Mère de Montjeu, Floripedes a droit aussi à son hommage

31/03/2012 - Chef de race
Né en Irlande, mais élevé en France, Montjeu est assimilé à l’élevage français qui perd un de ses nombreux champions, exporté sitôt sa carrière sur la piste terminée. Sir James Goldsmith avait fait naître Montjeu parce qu’il avait acheté Floripedes, sa mère, foal, élevée par Joao (dit Jean) de Souza-Lage, décédé le 21 juin dernier dans sa 89e année. Mais de quelle origine maternelle provient-il ?

Un père de classique sur la distance…..classique

Nous allons tous regretter le départ de Montjeu vers d’autres cieux, puisque l’on constate que la grande majorité de sa production s’est illustré sur la distance classique (voire sur 2.000 m.) à l’heure où l’on ne parle plus de tenue mais de vitesse et de raccourcissement.
 
 
 
 
 
En étudiant les productions des grands étalons européens, on s’aperçoit qu’il a été l’un des seuls à ne pas donner naissance à des lauréats de Guinées, quelles soient anglaises, irlandaises et même françaises. Il est amusant de constater qu’il n’a pas donné une seule gagnante des Oaks européennes mais, qu’au contraire, il a eu une réussite insolente avec les mâles dans les Derbies d’outre-manche (6 victoires, même si la majorité des vainqueurs est Coolmorienne). Dans celui de Chantilly (celui sur 2.100 m. puisque raccourci en 2005), on ne voit pas l’ombre d’un podium de Montjeu, à l’exception de la seconde place d’Hurricane Run (peut-être une distance trop courte, même si l’on peut reprocher une mauvaise inspiration de son pilote).
 
Tous les gagnants de groupes dans l'Hémisphère Nord de Montjeu
 
 
Le Saint-Leger, l’Ascot Gold Cup et bien sûr le Prix de l’Arc de Triomphe témoignent de la qualité de tenue de la production de Montjeu. Mais qui a pu lui transmettre cette tenue ?
 
 
 
Montjeu
 
Montjeu a transmis sa tenue, un legs de famille
 
a) Floripedes, sa mère
Tout a commencé par l’achat, un jour de décembre 1985 à Deauville, d’une pouliche foal de Top Ville (un gagnant de Jockey-Club, ancienne version), déjà nommée Floripedes. Son acheteur, le courtier Frédéric Sauque, avait dû débourser la somme de 500.000 F. (le top-price de cette vente pour un foal, avait atteint 3.000.000 F. pour une fille de Caerleon). Elevée par Jean de Souza-Lage, Floripedes, placée sous la responsabilité de George Bridgland, porte les couleurs de Sir James (dit Jimmy) Goldsmith. Elle ne débute qu’en juillet de ses 3 ans, prenant le second accessit d’une épreuve disputée sur 2.100 m. à Evry. Quinze jours plus tard à Saint-Cloud sur la même distance, même résultat. Il faut attendre la fermeture de Clairefontaine pour que la fille de Top Ville cesse d’être maiden, et ce dans le Prix Guillaume d’Ornano sur 2.400 m. (en mémoire de l’ancien président des Courses du Pays d’Auge). George Bridgland ne pouvait rêver mieux puisqu’il avait été son entraîneur des années durant. Puis vient l’automne avec le grand week-end de Longchamp (qui n’a rien de comparable avec celui d’aujourd’hui) et son épreuve de stayer pour 3 ans : le Prix de Lutèce (sponsorisé à l’époque par CIGA), épreuve préparatoire en vue de la confrontation des jeunes avec leurs aînés dans le Prix Royal-Oak. Ce 3.000 mètres s’est résumé à un sprint à quelques encablures du poteau avec un faux-train bien maitrisé par Richard Briard et Floripedes (qui aura été son unique partenaire). Fort de succès, elle a le droit d’être alignée au départ du Prix Royal-Oak dans lequel, elle n’est devancée que par un fils de Mill Reef, Star Lift, vainqueur l’année suivante du Prix d’Harcourt (Gr.2), du Grand Prix d’Evry (Gr.2) et 3ème de la Breeder’s Cup Turf  1989 (à Gulfstream Park) pour Daniel Wildenstein et André Fabre.
 
 
 
 
Pedigree Floripedes

 

 
 
b) Ses frères et ses sœurs
Montjeu était le 5ème produit d’une « portée » de 10 rejetons. Né en 1996, son éleveur, Sir James (dit Jimmy) Goldsmith, le nomme Montjeu, du nom d’une de ses magnifiques propriétés en Bourgogne, du côté d’Autun. Malheureusement, il n’aura pas le temps de voir débuter son protégé. Sir James Goldsmith, homme d’affaires et homme politique franco-britannique, décède en juillet 1997. Il débutera sous les couleurs de Tsega Ltd, entité appartenant à sa dernière compagne, Laure Boulay de la Meurthe. Après son succès du Prix Isonomy, dans lequel il n’avait que 2 adversaires (dont Spadoun, vainqueur ensuite du Critérium de Saint-Cloud), son entraîneur, John Hammond, décide d’arrêter sa saison.
Au cours de l’hiver, l’entité irlandaise, Coolmore par l’intermédiaire de Michael Tabor, obtient le feu vert pour racheter la moitié du yearling à Tsega Ltd. On connaît la suite de sa carrière et même la fin.
 
 
 
Sir James (dit Jimmy) Goldsmith
 
 
C’est évidemment le rejeton le plus titré, mais avant lui, il y eut :
 
-Cuixmala (1991 Highest Honor), n’a pas couru et a donné naissance à son premier produit en 1995, un mâle nommé Mont Rocher (Caerleon) qui accumulera pas moins de 11 victoires sur des distances égales ou supérieures à 2.400 m. dont le Prix Max Sicard (L.) (2 fois), le Grand Prix du Sud-Ouest (L.)(2 fois). Il monte aussi sur le podium de La Coupe de Maisons-Laffitte (Gr.3) et du Grand Prix de Deauville (Gr.2).
 
-Cumbres (1993 Kahyasi), bien que déclarée à l’entraînement chez Marcel Rolland puis chez Jean de Roualle, elle est restée inédite. Elle prend très vite le chemin du haras où, après avoir été vendue à l’âge de 6 ans à Newmarket pour 200.000 Guinées, elle donne naissance pour Coolmore à Arkadina (2004 Danehill) (placée de groupe 3) puis à la championne Again (2006 Danehill Dancer), gagnante des Moyglare Stud St. (Gr.1) à 2 ans et des Irish 1000 Guinées (Gr.1). Again est la mère d’un poulain de Galileo en 2011.
 
-Le Paillard (né en 1994 de Sanglamore), vainqueur en France à 5 reprises dont le Prix René Bédel 1998 (L.) à Lyon sur 2.400 m. pour Tsega Ltd. Vendu aux USA, il se classe second de Single Empire (élevé par Swettenham Stud) dans le San Juan Capistrano H. (Gr.1) sous la coupe de Neil Drysdale. Il est ensuite exporté en Nouvelle-Zélande pour commencer une nouvelle carrière au haras.
 
Il est difficile de passer après Montjeu, mais Floripedes a donné après lui :
 
-La Leuze (1997 Caerleon), placée seconde lors de ses débuts dans une course « B » à 3 ans, elle n’a pas pu confirmer les espoirs de son entourage et a rejoint le haras où elle a donné naissance à une gagnante et à Don Padeja (m. 2010 Dansili) et à Galuppi (m. 2011 Galileo).
 
-Le Fou, (1999 Polish Precedent) vainqueur de 3 courses, toujours pour le même entourage, il s’est placé second du Prix La Force (Gr.3) et 3ème du Prix de Reux (L.) de Policy Maker. Entré au haras en 2006, il fait actuellement la monte au Haras du Hoguenet. Présenté aux ventes de Deauville en décembre dernier, il n’a pas trouvé preneur et a été racheté 215.000 €.
 
 
Le Fou
 
 
 
c) Toute Cy, sa grand-mère
La mère de Floripedes, Toute Cy (née en 1979 de Tennyson) s’est placée à 2 reprises à 3 ans (pour Jean de Souza-Lage, George Bridgland et Richard Briard) dont un 1er accessit (sur 1.800 m.) à une longueur de Figure Libre (une fille d’Ivanjica) et une 3ème place à Chantilly sur 2.400 m.
Outre la mère de Montjeu, Toute Cy a donné 3 autres vainqueurs dont le bon stayer Dadarissime (né en 1989 d’Highest Honor), vainqueur, comme sa sœur, du Prix de Lutèce (Gr.3) et l’année suivante, monté par Freddy Head, des Prix de Barbeville (Gr.3, couru à St-Cloud cette année-là) et Vicomtesse Vigier (Gr.2) pour Sir James Goldsmith, toujours et le futur retraité, George Bridgland qui mettra un terme à sa carrière en fin d’année 1994. Etalon national, Dadarissime est, entre autres, père de bon nombre de demi-sang dont l’excellent Jazz des Mottes.
 
d) Adèle Toumignon, sa 3ème mère
La mère de Toute Cy, Adèle Toumignon (née en 1971 du rapide Zeddaan) élevée et propriété de Jean de Souza-Lage, a débuté victorieusement mais qu’en octobre de ses 3 ans, sous la coupe de Miguel Clément. Ce sera sa seule performance notable de sa carrière sur la piste. Par contre au haras, sa production a fait feu de tout bois avec tout d’abord son premier produit, le stayer, Le Mamamouchi (né en 1978 de Tennyson). Sous la monte d’Henri Samani, il est vainqueur du Prix Berteux (Gr.3, supprimé depuis 2004), une préparatoire au Grand Prix de Paris (sur 3.000 m.) dont il prend la 4ème place de Glint of Gold (Paul Mellon). Avant de prendre le chemin d’Auteuil (2e Prix Achille-Fould et 3ème de la Grande Courses de Haies de Printemps pour Daniel Wildenstein et Jean-Paul Gallorini), il prendra deux honorables places dans les Prix de Barbeville (Gr.3) et Jean de Chaudenay (Gr.2) et finira sa carrière en Italie.
 
Vendue à Edward Seltzer, Adèle Toumignon est exportée en Irlande en 1982 où elle donnera naissance en 1984 à Genereux Genie (de General Assembly). Pour 850.000 F., c’est ensuite Jean Lesbordes pour Georges Blizniansky, qui remporte les enchères du yearling à Deauville.
Il s’impose dans deux Listed (sur 2.500 m.), les Prix de Menneval et de Reux (devançant une vieille connaissance, Star Lift) et s’est classé second du Grand Prix d’Evry (Gr.2), du Prix Dollar (Gr.2 sur 1.950 m) et du Prix André Babouin (Gr.3). Il prendra ensuite ses fonctions aux haras nationaux jusqu’en 2004.
Trois ans après, naît en France Dear Doctor (de Crystal Glitters) qui, racheté par son éleveur lors des ventes de yearlings, trouvera preneur ensuite en la personne de Michel Zerolo puis d’Henri Chalhoub. A l’entraînement chez John Hammond (comme Montjeu), il s’adjuge par deux fois le Prix Jean de Chaudenay (Gr.2) à 4 et 5 ans avant de battre les américains chez eux dans l’Arlington Million 1992, monté par Cash Asmussen.
Vrai globe-trotter, il a visité tous les grands pays de courses comme le Japon où il termine 3ème de la Japan Cup, l’Allemagne, l’Angleterre et surtout les USA où, outre l’Arlington Million, il est le dauphin à trois reprises de Solar Splendor dans le Turf Classic 1991, dans les Man O’War S 1991 et 1992.
 
 
 
Genereux Genie
 
 
Adèle Toumignon, pleine de General Holme, fait de nouveau son apparition sur un ring de vente en décembre 1989 et c’est Mme René Wattinne qui remporte l’enchère à 150.000 F. Au printemps suivant, naîtra Allegrine, achetée yearling par Paul Nataf pour l’Italie, 145.000 F. Sa fille, Allegrete (qui avait été vendue yearling en 2001, 300.000 F.) donnera naissance pour Jean-Claude Seroul (qui l’avait rachetée après sa carrière de courses, 13.000 €) à Splendido (née en 2008 de Slickly), gagnante du Prix Caravelle (L.), 2ème du Prix Charles Laffitte (L.) et 3ème du Prix Mélisande (L.).
Allegrine sera le dernier produit d’Adèle Toumignon, décédée en 1990.
 
e) Alvorada, sa 4ème mère
Née en 1960 de Beau Prince, Alvorada, élevée par Edouard Martinez de Hoz, s’est imposée à 3 ans dans le Prix d’Escoville à Chantilly, un maiden sur 2.100 m., pour les couleurs de Jean de Souza-Lage (jaune, manches blanches, toque écartelée jaune et noir à l’époque), entraînée par Miguel Clément.
Alvorada sera la mère d’Ababoumi (Dan Cupid), vainqueur du Prix Reiset 1968 (Gr.3 sur 3.000 m.) pour Jean de Souza-Lage devant Dhaudevi, puis prendra ses quartiers au haras.
 
Mais le meilleur restait à venir avec un fils de Reform, Acacio d’Aguilar, propriété déjà de James Goldsmith (par encore Sir), vainqueur à 4 ans, sous la monte de Georges Doleuze, du Preis von Europa devant un autre français, Ben Trovato (A. Perrotta) et l’entraînement de Miguel Clément (qui avait déjà remporté l’épreuve en 1964 avec Fujiyama pour le compte du Baron Edmond de Rothschild). Véritable globe-trotter lui aussi, il avait terminé 3ème du Gran Premio del Jockey-Club 1974, celui de Authi (Wertheimer),  4ème du Grosser Preis von Baden 1974 de Marduk, 4e du Premio Roma de Orsa Maggiore et 6ème du Washington D.C. 1973 de Dahlia.
 
Notes :
- Edouard Martinez de Hoz était un grand propriétaire-éleveur en France, de nationalité argentine, du début du siècle qui a détenu, fort longtemps, le top-price des ventes de yearlings en France : 570.000 F. pour Mon Talisman, élevé par un autre argentin, Guillermo Ham au Haras de Saint-Jacques qui l’avait fondé. Bien lui en pris quand même puisqu’il a remporté le Prix Lupin, le Prix du Jockey-Club et le Prix de l’Arc de Triomphe 1927 sous la coupe de Frank Carter et s’était classé second du Grand Prix de Paris et du Prix Royal-Oak. Jusqu’en 1953, les succès ne se comptent plus avec, entre autres, Rebia (Poule d’Essai 1923), Belfonds (Jockey-Club 1925), Calandria (Vermeille 1929), Clairvoyant (Jockey-Club et Grand Prix de Paris 1937), Lysistrata (Diane 1939), Orfeo (Grand Prix de Paris 1952)...etc…
Il élevait au Haras d’Auteuil à Auteuil St Sulpice dans l’Oise, un haras qu’il avait repris à son fondateur, Jean Joubert (d’où la Listed).
-Joao (dit Jean) de Souza-Lage a repris les couleurs d’Edouard Martinez de Hoz en 1977. Seule la toque était différente (noire unie). Il était son beau-fils et a hérité de quelques poulinières qu’il avait installé dans un petit haras dans l’Orne, Le Chalange près de Courtemer. Par ailleurs, Sir James Goldsmith était un ami de longue date.
 
 
Green Moon est le dernier vainqueur de groupe de Montjeu. Il s’est imposé le 10 mars dernier à Flemington, en Australie, dans un Groupe 2 sur 1.600 m. (pour me faire mentir). Il est amusant de constater qu’il est le fils de Green Noon, une ancienne pensionnaire de Carlos Lerner, gagnante du Prix d’Aumale 2003 et seconde du Prix Marcel Boussac de Denebola. Elle a été élevée par Gaëtan Gilles et l’Ecurie Jules Ouaki.
 
 
 
Green Moon
 
 
Montjeu est certainement bien armé pour les joutes du printemps et surtout celui d’un certain jour de juin à Epsom. N’a-t-il pas donné déjà 3 vainqueurs de Derby anglais : Motivator pour sa première année de production, Authorized et Pour Moi. Les deux premiers nommés ont aussi remporté, à 2 ans, le Racing Post Trophy, comme Camelot.

Voir aussi...