La chronique Facebook d'And They're Off : Wise Dan, ce crack inaccessible.

07/09/2014 - Actualités
 Le crack du gazon américain Wise Dan, sauvé d'une crise de colique, a retrouvé les pistes le 30 août à Saratoga. Dans son style efficace mais peu impresionnant, cette machine à gagner a arracher du plus court des nez la 22e victoire de sa carrière. Méprisé en Europe, Wise Dan est pourtant un champion authentique. Par Allison NICOLLEAU (Alias And They're Off)

Wise Dan, victime de coliques au printemps, est revenu à Saratoga pour empocher a 22e victoire de sa carrière après 4 mois d'absence.
 

Plus il gagne, plus il nous attire. Wise Dan, grand champion du turf américain, idole d'un continent tout entier. Wise Dan, ce monstre sacré. Ce n'est pas à titre posthume que l'on lui adressera le titre de légende. Il l'a déjà acquis. Sa longévité, sa ténacité, sa hargne, sa carrière, on en rêverait d'un tel miracle sur notre capital. Wise Dan est rare. Goldikova l'était peut-être encore plus.

Wise Dan, miracle américain. Véritable don de la nature. Si unique, si atypique. Dans un pays où les cracks s'illustrent plutôt sur la polytrack. Dans un pays où les blessures mettent trop souvent un terme aux brillantes carrières futures. Wise Dan, symbole alezan brûlé, casse tous les codes, et s'approprie tout un peuple. Imaginez. Trente représentations. Vingt-deux victoires. Deux malheureuses secondes places en dix-huit tentatives. Deux malheureuses places, depuis la fin octobre 2011. Depuis l'envolée de Danedream dans l'Arc...

Il n'est pas invincible, puisqu'il a laissé sa couronne à huit reprises. Mais ce soir du 31 août 2014, il revenait d'un congé maladie qui lui a pris trois mois, deux courses, mais pas la vie. S'il avait décliné la lutte, on aurait compati. Les rêves se brisent parfois, il y a une fin à tout. Il nous aurait enchanté déjà si longtemps, pourquoi en attendre toujours plus ? Parce que le cheval de course est une drogue. Parce qu'il n'est que bonheur. Et le bonheur, on le rêve, on le touche, et on refuse de le laisser partir. Wise Dan, c'est d'abord un regard. Un œil plein, présent, et fixe. Une bille ronde et noire, qui trahit son intelligence. C'est une peau de soie, une aquarelle au seul pigment terre de sienne. C'est une liste blanche, légère, qui remonte le long du chanfrein et qui s'accumule au terme de son dessin. Les naseaux explosés, les oreilles hargneuses, le mors saisi. Diaboliques, les flammes parcourent sa nuque et s'étendent jusqu'aux prémices de son dos. L'épaule est bombée, remplie, et dessinée. La musculature dominant le cuire, elle s'imprime à chaque contraction, La poitrine exprime la puissance. Éclatée, elle supporte deux plaques sismiques, dangereusement puissantes. Les flancs, étirés puis contractés, traces d'infimes sillons sur la peau, que je sens douce et tonique. En harmonie avec l'épaule, le corps est disproportionné. L'épaisseur d'un buffle associée à la férocité du lion. Cocktail atomique. La croupe, source inépuisable de puissance, est sculptée dans la pierre. La cuisse s'y dessine, se creusant sous l'effort. Les jambes. Toniques. Porteuses. Chorégraphiées.


Wise Dan, c'est dix groupes 1. Dix-sept groupes. C'est une envolée sur le dirt et neuf sur la pelouse, au plus haut niveau. C'est quatre victoires sur la polytrack, une sur la tapeta. C'est le Mile. Le parcours préféré des rois. Mille six-cents mètres de vitesse, de concentration, de brèves décontractions, et d'action. Wise Dan, victime de coliques en début d'année, vient, ce soir, de prolonger sa destinée. Et il n'a pas changé. Logé à la corde, entouré de ses partenaires de jeu, il a trouvé dans le rythme imposé sa vitesse de croisière. Calme, patient, il propulsait ses membres en des foulées à la cadence idéale, et se reposait. Son cavalier lui demandait attention à l'amorce du tournant. L'épaule relevée, l'encolure tonique, il était prêt à rugir. Accompagné dans l'effort par son jockey, il se courbait autour des leaders, s'alignant à eux une fois tous équilibrés. Il ne restait pas sur place. Il rassemblait ses forces. Le galop devint souple. Le sabot caressant. L'épaule épouse l'effort, et le corps est emporté. Incroyable masse défiant la lourde gravité. Optimazer, se sentait léger. Lancé, inarrêtable. Il n'échouait pas sur le fil, il s'y faisait contrer. Envoûté par la gagne, Wise Dan reste Wise Dan. Unique.

 



Un tel bonheur, construit sur la durée, sur la fidélité, et sur le génie, nous en avons connu. Nous avons connu Goldikova, le verso féminin de Wise Dan. Déesse du Mile, illustre immortelle. Aujourd'hui, nous avons Cirrus des Aigles. L'incarnation du courage, la manifestation de l'âme chez le pur-sang.


Goldikova. Vingt-sept parcours, dix-sept victoires. Sept rencontres internationales. Relevée, encore menue, elle se montrait pure mileuse dans la Poule d'essai des Pouliches, mais se laissait uniquement devancer par la légende du classicisme français, Zarkava. Depuis ce jour, et jusqu'à la dernière foulée, elle fit du Mile son terrain de chasse, et des groupes 1 sa catégorie minimum. Elle ne connue plus le niveau inférieur une fois le Diane effacé. De l'été de ses trois ans, jusqu'à l'automne de ses six ans, Goldikova remporta quatorze groupes 1. A Deauville, à Longchamp. Des plus grandes pistes d'Angleterre aux plus grands théâtres américains. Accumulant les victimes. Les records. Et les longueurs. Formée comme un homme, massive et harmonieuse, elle s'enfonçait dans l'herbe, les foulées rases, les cuisses fournissant une incroyable propulsion. Elle saisissait les cœurs à travers le monde, séduisant tout passionné qui avait la chance de la rencontrer. L’Amérique l'acclame encore. L’Angleterre frissonne. La France est fière, mais ignore qui elle est. Ce paradoxe. Quel malheur de vivre au pays du pur-sang. De vivre au pays de l'élevage. Du Prix de l'Arc de Triomphe. Quel malheur, lorsque l'on parle de Goldikova, et que personne n'entend. L'attrait sportif du pur-sang a quitté l'âme du peuple français, tandis que les rivalités du front s'effaçaient. Aujourd'hui, la ferveur est ailleurs.

Retrouvez And They're Off sur Facebook

Voir aussi...