de santé mais il va revenir, j’en suis certain. Et de toute façon, il doit me donner raison d’avoir refusé une très grosse somme venant d’Angleterre (plusieurs centaines de milliers d’euros). Et si on se donnait même rendez-vous pour le Grand Steeple Chase de l’an prochain ? " Pourquoi pas…

 

A droite de l'image, Grand Charly se reçoit de son saut du Gros Open Ditch



Quelques instants plus tôt, Jean-Paul Sénéchal a reçu les félicitations chaleureuses d'un homme du sud-ouest qui pourrait pourtant l'avoir mauvaise : Jean Biraben, son ancien propriétaire qui l'a vendu à réclamer. " Je dis bravo à Jean-Paul Sénéchal car quand on est éleveur, il faut que les acheteurs gagnent des courses avec nos chevaux. C'est un ami palois, Jacques Vayssier, qui fait naître ce cheval mais je l'ai acheté à 6 mois, donc je me considère comme éleveur (NDLR : sauf qu'il ne touche pas les primes !). M. Sénéchal a pris 300.000 euros depuis son achat et c'est très bien comme ça". Ce à quoi le propriétaire répond aussitôt : "plus..." En effet, depuis sa réclamation en mars 2010, Grand Charly, qui avait débuté en juin de ses 2 ans à réclamer sur 1100 m, a remporté 374.000 euros !

 

Jean-Paul Sénéchal et Sylvain Dehez ont reçu les trophées du Gr.1 remporté grâce à un cheval venu des réclamers.

 

Ceasar’s Palace, le nouveau crack de Thierry Majorcryk


A l’instar de Sylvain Dehez ou de Bertrand Lestrade vainqueurs dimanche, Thierry Majorcryk ne fait pas partie des jockeys stars du moment. Pourtant, le pilote du phénomène Ceasar’s Palace a été associé à ce qui se faisait de mieux à Auteuil dans les années 2000 à Auteuil : Kotkijet, Nickname, Nom d’une Pipe, N’Avoue Jamais, Silver Top, Vaporetto (fin 90 pour les deux derniers cités) sont passés entre ses mains expertes. Tous étaient entraînés par Jean-Paul Gallorini. Mais le temps qui passe fait son oeuvre et depuis le succès de Kotkijet dans le Grand Steeple-Chase de Paris 2004, les deux hommes n’avaient plus gagné Groupe ensemble. Pire, les succès communs des deux hommes se comptent sur les doigts de quatre mains entre 2004 et l’hiver 2010. C’est là que tout bascule : "On s’était séparé en bon terme, en tout cas sans problème particulier. C’était comme ça. Ensuite d’autres jockeys sont arrivés dans  l’écurie de M. Gallorini et ont pris la place. Tout cela jusqu’à la fin de l’automne dernier où il m’appelle et me demande ce que je fais durant l’hiver. N’ayant pas plus de cartouches que cela avec Jean-Luc Pelletan, je lui réponds que je peux me rendre disponible. Il me dit, "tant mieux car il y a un cheval avec lequel on pourrait de belles choses". Il s’agissait de Ceasar’s Palace. C’est un crack, une mobylette. Son l’action l’emmène avec une telle facilité ! Je le pense bien meilleur que Nickname." Pour mémoire, Nickname (Lost World et la formidable matrone Newness) avait gagné sur notre sol les Gr.1 Prix Alain du Breil et Renaud du Vivier avant de remporter en Irlande quelques 8 Groupes.

 

Ceasar's Palace laisse à chaque fois tous ses adversaires dans un lointain très lointain !



Un peu plus tôt dans la journée, Thierry Majorcryk s’était retrouvé à terre, éjecté par un Remember Rose récalcitrant au saut du petit open-ditch. " C’est vraiment dommage car il était très bien aujourd’hui. Ce n’était pas du tout le même cheval que j’avais monté dans le Prix Ingré. Les oeillères lui ont fait beaucoup de bien jusqu’à cet obstacle où elles ont eu un effet inverse…c’est vraiment dommage. Mais je dois dire aussi que ce n’est pas bon signe pour l’avenir qu’un cheval de cette classe réagisse de la sorte."



Des regrets pour Yann Porzier aussi

Il avait de grands espoirs avec sa jument La Segnora dans le Grand Steeple-Chase de Paris mais Yann Porzier est "resté sur sa faim". Tombée au rail-ditch, la lauréate du Prix du Président de la République allait encore bien d’après son mentor : " j’ai hâte de la revoir face à ceux-là " a-t-il lancé. Déçu mais pas abattu : l’ex-banni arbore aussitôt un grand sourire et son oeil perçant s’illumine. Il pense à son Absolutly Yes qui sera au départ du Prix du Jockey-Club dimanche prochain : " Le travail qu’il a réalisé hier (samedi) me donne de grands espoirs. Je crois que c’est un super super cheval. "  Le convaincant vainqueur du Prix de Guiche représente les couleurs de Paul Sebag dont on fera la rencontre cette semaine sur france-sire.com

 

La Segnora chute sur le rail-ditch and fence, mais s'est relevé sans mal



Stop à la scoumoune !


En lançant la journée par un succès à la cote de 57/1, Quart Monde a étonné tout son monde sauf son éleveur Jacques Cyprès. Il sait de quoi est capable son cheval, si la malchance voulait bien le laisser tranquille un moment. Vainqueur à Enghien en mars 2010, le fils du toujours efficace Network (père de Rubi Ball) fut rapidement dirigé vers le Cross, débutant même dans cette spécialité à l’occasion de l’énorme Anjou Loire Challenge ! Malheureusement, Quart Monde fait pile devant le gué et envoie Jonathan Plouganou vers une baignade improvisée.

 

Edouard Monfort laisse éclater sa joie au passage du poteau du Prix Maréchal Foch, en selle sur Quart Monde qui accumulait les malheurs depuis de longs mois.

 

Ayant de la suite dans les idées, son entraîneur François Nicolle l’envoie en Belgique pour participer au Grand Steeple-Chase des Flandres. Jacques Cyprès se rappelle : " Il allait au-dessus du lot quand il s’est brisé une rotule ! Si je n’avais pas été présent, le cheval serait resté là-bas ! Heureusement, j’ai insisté pour qu’on ne l’euthanasie pas. Après quatre mois de boxe et des soins de grande qualité, il rentre à Moulins et conclut bon troisième. Malheureusement, il chute à nouveau lors de sa sortie suivante et rechute il y a quinze jours (le 15 à Lyon). Je me dis alors : mais ce n’est possible ! J’ai dit à son entraîneur François Nicolle qu’il faudrait vaincre le signe indien et tenter Paris. Alors, évidemment, cette victoire a un goût très particulier. Il a trouvé ici le parcours sélectif dont il a besoin. C’est un cheval qui vaut vraiment mieux ! " La chance a enfin tourné pour Quart Monde !

 

Ca soulage quand la malchance s'arrête. Edouard Monfort, Jacques Cyprès, son épouse Andrée et Fabienne, la compagne de François Nicolle l'entraineur, savourent ensemble...


"On préfère ne pas rester"


Un dernier mot pour M. et Mme Polani, les propriétaires de feu Questarabad. Croisés en début de journée, ils venaient simplement récupérer une lithographie de leur crack, commandée à une artiste depuis plusieurs semaines. Mais le coeur n’y est pas (plus ?) et ils ont préféré s’éclipser avant le début de la réunion et prendre la direction de Roland Garros.
 

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