Les courses de poneys à 1 milliard d'euros sur l'Ile de Jéju en Corée du Sud

28/12/2016 - Découvertes
 Il s'agit sans aucun doute des courses de poneys les plus importantes du monde ! Sur un vaste hippodrome ultra-moderne de la Corée du Sud, des poneys d'1,20m, nés d'une race endémique de la petite ile volcanique de Jeju et montés par des jockeys professionnels, génèrent des enjeux annuels dépassant le milliard d'euros !

 




 


 
 
Si les courses de poneys montés par les gamins en France sont réputées pour fournir de futurs crack jockeys, si de telles épreuves existent aussi de façon plus ou moins folklorique, parfois avec des paris plus ou moins légaux comme en Irlande, toutes ces organisations n'ont strictement rien de comparable avec celles de l'Ile de Jeju en Corée du Sud.
 
En effet, ici, sur cette petite ile volcanique au large du pays du matin calme devenu celui de Samsung, un centre d'entrainement tout équipé de 500 poneys fournit les partants des courses qui ont lieu tous les week-ends de l'année sur un magnifique hippodrome avec écran géant de 200 m de long, tribunes vitrées, piste en sable de 1600 m, rond, stalles de départ, régie vidéo avec  plus de 10 caméras pour filmer les courses diffusées en simulcasting dans tout le pays et à l'étranger, notamment à Singapour et en Australie. Bref, le champ de course de Jeju serait un hippodrome modèle pour pur-sang dans n'importe quel grand pays de course au monde, avec des prix de série, des maidens, des handicaps et des épreuves classiques, sauf que les concurrents qui s'y produisent ne dépassent pas 1,30 m !!! Ils ne sont pas hyper rapides, bien sûr, mais ils tournent quand même en 1'15" au kilomètres sur des distances courtes, la plupart entre 800 et 1000 m. Le programme des courses comprend des maidens, des handicaps, des courses à conditions, des groupes locaux et sept épreuves majeures, et dont les allocations peuvent atteindre 150.000 €. Les prix de série sont tout de même dotés de 15.000 à 30.000 € ! A l'image de tout le pays, il y a beaucoup d'argent mais les écarts ne sont pas si importants entre le haut et le bas de l'échelle des rétributions.
 


 

Le plus étonnant dans toute cette affaire est que cela ne tient en rien à une vieille tradition, comme l'explique le Dr Joon, responsable du service vétérinaire et donc tenancier du très strict Stud-Book des poneys de Jeju : " Les courses de Poneys sur l'Ile de Jeju ont commencé dans les années 90. Cela n'existait pas du tout auparavant. Depuis des siècles, cette ile était connu pour ses poneys très typiques. Ils servaient à faire la guerre dans les temps anciens. Avoir un élevage de chevaux de guerre placé sur une île était un avantage stratégique, comme une usine d'armes de guerre qui serait construite dans un endroit naturellement protégé des envahisseurs. Les petits chevaux, robustes,  étaient aussi utiles dans la vie quotidienne de Jeju et de tout le pays. Traditionnellement, ces petits chevaux étaient élevés ici sur l'île, puis transportés par bateau sur le continent.
 
Mais avec la modernisation de la Corée dans la 2e moitié du 20e siècle, l'introduction des voitures et la mécanisation de l'Agriculture, le nombre des poneys a considérablement diminué, jusqu'à être menacés de disparition avec moins de 300 éléments recensés.
 
 


 


 
 
 
 
Un jour, lors d'une visite du Président de la Corée du Sud, la question lui a été posé de savoir comment on pourrait sauver l'existence de ces poneys, qui font partie de notre culture ancestrale. Alors il a proposé de faire des courses, dans le cadre d'une système bien organisé avec des enjeux sur un nouvel hippodrome avec un piste en sable de 1600 m, et un centre d'entrainement de 500 boxes, qui ontv été construit aussitôt."
 
Aujourd'hui, nous sommes remontés à 7000 chevaux sur l'île de Jeju, dont 3000 poneys de race pure, inscrits dans notre stud book officiel contrôlé par des analyses de sang, et 4000 chevaux dit hallah, un peu plus grands, nés de croisement avec les pur-sang. Mais à partir de l'année prochaine, dans le cadre d'un plan qui se terminera en 2023, nous allons concentrer toutes nos courses de poneys sur notre race originelle de Jeju. Les hallah, dont on a du mal à contrôler la taille et les spécificités puisqu'ils proviennent de croisements, seront orientés sur les activités touristiques."
 
Toute cette affaire de poneys de Jeju est donc très sérieuse. Et riche. Car les poneys ont participé activement au développement des courses et de l'élevage en général en Corée. Non seulement leur présence ancestrale sur cette île ont convaincu les autorités du pays à lancer un plan très ambitieux d'élevage de pur-sang dans cette zone qui abrite aujourd'hui plus de 2000 poulinières et 70 étalons dont des gagnants de Gr.1 achetés des millions de dollars aux Etats-Unis, mais les seules courses de poneys génèrent environ 15% des enjeux nationaux qui s'élèvent à 6 milliards d'euros sur les 3 hippodromes de Séoul, Busan et donc Jeju. Les 2 premiers hippodromes sont réservés aux pur-sangs, le 3e aux poneys. Chaque hippodrome organise 2 réunions par semaine, tous les week-ends de l'année. Séoul court le samedi et le dimanche, Busan le vendredi et le dimanche, Jeju le vendredi et le samedi. Vu que le gouvernement interdit la diffusion des courses à la télé nationale ou sur internet (comme les jeux également interdits en ligne), les 3 hippodromes sont tous ouverts simultanément les 3 jours du week-end. Pour une réunion sans grand prix, le public s'élève à 3000 entrées payantes à Jeju. Si la réunion à laquelle nous avons assisté dans le cadre du voyage à Séoul pour le Grand Prix de Corée, n'avait pas d'animation particulière, les aides starters et tous les agents de sécurité (nombreux) étaient très sayants avec leur costume de père noël !
 
 


 


 
 
 
Les poneys de Jeju font rarement le tour entier de la piste de 1600 m, sauf pour les très grands prix qui se disputent début décembre, le parcours sont le plus souvent de 800 m ou 900 m, voire 400 m ligne droite. La piste est en sable, comme à Busan ou à Séoul, pour les mêmes raisons climatiques. C'est à dire que les variations de climat dont telles entre les hivers polaires et les étés accablants de chaleur et de pluie qu'aucun système de piste artificiel n'a été trouvé pour remplacer le bon vieux sable naturel, qui résiste à tout. En revanche, la corde est à main droite, une différence notable avec les 2 hippodromes de pur-sang qui sont faits à main gauche, selon le modèle américain.
 
Mais de toute façon, il n'y a aucun croisement entre les professionnels des poneys et des pur-sangs, ni parmi les entraineurs ni parmi les jockeys. Les cavaliers, dont on rappelle qu'ils sont tous adultes, et montent à des poids de 52 kilos environ, passent tous comme les homologues des pur-sangs par l'école des jockeys de Séoul (la Racing Academy), mais ils ne sont tenus de ne faire qu'une seule année de formation, au lieu des 4 années requises pour monter les "grands". " Même si nos poneys ne font d'un 1,20 ou 1,30, la taille des chevaux ne changent rien à la façon de les monter. Le but de l'opération est de déceler ce que son partenaire sait faire de mieux. Il faut juste bien comprendre ses qualités et laisser le cheval les exploiter. C'est tout simplement ça, le secret de la victoire !" explique Young Min Kim, le meilleur jockey de l'Ile, vainqueur de 600 courses en 17 ans de carrière. Il poursuit : " C'est vrai qu'on court sur piste qui est grande pour nos petits poneys, mais Il n'y a pas de différences tactiques entre les pur-sang et les poneys. C'est la course qui décide. Il faut suivre le mouvement, comprendre le rythme, être fluide...Avec nos poneys de courses sur la piste, on doit se comporter comme de l'eau qui coule de la montagne."
 
 


 


 
 
Ancien jockey pendant 20 ans, TAE YOUNG LEE s'est installé il y a 6 ans et est devenu le meilleur entraineur de poneys de Jeju, déjà titulaire de plus de 300 victoires, avec 25 chevaux dans ses boxes. " Les poneys ont essentiellement des qualités d'endurance. Je rentre les poulains à l'âge de 2 ans, mais ils n'ont pas fini de grandir à cet âge alors on fait un travail léger pendant plusieurs mois. Les poneys deviennent matures en fin d'année de 3 ans ou à 4 ans. Ensuite, ils courent tous les 15 jours en moyenne. Pour travailler la vitesse de mes poneys, je m'adapte au tempérament de chacun. Ma méthode préférée est l'interval training. On fait plusieurs accélération de 200 m, entrecoupés de longs galops de chasse. Mais vous savez, les poneys sont des animaux très intelligents, parfois trop, avec beaucoup de caractère, alors ils ne sont pas faciles tous les jours à gérer et à entrainer !" 
 
 

 

 
 
 

 

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